L'art de la guerre / La soif de vengeance
Après la victoire de la famille Borgia grâce à ses faux cannons, l'armée française rentre chez elle, ruinant et terrassant tout sur son parcours, allant jusqu'à assassiner tout un couvent sans la moindre pitié. Seulement, cette église était celle où s'était retirée Ursula, et la vue de son cadavre à l'oreille tranchée va pousser Cesare à mener sa propre guerre contre les Français en recrutant grâce à Micheletto une armée de mercenaires. Pendant ce temps, le Pape reçoit la demande des familles de l'Italie du Nord pour lancer une offensive sur le roi de France.
Résumé de la critique
Un épisode plaisant que l'on peut détailler ainsi :
- la guerre et ses illusions de grandeur
- l'art de remporter des victoires pour Cesare
- la storyline de Lucrezia assez discutable
- le vrai visage de la guerre
Honneur et orgueil
Suite directe de la victoire de Cesare sur l'armée française, cet épisode montre les conséquences de l'humiliation des français, leur armée semant la mort et la désolation sur son sillage. Déçus, frustrés, les soldats de Charles VIII s'en prennent aux villages de l'Italie du Nord, poussant les grandes familles comme les Sforza à entrer en guerre, venant chercher le soutien de la papauté. Renforcé par sa victoire, Alexandre VI goûte au plaisir de voir ses anciens ennemis devenir ses alliés de circonstance, les armées du nord de l'Italie venant implorer sa bénédiction.
La soif d'honneur de ces familles et le besoin de grappiller un peu de ce prestige romain est à l'origine de ce ralliement tardif, l'armée de Charles VIII ne faisant plus peur. Conciliant en apparence, le Pape accède à leur demande, espérant discrètement que les deux forces en présence s'entretuent, lui permettant de pacifier cette partie de l'Italie. Pourtant, derrière les trahisons habituelles se cachent l'arrivée d'une nouvelle génération qui veut faire ses preuves, montrant un conviction dans la noblesse de la guerre, naïveté inattendue dans l'univers plutôt cynique des Borgias.
Un point exposé lors d'une jolie scène de confession où Francesco Gonzaga cherche l'absolution du souverain pontife, donnant lieu à un dialogue intéressant sur la question du bien et de la guerre. Pour le Pape, il s'agit de donner l'apparence d'une certaine mansuétude envers ses anciens ennemis, construisant sa vengeance petit à petit, avec patience et conviction. Entre la guerre et la guérilla, il y a la question de l'honneur du chef de guerre, celui d'oser se battre en pleine lumière là où le combattant de l'ombre utilise l'anonymat comme son arme principale.
La guerre dans l'ombre
Pendant que le Pape et les forces réunies de la Ligue de Venise se préparent à combattre leur ennemi, Cesare mène sa propre vendetta avec quelques hommes triés sur le volet par Micheletto. Toujours efficace, le duo entre François Arnaud et son homme de main qui va servir de moteur à l'histoire une guerre plus sale, sans honneur ni gloire, mais avec la satisfaction d'une soif de vengeance immédiate. Un mode de combat qui justifie le guet-apens, l'attaque dans le dos et la torture la plus cruelle dans le but d'obtenir des informations cruciales pour assurer la victoire avant tout.
Dans ce registre, Cesare se montre plus qu'efficace et sa milice privée va aller régler le compte du groupe de gascons à l'origine de la mort de son ancienne maîtresse Ursula. Une approche intéressante du conflit qui montre la force de cette famille des Borgias, refusant de placer l'honneur sur un piédestal, tandis le père attire toute l'attention sur lui, laissant de l'espace aux saboteurs. Une association classique et plaisante grâce à la qualité d'interprétation de Sean Harris, en particulier lors des séances de torture où il montre une humanité troublante et gênante qui permet d'esquiver le danger de l'abus de violence gratuite.
Un visage cruel et brutal qui vient en opposition à l'apparence juvénile de François Arnaud, construisant son désir vengeance comme une entreprise de destruction de l'ennemi de l'intérieur. A la différence des soldats qui combattent en masse, il préfère trouver avant tout le point faible en refusant l'affrontement direct, cherchant à réduire à néant la force de frappe des cannons du roi de France. Acceptant de se salir les mains pour la mémoire d'Ursula, Cesare incarne cette dualité intéressante du soldat, refusant de croire à un honneur qui n'est à ses yeux qu'hypocrisie.
Une storyline au féminin assez moyenne
Pendant que les hommes se battent, les femmes vont hériter d'une intrigue séduisante sur le principe, mais moyennement convaincante concernant sa mise en oeuvre. Toujours affairée à remettre en ordre les comptes du Vatican, Giulia Farnese hérite enfin d'une petite intrigue, opposant à la volonté des cardinaux de maintien de leurs privilèges celle du bien-être d'un peuple romain en refusant le gaspillage. Un élément ambitieux de l'intrigue qui se heurte au manque de soin dans le travail de reconstitution de la vie à l'intérieur de Rome, les séquences dans l'orphelinat manquant cruellement de crédibilité.
Si la réalisation de la scène entre Lotte Verbeek, Holliday Grainger et Joanne Whalley est très séduisante, avec une belle utilisation de la lumière et de la profondeur de champ, l'intrigue peine à se mettre en place. Absente d'une histoire orientée vers l'art de la guerre, les trois femmes se trouvent une cause commune, à savoir celle des enfants orphelins de la ville papale, travaillant en commun pour rétablir un début d'équilibre entre le Vatican et la ville qui l'entoure. Seulement, si l'idée d'offrir une intrigue légère et naïve pour équilibrer la violence de l'ensemble est appréciable, le manque de soin apporté aux détails font que cette histoire manque clairement de crédibilité.
Si la série garde sa force dès qu'elle se place sur le terrain du conflit, elle se heurte à son incapacité à faire exister le monde tout autour du Vatican. Pointant les limites du show, les auteurs choisissent de s'appuyer sur un scénario classique pour ne pas s'atteler à la tâche la plus difficile qui les attend, à savoir apporter cette touche de réalité qui manque à la série. Trop romanesque par instant, The Borgias offre un divertissement plaisant, mais ne possède pas les qualités pour explorer réellement la nature complexe de la politique au sein du Vatican.
Guerre et vengeance
Exploitant au maximum le passage du roi de France, les auteurs peuvent ainsi éloigner le pape Alexandre VI d'un quotidien où ils ne parviennent pas à le mettre en valeur. Peu enclin à sortir du cadre des conflits et des manipulations, le départ définitif de Charles VIII va obliger les auteurs à sortir du cadre de la première saison. Le prochain épisode risque donc d'être décisif, obligeant les scénaristes à développer et clarifier une ligne directrice encore assez floue après quatre épisodes.
En conclusion, un divertissement plaisant qui repose sur une mécanique assez classique avec Micheletto et Cesare qui recrutent des soldats pour former une armée de mercenaires pour déstabiliser l'armée du roi de France. Une histoire dynamique qui fait fréquemment dans la facilité, pendant que le pape cherche à faire taire ses opposants, en particulier la famille Sforza, en affaiblissant la force militaire des familles du Nord. Une intrigue convenable en comparaison avec celle de Giulia Farnese qui va manquer de crédibilité malgré les bonnes intentions de départ.
J'aime :
- le duo François Arnaud - Sean Harris
- la scène de mise à mort du prisonnier gascon
- la réalisation très soignée
Je n'aime pas :
- un épisode sans surprise
- la storyline de Giulia Farnese
- le décor peu crédible de l'orphelinat
Note : 12 / 20
Un bon divertissement qui vaut avant tout pour son duo entre Cesare Borgia et Micheletto, venant marquer la fin des aventures italiennes de Charles VIII. Entre la guerre pour l'honneur et la guérilla poussée par la soif de vengeance, la famille Borgia fait le choix de placer la victoire avant l'honneur en refusant le choix du sacrifice.