Une famille de sang
Paolo est retrouvé mort dans un quartier marchant de Rome et Lucrèce s'effondre en voyant son corps dans un chagrin terrible, suspectant assez rapidement Juan d'être responsable de cet exécution déguisé en suicide. Refusant de nourrir son fils et de quitter son lit, elle oblige le pape à organiser l'enterrement du jeune paysan et à reconnaître ainsi la nature criminelle de son décès. Pendant ce temps, le roi de France, appuyé par la famille Sforza, se prépare à quitter Naples pour prendre sa revanche sur Alexandre VI.
Résumé de la critique
Un épisode réussi que l'on peut détailler ainsi :
- une première partie sur Lucrèce Borgia inégale
- une famille en proie à la guerre
- un dernier acte très réussi et épique
- la pratique de la foi
L'amour, la trahison, la mort...
Construit en deux parties très distinctes, cet épisode de The Borgias est brisé en trois parties distinctes inégales, mais ne manquant pas de souffle épique, les auteurs essayant de donner une dimension tragique à ce début de saison deux. Hélas, la découverte du meurtre de Paolo va donner lieu à une première scène ratée où Lucrèce s'effondre dans les bras de son ancien amant, devant un Cesare qui s'efforce de la protéger. Surjouée, passable, cette séquence poursuit l'idée de Neil Jordan de faire de la jeune femme un personnage mélodramatique, mais manque clairement de la finesse nécessaire dans sa mise en place.
Le coupable est connu, Juan montrant une nouvelle fois l'ampleur de sa cruauté et de sa vanité, masquant derrière les questions liées à l'honneur des Borgia un goût immodéré pour les privilèges que lui apporte son statut de fils du pape. Seulement, l'épisode va prendre un virage bien plus intéressant avec la transformation de la détresse de Lucrèce en une souffrance silencieuse, celle d'une femme qui fait le tri de ses émotions et remet en cause sa propre existence. Loin de l'unité voulue par Alexandre VI, leur nom de famille devient un poison pendant que l'autorité du père est fortement remis en cause par un fils maudit et insolent.
La part de l'intrigue centrée autour de la famille d'Alexandre VI est une nouvelle fois la meilleure de l'épisode, offrant l'occasion de marquer l'évolution de Lucrèce vers une personnalité plus sombre, moins immature et plus touchante. Plus sombre et intimiste, cette deuxième partie va raconte les premiers pas d'une femme qui découvre son besoin d'exercer une vengeance cruelle et sans pitié, son fils devenant le symbole de cette douleur qui lui fait perdre une part de son âme. Autour du meurtre de Paolo, c'est la dramaturgie de la saison qui se crée, celui d'une époque où les passions féminines se heurtaient toujours à la question de l'honneur familial.
... et la vengeance, jusqu'au dernier soupir
Une fois le premier tiers sur Paolo achevé, les auteurs se concentrent sur la relation au sein de la famille Borgia et les conséquences de ce conflit silencieux entre Juan et Lucrèce. Une deuxième partie très réussie qui laisse apparaître les premiers signes de faiblesse chez Rodriguo Borgia, impuissant face à l'orgueil sans limite de son fils. La scène où Jeremy Irons saute sur la table de rage laisse apparaître toute son impuissance, le jeune homme se montrant trop agile et trop malin pour qu'il puisse le soumettre et le plier à son autorité.
Mais la scène la plus marquante reste la vengeance de Lucrèce envers son frère, un plan diabolique où la jeune femme découvre les plaisirs à exercer elle-même sa propre vision de la justice. Très bien construite, cette séquence permet au spectateur d'assister à la naissance d'un appétit pour la violence de la jeune femme, les auteurs refusant toujours de la considérer comme la femme cruelle et sadique que les écrits décrivent. Pas totalement convaincante au début de l'épisode, la performance d'Holliday Grainger s'améliore grandement tandis que le scénario gagne en subtilité, jusqu'à une scène très réussie où elle confronte directement son frère.
Plus à l'aise en temps de guerre que de paix, la série prouve que le conflit est le terrain idéal pour permettre au Borgia d'exister pleinement. Seulement, là où on s'attendrait à voir l'épisode exploiter jusqu'au bout la nature des tensions internes à la famille, les scénaristes optent pour une rupture brutale avec l'irruption des Français au porte de Rome. Un changement peu subtil qui se fait par le biais du départ de Juan, soulignant la volonté de faire des tensions au sein de la famille Borgia un fil rouge sur toute la saison.
L'audace de la guerre psychologique
Peu employé dans les deux premiers tiers, Cesare Borgia se retrouve au coeur de ce dernier acte impromptu tournant autour de l'attaque de Rome par les armées françaises. Une occasion pour Neil Jordan de clore une histoire lancée la saison dernière par une pirouette élégante, permettant de mettre en avant l'ingéniosité du fils prodige. Un arc assez prévisible dans son déroulement, mais qui possède un véritable souffle épique, montrant l'importance pour le pape d'une famille qui lui permet de conserver son pouvoir là où il est rendu le plus souvent à l'impuissance.
La séquence repose beaucoup sur les épaules de François Arnaud et de Michel Muller, les deux comédiens francophones nous offrant un face-à-face plutôt intense, confirmant combien la guerre est le terrain idéal de la famille Borgia. Un instant de gloire qui sert à opposer la brutalité et l'immaturité de Juan à l'ingéniosité de son frère, donnant un point de vue un peu trop manichéen pour être totalement crédible. Malgré son aspect assez prévisible, cette storyline possède quand même un réel souffle épique, profitant de la photographie remarquable de Paul Sarossy.
Si un acteur crève vraiment l'écran dans The Borgias, c'est sans conteste Colm Feore qui compose un Cardinal Della Rovere particulièrement convaincant. Son arrivée en pleine célébration du denier de Saint-Pierre laisse apparaître toute l'hypocrisie d'un pape dans sa gestion des symboles chrétiens, la charité se transformant en l'expression de l'avidité d'un Vatican au bord de la ruine.
Un pape dans un costume trop grand pour lui
Avec cet épisode, une vérité s'impose, celle d'un pape qui n'a plus de pouvoir sur sa famille, mais continue de se reposer essentiellement sur ses fils et sa fille pour résoudre ces difficultés. Le départ de Juan marque une rupture dans l'épisode donnant à la scène finale la sensation d'une pièce rapportée servant à appuyer une nouvelle fois le sentiment d'impuissance du patriarche. Un signe que, sans une famille unie autour de lui, Rodrigo Borgia risque de se retrouver en difficulté, l'obligeant à accepter des compromis.
En conclusion, un épisode réussi dans l'ensemble, mais qui laisse une impression d'un manque de cohérence entre deux premiers actes intimistes et un dernier tiers assez épique. Manquant de continuité, le final ressemble à une parenthèse servant à mettre en valeur Cesare, là où le reste de l'épisode a su mettre en valeur les ruptures au sein de la famille Borgia. Payant la faute des nombreux arcs laissés en suspens lors de la saison un, la série de Neil Jordan marque un nouveau départ avec le retour de Della Rovere et la découverte par Lucrèce d'un goût pour la plus froide des vengeances.
J'aime :
- le personnage de Lucrèce dans le dernier tiers
- l'affrontement final et la performance de François Arnaud
- les tensions au sein de la famille Borgia
Je n'aime pas :
- un dernier acte comme un cheveu sur la soupe
- la scène de la découverte de Paolo
Note : 13 / 20
Un divertissement réussi, offrant plusieurs scènes très bien pensées et une jolie mise en évidence des tensions au sein de la famille Borgia. Seul regret, la scène ratée de la découverte de Paolo et un affrontement final, certes réussi, mais qui arrive comme un cheveu sur la soupe dans cet épisode.