Toute histoire est une trahison
Le pape Alexandre VI découvre que sa fête gigantesque a ruiné le Vatican, découvrant une ville papale en pleine ruine alors qu'il risque une sortie hors des murs de la ville Sainte avec Giulia Farnese et l'artiste Vittoria. Sa maîtresse conseille alors au pape d'ordonner à ses cardinaux de tenir des comptes, essayant de partir ainsi en guerre contre les gaspillages. Pendant ce temps, Paolo arrive et tente de retrouver Lucrèce et son fils, attirant l'attention sur lui de Juan Borgia.
Résumé de la critique
Un épisode correct que l'on peut détailler ainsi :
- une intrigue à Rome trop simpliste
- une description intéressante de la situation de Lucrèce Borgia
- un épisode qui privilégie la forme sur le fond
- la saison deux peut maintenant commencer
Voyage à Rome
Lors de l'épisode précédent, Alexandre VI se vantait de pouvoir donner de la joie à Rome en organisant une grande célébration, mais la fête est terminée et le temps est au retour à la réalité. Les caisses du Vatican sont vides, laissant le pape découvrir un monde sujet à la misère et à la souffrance lors d'une visite impromptu dans les rues de la ville. Grimé pour ne pas être reconnu, il découvre la misère des oubliés d'une charité chrétienne qui assure avant tout son propre confort au détriment du bien-être d'un peuple invisible depuis les hauteurs du Vatican.
L'idée de s'aventurer au sein de Rome est une bonne idée, mais la série se heurte vite à ses propres limites dans sa capacité à reconstituer un univers cohérent et suffisamment crédible. Certes, les images sont léchées et la photographie de Paul Sarossy splendide, mais tout est trop explicite, trop mâché pour appuyer le message des auteurs, empêchant l'intrigue de prendre vraiment. Pourtant, l'épisode contient quelques bonnes idées, comme la scène où le pape, écoeuré par tant de misère, prend comme décision d'acheter des faucons pour chasser les pigeons de la ville, preuve très amusante que le problème de la pauvreté sera résolu en la rendant invisible.
La rupture entre le Vatican et le peuple de Rome est bien mise en valeur, mais l'ensemble peine à être vraiment crédible, composant des tableaux qui servent un peu trop d'argumentaires au service des auteurs. Oubliée de la première saison, la ville de Rome devient le chantier principal du pape Borgia, une intention noble en apparence, mais qui ne sert qu'à prouver son incompétence politique à gérer les affaires courantes. Le pouvoir étant acquis, le pape se retrouve impuissant devant sa capacité à moderniser un monde en souffrance, fin stratège se révélant brutalement un bien médiocre gestionnaire.
Une femme piégée
Pendant que les frères Borgia n'ont de cesse de marquer leur opposition, la situation de Lucrèce reste à déterminer, élevant son fils tout en attendant que son père lui trouve un nouvel époux. Seulement, elle ignore que Paolo, le père biologique de son fils, arrive à Rome pour la retrouver et va vite se heurter à la colère de deux frères qui cherchent à protéger l'honneur des Borgia incarné par la réputation de leur soeur Lucrèce. L'occasion de montrer que pour Juan, les femmes ne sont que des trophées, des portraits sans âme servant à flatter son orgueil ou la satisfaction de besoins physiques, montrant un mépris total envers leurs passions et la notion même d'amour.
L'arrivée de Paolo est donc vécue comme une agression, plaçant le jeune paysan comme la source de l'avilissement de la jeune femme, poussant celui-ci à faire preuve de violence à son égard. Leur amour devient clairement impossible, sa famille menaçant de mort l'objet de l'affection de Lucrèce, malgré la nature somme toute légitime de l'exigence du jeune paysan de pouvoir voir son fils. Avec cette histoire, Neil Jordan vient surtout clore une intrigue romantique devenue inexploitable, scellant les espoirs d'une femme qui comprend alors que sa liberté ne sera possible qu'en dehors du giron familial devenu invivable.
La famille Borgia est lentement en train de se briser, Cesare apparaissant comme le dernier allié de sa soeur, souffrant lui aussi d'un nom qui lui a fait perdre la femme qu'il aimait. Cadeau empoisonné, le patronyme est en train de devenir impossible à porter, Rodrigo empêchant, par son désir d'unité, ses deux fils de vivre leur existence. Un portrait familial très réussie qui prouve que la série parvient avec succès à dépeindre les passions et conflits, privilégiant malheureusement un peu trop la forme au détriment du fond.
Réalisme et mise en scène
Difficile de faire des reproches à Neil Jordan concernant la direction artistique, l'épisode offrant plusieurs scènes très soignées, comme la séquence d'ouverture où un pape nu reprenant la posture du Christ crucifié tient deux femmes dans ses bras. Ce type de petits détails blasphématoires prouve le soin apporté à la construction des images, tout comme la séquence des retrouvailles entre Lucrèce et Paolo cherchant à faire écho à leur après-midi passé ensemble lors de la première saison. Seulement, cette seconde partie est un peu trop prévisible, ne retrouve pas le souffle espéré et sert avant tout à clôturer plusieurs arcs narratifs devenus inutiles.
Si la qualité plastique est indéniable, la crédibilité dans la description de Rome est plus discutable, la faute à l'apparence beaucoup trop fléché du parcours de Paolo dans les rues de la ville. Les coïncidences sont appuyés par des effets de mise en scène trop visible et la spontanéité nécessaire à une intrigue romantique laisse place à une forme trop théâtrale pour permettre de rentrer totalement dans l'épisode. Assez anecdotique, cet épisode ne sert qu'à offrir un divertissement tout en installant les éléments nécessaires à cette seconde saison, se concentrant essentiellement sur des questions politiques et le conflit naissant entre le peuple de Rome et l'univers protégé du Vatican.
La réalité ne peut pas être mise en scène sans une vraie figure pour incarner le peuple, un personnage suffisamment fort pour incarner le sentiment de révolte et de mépris pour Alexandre VI. Avec l'introduction à Paolo d'une jeune prostitué, Neil Jordan tente de donner un premier visage à un univers jusqu'ici peu exploité, simple spectateur jusqu'ici de l'ascension des Borgia. Un premier pas intéressant à poursuivre, en espérant que la série saura aller au-delà des clichés pour faire exister vraiment l'âme de la cité papale qui sera le défi principal de cette seconde saison.
La saison deux commence
Après une première saison racontant la conquête du poste suprême par Rodriguo Borgia, cette saison semble vouloir s'intéresser à l'exercice du pouvoir, avec des habitants qui passent du statut de spectateurs à celui de victimes. Encore peu exploité et manquant sérieusement de crédibilité, l'univers hors des murs du Vatican souffre de l'absence de personnages forts pour pouvoir l'incarner. Un gros chantier en perspective pour les auteurs qui font preuve malgré tout d'une belle ambition, mais se heurtent ici aux limites d'une approche trop théâtrale de l'univers des Borgia, les contraignant à revenir à une vérité historique dont il s'était lentement éloigné.
En conclusion, un épisode qui possède de nombreuses qualités visuelles, mais laisse un sentiment de déception, la faute à une progression trop prévisible et à un univers de la ville de Rome pas assez crédible. Au lieu de servir l'histoire en la mettant en valeur, la mise en scène se sert de l'intrigue pour appuyer son propos, ramenant l'épisode à une intrigue romantique sans réelle surprise. Heureusement, la section centrée sur les relations au sein de la famille Borgia est plus convaincante, Juan incarnant parfaitement le sentiment de frustration de trois enfants pris au piège de l'ambition du père.
J'aime :
- la direction artistique remarquable
- le conflit au sein de la famille Borgia
- le personnage de Giulia Farnese
Je n'aime pas :
- une progression trop prévisible
- un scénario qui manque de subtilité
- la scène avec Della Rovere inutile et gratuite
Note : 12 / 20
Un épisode qui vient marquer la fin réelle de la première saison en scellant le destin de Lucrèce, prise au piège au sein d'un conflit familial vraiment intéressant. Dommage par contre que la séquence au sein de la ville de Rome soit si prévisible, soulignant l'un des points faibles d'une série qui a du mal à exister hors des murs du Vatican.