Critique : The Borgias 1.04

Le 26 avril 2011 à 04:05  |  ~ 6 minutes de lecture
La politique va enfin occuper le devant de la scène dans un épisode très réussi. Au programme, complot à Florence, une famille qui se désunit peu à peu et Lucrezia Borgia trahie.
Par sephja

Critique : The Borgias 1.04

~ 6 minutes de lecture
La politique va enfin occuper le devant de la scène dans un épisode très réussi. Au programme, complot à Florence, une famille qui se désunit peu à peu et Lucrezia Borgia trahie.
Par sephja

Pitch premier mariage

Le mariage de Lucrèce Borgia et Giovanni Sforza se prépare peu à peu lorsque le Pape décide d'interdire à Vanozza Cattanei, sa mère biologique, de venir avec sa fille. La décision provoque un grand trouble chez Lucrèce, mais c'est Cesare Borgia qui va oser défier l'autorité de son père en l'amenant lors de la fête suivant la cérémonie. Pendant ce temps, à Florence, le cardinal Della Rovere imagine une invasion du Royaume de Naples par l'armée Française dans le but de renverser la papauté. 

 

Un mariage entre politique et sentiment

 

Pièce centrale de l'épisode, le premier mariage de Lucrèce Borgia est surtout marqué par deux évènements majeurs : 

  • Alexandre VI obtient un nouvel allié avec la famille Sforza qui l'aidera à obtenir une armée
  • mais il crée une scission dans la famille, une rupture avec Cesare Borgia en forçant sa mère à rester à l'écart. 

Ce bel équilibre du récit entre vie privée et intrigue politique donne un épisode vraiment réussi, avec au centre de tous les intérêts le personnage de Lucrèce Borgia, présentée intelligemment comme la victime des manipulations de son père. Plus lent que les épisodes précédents, les personnages gagnent enfin en épaisseur, tandis que la série montre une certaine pudeur en choisissant de tordre le cou aux rumeurs sur la jeune Lucrèce. 

Après trois épisodes très feuilletonnants, The Borgia fait le choix de ne pas céder à la réputation sulfureuse de la famille, et propose un récit qui essaie de trouver le ton juste en redonnant une humanité forte aux personnages. Refusant toute facilité, elle dresse un portrait complexe d'une Italie morcelée, où l'on fomente des plans les uns contre les autres, où l'on crée des alliances de façades totalement superficielles.

Pas étonnant de voir le Cardinal Della Rovere préparer de son côté la future invasion française, le tout sous le regard compréhensif d'un Nicholas Machiavel tout à fait à sa place. Il n'est pas question ici de politique pour le bien du plus grand nombre, mais de la conquête du pouvoir, avec tout ce que cela suppose comme meurtre et trahison. Della Rovere va faire lui même l'amère expérience de la voie du sang qu'il semble vouloir tracer et le voir en proie au doute fait de lui un personnage vraiment passionnant, qui prend lentement conscience que la bataille contre Alexandre VI lui coûterait tout simplement son âme.

La série investit avec succès le champ politique, utilisant à bon escient le talent remarquable de Colm Feore pour nous faire découvrir un monde détenu par de grandes familles qui ne sont pas vraiment plus respectables que la famille Borgia. Plus sérieux que les précédents, le récit fait le choix à juste titre de présenter les Borgia comme le fruit d'une époque où les royaumes d'Italie avaient le pape qu'ils méritaient.

 

Portrait famille Borgia n°2 : Lucrèce Borgia

Personnage sulfureux et source de tant de ragots, Lucrèce Borgia dispose ici d'un traitement intelligent, jouant plus sur la représentation féministe d'une jeune fille confrontée à la brutalité des hommes. Loin d'être idiote, la jeune femme comprend les tenants et aboutissants de la politique, mais elle est aussi encore trop naïve pour le mariage. Sa beauté et sa bonté lui valent l'amour inconditionnel de son frère Cesare, créant une rupture entre le père et le fils.

En tuant le jeune Maure, Juan Borgia a définitivement perdu le respect de son frère, lequel ne se reconnait plus qu'en cette jeune fille qui veut encore croire à la possibilité de l'amour. La scène où elle s'endort en plein repas de noces est assez symptomatique du caractère de Lucrèce, celui d'une femme-enfant qui va se retrouver confrontée à la brutalité d'un monde dont elle ignore tout. La scène finale est sur ce point vraiment poignante, symbole d'un romantisme de façade qui ne résiste pas longtemps à la violence d'un monde où tous doivent apprendre à survivre au mieux.  

Lucrèce (Holliday Granger, remarquable) constitue sans nul doute l'élément central de toute cette histoire, la série affirmant ainsi sa volonté de ne pas céder à la vulgarité du portrait qu'on a fréquemment dressé de la jeune femme. Faire le choix de la complexité contre le vulgaire racolage est une des grandes qualités de cet épisode intelligent (il serait bien que la chaîne Starz s'en inspire plus).  

 

Une famille en passe de s'autodétruire 

Si le pouvoir de Rodrigo Borgia a été acquis grâce aux talents de comploteur de ses deux fils, son nouveau rôle de Pape crée un fossé immense entre Juan et Cesare. Cette première partie s'est beaucoup concentré sur Juan, il serait désormais intéressant que Juan profite de plus d'exposition, le jeune frère se montrant encore fidèle à son père. En racontant l'histoire d'une famille en phase avec son époque, The Borgia fait preuve d'une vraie sensibilité dès qu'elle freine le récit pour lui donner toute son ampleur. 

De ce point de vue, la scène du bal est vraiment formidable, réunissant par alternance les différents éléments de la famille autour de Lucrèce. Elle possède cette respectabilité que son père a depuis longtemps perdue, et sa relation avec Giulia Farnese constitue une belle introduction sur la position des femmes dans la société de l'époque. Mieux vaut visiblement être une maîtresse qu'une épouse, prise au piège d'une destinée sur laquelle vous n'avez aucun contrôle. 

La scission est faite et l'union sacrée autour du père est brisée, Cesare faisant  clairement le choix de défendre sa soeur tout en remettant en cause la vision machiste de la société. Nul doute que son père sera bientôt confronté au besoin de réaffirmer son autorité, quitte à dresser ses fils l'un contre l'autre. 

 

J'ai aimé : 

  • des propos subtils et intelligents. 
  • une belle réalisation
  • un beau portrait d'une famille en pleine discorde
  • une scène de bal remarquable

Je n'ai pas aimé : 

  • Juan, sous-exploité jusqu'ici. 

Note : 16/20 

(71)

L'auteur

Commentaires

Pas de commentaires pour l'instant...

Derniers articles sur la saison

Critique : The Borgias 1.09

Season final plutôt réussi où les Borgias vont renverser la tendance en faisant preuve d'un remarquable sens de la politique. Au programme, Charles VIII couronné, une famille vengée et réunie autour de l'arrivée d'un nouveau-venu.

Critique : The Borgias 1.08

Episode très réussi où chaque personnage va devoir faire face à son destin, entre combativité et désespoir. Au programme, une guerre qui prend un tour plus politique, un portrait de Charles VIII tandis que le Pape se retrouve seul dans un Vatican déserté.

Critique : The Borgias 1.07

Episode de transition plutôt mineur, il permet de replacer les différents personnages en vue d'un final qui s'annonce particulièrement dramatique. Au programme, une armée contre une civilisation, un portrait du Cardinal Della Rovere et un pape à la recherche de l'aide de Dieu.