Critique : The Borgias 2.08

Le 06 juin 2012 à 06:24  |  ~ 8 minutes de lecture
Un épisode inégal qui vaut surtout pour la dimension morale des différentes intrigues .
Par sephja

Critique : The Borgias 2.08

~ 8 minutes de lecture
Un épisode inégal qui vaut surtout pour la dimension morale des différentes intrigues .
Par sephja

Au nom du père et des deux fils 

 

Juan est rentré du siège de Forli sur un fauteuil roulant, racontant à tous sa lutte acharnée alors que l'armée du Pape était totalement terrassée par l'armée des Sforza. Face à son père, il accuse Cesare de l'avoir trahi par son silence, pendant que celui-ci rend visite en secret au fils de Catherine Sforza et entend le témoignage du vrai récit de la couardise de son frère. Pendant ce temps, Della Rovere et son jeune apprenti attendent un coup du destin qui permette d'éliminer le goûteur officiel du pape Alexandre VI. 

 

Résumé de la critique 

 

Un épisode plaisant que l'on peut détailler ainsi : 

  •  une intrigue classique et inégal autour des enfants Borgia 
  •  une dimension morale intéressante 
  •  des auteurs qui misent sur le long terme 
  •  un épisode inégal avec quelques éclats

 

 

Trois destinées au sein d'une même famille 

 

A deux épisodes de la fin, les auteurs nous proposent un épisode assez classique mettant en avant la situation de la famille du pape et les relations entre ses enfants, laissant apparaître la rivalité entre Cesare et Juan. Comme trop souvent cette saison, cette construction va surtout mettre en évidence la distance qui s'est créé entre les trois fils de Rodriguo, Lucrèce n'ayant plus vraiment de scènes avec ses deux frères. Sans surprise, le personnage de Juan joue la carte de l'orgueil blessé, les auteurs prenant un malin plaisir à décrire une médecine d'un autre temps, masquant par ce biais ainsi les lacunes d'une intrigue assez prévisible.

Son opposition avec Cesare est clairement trop déséquilibré, celui-ci se réjouissant avec une cruauté troublante du spectacle de la souffrance de Juan. Loin des intrigues florentines de Machiavel, Cesare travaille encore à obtenir sa libération de son poste de cardinal, conscient que l'accession à ce pouvoir nécessite de trahir directement un frère pour qui son affection est clairement tarie. Incapable de tenir la famille en place, le pape a perdu toute autorité et apparaît comme impuissant, souffrant uniquement de voir son nom traîné dans la boue de l'infamie par un fils menteur et capricieux qu'il aura trop gâté. 

Il y a une naïveté chez Alexandre VI qui serait touchante si elle était mieux exploitée, une volonté d'afficher une moralité de tous les instants là où tout le monde a conscience de son goût évident pour le mensonge et la manipulation. Embarrassé par un personnage principal trop passif, les scénaristes offrent un scénario sans surprise, prévisible dans son déroulement et qui ne parvient pas à renouer avec le souffle épique du début de saison. Un retour au Vatican de la famille Borgia qui confirme la distance qui s'est installée entre le père et ses enfants, incapable de fédérer autour de lui leurs trois destinées.

 

Le droit de vie et de mort

 

Si l'épisode peine à surprendre dans le déroulement de son récit, il propose en contrepartie une intrigue intéressante autour du danger que représente le pouvoir de vie et de mort qui fait immédiatement écho au comportement de Cesare contre Juan. En choisissant de ne pas l'informer de l'attaque des Sforza, le cadet des Borgia a coupé tout lien avec son frère, sa passivité devenant l'expression la plus cruelle d'un désir de plus en plus conscient de voir son frère mourir. Sa passivité dans l'épisode précédent pose une question morale forte et intéressante que les auteurs vont intelligemment exploiter avec deux confrontations qui sortent l'épisode de sa torpeur. 

La première concerne Cesare et le fils de Catherine Sforza détenu après le massacre de Forli par l'ancien homme de confiance de Juan. Une rencontre délicate où Cesare devient le témoin de ce que sa lâcheté a engendré, portant le poids d'une faute qu'il s'efforce de nier, celle de son choix de privilégier son bonheur à sa propre conscience. A la vue du visage de cet enfant condamné, il voit le reflet de ses erreurs, constatant les conséquences inattendues d'un instant de passivité, posant une question morale intéressante qui fait écho aux prêches de Savonarole. 

Pourtant, il est possible de pousser un homme à tuer, en utilisant le bien commun comme justification de l'acte le plus violent et du péché le plus grave qui soit. Lorsque la cause supplante la morale, alors le camp du bien et du mal apparaît avec une clarté aveuglante, surtout lorsque s'y ajoute le discours d'un Della Rovere en pleine croisade contre Alexandre VI. Organisant les derniers préparatifs en vue de sa tentative de meurtre, l'ancien cardinal utilise les mots pour alimenter la colère de son disciple, transformant sa foi en fanatisme, donnant à cet épisode ses scènes les plus remarquables.  

 

 

Une construction à long terme 

 

Dès le début de saison, le manque de maîtrise dans la construction globale de la saison est vite apparue, avec plusieurs éléments tombés depuis en désuétude, surtout concernant les personnages féminins. Ainsi, Giula Farnese n'existe pas vraiment et l'introduction de cette artiste qui se grimait en homme n'aura finalement pas abouti à grand-chose. Incapable de tisser une trame claire entre les épisodes, les scénaristes misent sur l'opposition entre Juan et Cesare, tout en installant des éléments en vue de l'année prochaine, préparant le terrain aux nouveaux ennemis de la famille Borgia. 

Si ses frères héritent d'une storyline conséquente, la présence de Lucrece apparaît comme de plus en plus anecdotique, offrant des scènes artistiquement remarquables, mais à l'enjeu plus que limité. Coupée du reste de l'intrigue, les romances romaines  paraissent assez fades, à l'exception d'une première séquence où la jeune femme exprime tout son mépris pour le patronyme qu'elle porte, déconnectée d'une famille qu'elle rejette inconsciemment. Trop en rupture avec le reste de la série, ce récit est à l'image d'une saison confuse qui cache derrière des faits d'armes spectaculaires un manque de cohérence dans la construction assez frustrant. 

Renouvelée pour une troisième saison, la création de Neil Jordan donne l'impression d'avoir abandonné ses plans autour du quotidien de la ville de Rome, prenant conscience de leur incapacité à recréer la complexité d'une réalité. Ainsi, l'histoire des orphelins n'aura servi que de simple bouche-trou, tentative maladroite de ramener la série à un quotidien qu'elle ne parvient pas à saisir malgré plusieurs efforts notables. Fausse série historique, The Borgias délaisse son ambition du début de saison et assume pour le mieux sa nature de divertissement romanesque, privilégiant les complots et batailles à la réalité d'un monde désincarné.

 

Une opinion mitigée

 

Tout comme toute cette saison, la série de Neil Jordan laisse un sentiment assez mitigé, offrant avec Della Rovere des séquences particulièrement réussies, mais proposant des storylines trop déconnectées les unes des autres pour convaincre vraiment. Ainsi, la quête de Lucrèce d'un nouveau mari est visuellement très soignée, mais au service d'une histoire qui ne parvient plus vraiment à surprendre. Un résultat trop inégal, surtout par rapport au potentiel de départ qui permettait de laisser espérer une confrontation plus brutale entre Juan et Cesare. 

En conclusion, un épisode correct, offrant des images soignées et quelques scènes réussies en poussant les personnages à se poser des questions morales sur le pouvoir de donner la mort. Malheureusement, si certains passages profitent de la qualité des comédiens, l'ensemble manque de cohérence pour pouvoir convaincre, laissant l'impression d'un show qui se répète, sans véritable fil directeur. Espérons que les deux derniers épisodes sauront utiliser les intrigues florentines et la rivalité entre les deux frères avec plus de succès afin de lancer une troisième saison dont les scénaristes laissent entrevoir les intéressants prémisses. 

 

J'aime : 

  •  les scènes de Della Rovere 
  •  la photographie et les costumes de Lucrèce 
  •  le débat au bord de l'eau entre Cesare et Micheletto  

 

Je n'aime pas : 

  •  les storylines totalement déconnectées 
  •  l'intrigue de Lucrece prévisible 
  •  le manque de mansuétude des scénaristes envers Juan Borgia 

 

Note : 12 / 20 

Un bon épisode qui propose un questionnement moral fort et intéressant chez Cesare concernant le danger que représente le pouvoir de vie ou de mort. Trop prévisible, une intrigue plaisante qui manque d'une vraie cohérence, mais profite du travail remarquable des décorateurs et de Paul Sarossy à la photographie.

L'auteur

Commentaires

Pas de commentaires pour l'instant...
Image The Borgias
12.49
12.07

Derniers articles sur la saison

Critique : The Borgias 2.10

Un season final simple et au démarrage sans surprise, mais à l'intensité indéniable lors d'un dernière demi-heure forte et captivante.

Critique : The Borgias 2.09

Un épisode fort et assez intense qui montre jusqu'où la vanité peut pousser les hommes, tandis que la famille Borgia s'entredéchire.

Critique : The Borgias 2.07

Un épisode en trois segments disjoints qui se penche sur les trois enfants Borgia, offrant avec Juan des scènes d'une rare violence.