Pitch un maure à Rome
Tandis que le Cardinal Della Rovere fuit Rome à la recherche de soutien dans son entreprise de destitution du pape Alexandre VI, le Vatican propose d'accueillir en son sein des exilés juifs espagnols, les Murranos (en français, les marranes), ainsi qu'un jeune prince maure du nom de Djem. Mais derrière l'hospitalité bienveillante des Borgias se cache les machinations et l'esprit corrompu d'un Pape décadent.
Un début de règne sous le signe de l'avidité
Après avoir écarté tous ses opposants, le règne d'Alexandre VI commence enfin, son opposant principal le cardinal Della Rovere étant parti chercher des soutiens à Naples. Malgré tout le potentiel de cette partie de l'intrigue et la personnalité fascinante du cardinal, l'histoire va s'avérer plutôt décevante, la série ne faisant pas l'effort de donner du temps pour bien saisir les luttes internes de l'Italie de l'époque. Jouant sur des images très esthétisées d'une très grande brutalité, la série semble chercher uniquement la surenchère, oubliant au passage de donner les clés pour saisir les tenants et aboutissants des guerres internes de la future Italie.
Heureusement, la seconde partie, en proposant une sous-intrigue à l'intérieur du Vatican, va faire preuve de bien plus de subtilité. L'accord du Pape pour accueillir un jeune prince Maure au sein même de l'Empire chrétien va donner l'occasion de donner un peu plus d'épaisseur aux différents membres de la famille Borgia, en particulier Lucrèce. Leur intrigue romantique permet de découvrir une jeune femme romantique innocente, arborant en parole une violence qui la fascine inconsciemment. La jeune Holliday Grainger se montre à son avantage, apportant par sa candeur et sa vivacité une pointe de poésie qui manquait cruellement.
Cesare Borgia, élevé par son père au rang de cardinal, va se montrer de moins en moins loyal, commençant lentement à remettre en cause les décisions paternelles. Incapable encore de se rebeller, il apprend à se montrer prudent, et est le seul membre de la famille à Borgia à faire encore preuve d'un peu de noblesse. La performance remarquable de François Arnaud est à souligner, l'acteur apportant un peu d'humanité au sein de cette famille particulièrement violente.
Des images superbes pour un récit peu subtil
Toujours impressionnante du point de vue de la reconstitution, The Borgia aligne les images superbes (la séquence de Danse entre Lucrèce et Djem est vraiment sublime) avec un soin particulier apporté à la reconstitution du Vatican. L'inspiration esthétique, curieux mélange entre les portraitistes italiens et la brutalité d'une toile de Goya, est la parfaite illustration de la destinée de cet espagnol parti à la conquête du pouvoir suprême. Les grandes fresques de l'église Saint-Pierre de Rome sont particulièrement remarquables et ajoutent à la crédibilité de l'ensemble.
Seulement, le scénario ne suit vraiment pas ce désir de perfection, proposant un récit encore très feuilletonnant, esquivant maladroitement les descriptions au profit de scènes d'action qui risquent de vite se répéter. Le nombre de personnages, trop limité pour une série de cette ambition, fait que la série peine à donner toute sa dimension à l'intrigue.
Portrait des borgia n°1: Rodriguo Borgia
Nommé Pape Alexandre VI à coup de corruption massive, Rodriguo Borgia est un homme qui éprouve une fascination pour l'argent et est renommé pour son goût des femmes et du luxe. Guidé par sa seule avidité, il est malgré tout plutôt fin politicien, en utilisant ses deux fils comme protecteur, rempart ultime contre les jalousies qu'il suscite. Obsédé par son image de "Pape multicolore", il prône une certaine ouverture pour les juifs Espagnols et est un adepte de l'adage: "Diviser pour mieux régner".
Malgré son nouveau statut, il entretient aussi une relation charnelle avec Julia Farnese, brisant ainsi son sacrosaint voeu de chasteté. Inapte à se montrer à la hauteur de son titre, il n'a que peu de considération pour l'Eglise, préférant vouer son énergie à déjouer les nombreux complots contre lui.
Bien, mais peut mieux faire
Porté par le savoir-faire visuel de l'excellent Neil Jordan, The Borgias confirme en faisant montre d'une exigence esthétique remarquable. Dommage que l'intrigue reste aussi superficielle, préférant une narration feuilletonnante à une approche plus réaliste qui permettrait de donner à cette "histoire dans l'Histoire" toute l'ampleur qu'elle mérite.
Le traitement de Lucrèce Borgia est par contre une belle réussite, la jeune femme ayant toujours été au centre des tumultes de la famille Borgia. Nul doute que son mariage à venir nous réserve bien des surprises.
J'aime :
- une esthétique très soignée
- François Arnaud, très bon dans un rôle particulièrement ambigu
- une scène de danse vraiment superbe
- Le beau développement du personnage de Lucrèce Borgia
Je n'aime pas:
- une intrigue sans véritable ampleur
- une séquence à Naples assez décevante
- un goût pour le morbide un peu excessif
Note: 13 / 20
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