La folie dans le coeur des hommes
Juan Borgia est de retour à Rome, ramenant avec lui des souvenirs d'Espagne, des cigares du nouveau monde pour son père et une panthère pour sa soeur. Aussitôt, son père exige qu'il prenne la tête de l'armée papale pour soumettre Catherine Sforza à Forli, celle-ci se retranchant dans son château derrière les canons laissés par le roi de France. Pendant ce temps, Lucrece rencontre un prince génois, mais jette son dévolu sur son frère, consciente que son père n'acceptera jamais une telle union.
Résumé de la critique
Un épisode intéressant, mais inégal que l'on peut détailler ainsi :
- un joli duo à Florence entre Cesare et Machiavel
- le péché d'amour et ses conséquences
- un retour de Juan marqué par un siège d'une force surprenante
- un épisode inégal
La loi divine comme seul glaive
Avec le retour de Juan à Rome, Cesare se voit libéré de ses tâches au sein de l'armée et se rend à Florence pour retrouver Machiavel et assister à la prise de pouvoir de Savoranole. Agrandissant son public de jour en jour, le prêcheur organise une milice d'enfants dont le but est de réclamer des habitants l'abandon de toutes leurs fortunes. L'homme possède un réel charisme et se constitue avec ses fidèles un rempart de plus en plus grand contre un pape dont il a juré la perte, le Vatican attendant le blasphème de trop qui le condamnera définitivement aux flammes du bûcher.
Steven Berkoff est excellent et il est intéressant de voir Cesare sortir de son rôle habituel pour occuper celui de témoin, observant combien la croyance peut mener les hommes d'Eglise à devenir des Réformateurs. Appelant les habitants à se déposséder de leurs richesses, le prêtre Dominicain crée un monde où l'église se fait inquisitrice, poussant par le harcèlement les sceptiques à rejoindre son mouvement. Livres, tableaux, oeuvres d'art en tout genre sont jetés dans le Bûcher des Vanités, feu rédempteur symbole de sa conviction que les richesses et l'art sont la source du péché.
Posté en hauteur, Machiavel et Cesare assistent à la naissance d'une idée extrémiste, celle du royaume de Jésus-Christ comme l'appelait Savonarole, fondant les prémisses de l'Eglise Luthérienne. Une page importante qui se déroule devant leurs yeux, offrant l'occasion au fils Borgia de marquer une coupure avec sa famille, abandonnant à son sort un frère qu'il n'a jamais aimé et un père qui reste sourd à ses exigences. Une storyline descriptive intéressante grâce à une mise en scène étonnante, si l'on fait l'impasse sur quelques erreurs de reconstitution, qui marque un virage dans la saison, brisant l'unité familiale.
L'amour comme péché véniel
Pendant que son frère voit à Florence la naissance d'une idée, Lucrece Borgia poursuit sa quête utopique d'un époux qui puisse lui plaire et satisfaire son père, en quête d'allié contre les Sforza. Elle jette alors son dévolu sur le frère de Calvino Pallavicini de Gênes, mais le pape s'interpose assez vite en lui rappelant que la tradition interdit d'épouser le second fils d'une famille. Pris entre sa soumission à l'autorité paternelle et ses propres sentiments, la jeune femme va malgré tout se rapprocher de cet homme mystérieux, artiste à ses heures et solitaire qu'elle va s'efforcer de séduire.
L'occasion pour les auteurs de reposer leur vision féministe de Lucrece Borgia, une femme moderne refusant de se soumettre à une autorité paternelle qui ne prend pas en compte ses suppliques. Dérogeant aux convenances, celle-ci refuse d'être vendu comme un simple bien, dressant le portrait d'une femme insolente par son refus des traditions, loin du portrait diabolique dressé par les historiens du Vatican. Femme fragile protégée par un père aimant, elle est victime de sa passion pour le sentiment amoureux, ce trouble de l'âme et du corps dont les artistes n'ont de cesse de faire les louanges.
Pour Neil Jordan et David Leland, Lucrece incarne une utopie qui sert ici à équilibrer la violence de la storyline de Juan Borgia. Seulement, si l'intrigue est plaisante, la première partie sur la panthère est assez peu exploitée, servant juste à rappeler la rancune et la colère existant encore entre Juan Borgia et sa soeur. Une colère qui vient s'ajouter à sa frustration envers une famille qui refuse là aussi de l'entendre, portrait d'un monde où le mariage n'avait pas grand-chose à voir avec les sentiments.
La soif de puissance qui conduit à la barbarie
Elément majeur de cet épisode, le retour de Juan Borgia est vécu avec fierté par son père, celui-ci rentrant d'Espagne lavé de ses échecs et des crimes de son passé. Il récupère aussitôt son poste de Gonfalonier, les scénaristes ayant la regrettable idée de ne pas développer la récit de ses aventures en Espagne. Avec Juan, la série de David Leland révèle un goût pour la violence assez regrettable, le départ de celui-ci pour Forli étant clairement trop précipité, marquant leur manque d'enthousiasme pour développer la partie du scénario le concernant.
Peu de surprises ici, Juan prouvant une nouvelle fois sa faculté à montrer une absence de noblesse et une arrogance qui va se retourner contre lui. Le vrai intérêt de cette storyline va venir de Gina Mc Kee, impeccable en Catherina Sforza et qui va donner à son affrontement avec le fils une dimension épique et tragique assez indéniable. La scène la plus remarquable reste celle où elle condamne son fils en menaçant le Gonfalonier de mettre au monde toute une descendance dont le seul but sera d'obtenir vengeance pour le meurtre de son fils.
Héros perverti par sa propre cruauté, aveuglé par son orgueil, Juan est désormais seul et laisse apparaître combien il n'a pas les épaules du rôle que lui a donné son père. Agissant avec une brutalité terrible, il laisse apparaître son absence totale d'honneur, à la différence d'une Catherine Sforza qui va gagner des alliés au sein même de l'armée ennemie. Misant un peu trop sur la violence, cette storyline fait dans la facilité, ne servant qu'à appuyer le portrait pathétique de Juan Borgia, fils maudit aveuglé par sa propre suffisance.
Des hauts et des bas
Après une première moitié de saison assez moyenne signée par Neil Jordan, cette seconde partie retrouve un souffle indéniable, l'affrontement à Forli possédant une force dramatique inattendue. Pourtant, si Cesare et Lucrece ont connu une évolution par rapport à la première saison, Juan reste un personnage assez rarement mis en valeur, créant un sentiment de déséquilibre assez fort. La prestation de David Oakes se ressent de ce manque de nuance, les auteurs n'ayant pas fait l'effort d'explorer vraiment un personnage pourtant au coeur du désordre familial.
En conclusion, un épisode globalement réussi, offrant un séjour à Florence intéressant confirmant le potentiel du personnage de Machiavel et de Savonarole. Marquant sa rancoeur envers la volonté de son père de lui laisser la robe de Cardinal, Cesare laisse son frère se débrouiller à Forli, essayant de plier par la force Catherine Sforza. Un affrontement brutal et violent qui doit beaucoup à la qualité de ses interprètes et à un travail soigné concernant la mise en scène particulièrement spectaculaire.
J'aime :
- le personnage de Catherine Sforza et son affrontement avec Juan
- l'intrigue à Florence
- un rythme dynamique et divertissant
Je n'aime pas :
- le personnage de Juan qui manque d'épaisseur
- l'histoire de Lucrèce assez anecdotique
Note : 13 / 20
Un épisode plaisant qui offre une storyline majeure reposant sur l'affrontement entre Catherine Sforza et Juan Borgia, entre la noblesse de l'une et la cruauté de l'autre. Un affrontement intéressant, tandis qu'à Florence, Savonarole étend son pouvoir, donnant un fil rouge ambitieux à cette seconde moitié de saison.
Attention, pas d'épisode la semaine prochaine. The Borgias ne reprendra que dans 15 jours.