L'or, l'encens et la cendre
L'effondrement du toit de la Basilique et la mort de quatre jeunes garçons a poussé le pape à accorder une importance toute particulière aux célébrations de Carême. A Florence, Jerome Savonarole continue à prêcher une conception personnelle et radicale de la foi, se démarquant du Vatican au risque de commencer à attirer les foudres de Rome. Pendant ce temps, Alexandre VI choisit de trouver un nouvel époux pour sa fille dans le but de fonder une alliance afin de le protéger des conséquences du meurtre de Giovanni Sforza.
Résumé de la critique
Un épisode plaisant que l'on peut détailler ainsi :
- une construction en trois parties assez judicieuse
- une intrigue entre complot et manigance
- une nouvelle menace plutôt convaincante
- une seconde partie de saison qui démarre mieux
La fin des plaisirs florentins
Après une première moitié de saison correcte tournant autour de la gestion du cas de Charles VIII, cet épisode marque un retour du récit sur l'Italie du Nord et Florence en particulier. Marqué par l'accident de l'épisode précédent, le pape montre un zèle certain dans la célébration du mercredi des Cendres, mais ne peut rivaliser avec la dévotion de Jerome Savonarole qui attire à lui un public de fidèles de plus en plus importants. Adepte d'un discours fondé sur ses illuminations et sa vision extrême de la foi, l'homme se fait l'ennemi de la luxure et du péché sous toutes ses formes, semant le désordre dans le royaume des Médicis, poussant ceux-ci à chercher refuge à Rome.
Assez riche, ce scénario se coupe en deux parties principales, avec d'un côté les manigances de Cesare Borgia qui cherche à récupérer l'or du Vatican détenu par les banques des Médicis et de l'autre, des tentatives pour mettre au pas ce dissident un peu trop charismatique. Une construction intéressante qui permet d'installer une vraie intrigue politique, la première partie de l'épisode décrivant efficacement les troubles qui gagnent la ville de Florence, guidé par le délire hérétique de Savonarole. Reposant sur une base solide, les scénaristes assurent le divertissement avec une storyline classique avec Cesare et Micheletto à la conclusion beaucoup trop prévisible.
Beaucoup d'enjeux dans cette histoire qui profite en parallèle d'une intrigue comique amusante pour Lucrèce, laquelle se choisit un nouvel époux pour servir d'allié militaire à son père. A l'opposé de son premier mariage avec les Sforza, la jeune femme se montre plus attentive dans le choix de celui-ci, se montrant délibérément capricieuse lors de séquences amusantes qui offrent des respirations bienvenues. Bien rythmé, l'épisode ne connait que peu de temps mort et fournit un divertissement certes par instant prévisible, mais suffisamment riche pour masquer certaines ficelles apparentes, avec un bon équilibre entre humour et tragédie.
Coup bas et trahison
Après une mi-saison en demi-teinte, The Borgias nous propose un épisode plutôt convaincant, profitant d'un contexte politique fort pour développer des intrigues nouvelles et intéressantes. Le premier concerne Jerome Savonarole qui devient la cible des attentions du Pape, le show proposant le portrait sans concessions d'un homme de principe, à l'opposé d'un pape incapable de percevoir la voix du seigneur. Prônant une pratique intolérante et brutale, le prêtre devient prêcheur, se réclamant le messager de Dieu et propose une vision de l'Eglise qui consiste à dénoncer et à pourchasser les sodomites et les riches banquiers florentins, désignés comme des profiteurs du système.
En s'en prenant à lui, Cesare montre toute l'absurdité de sa position, homme de Dieu pour plaire à son père, mais qui se découvre un talent pour la guerre et l'usage de la force. Reformant son groupe de mercenaires, il s'en prend à l'argent des Médicis, essayant ainsi de prouver qu'il est plus apte que son frère à être gonfalonier des armées papales. Pourtant, malgré ses succès, Rodriguo Borgia refuse de le voir prendre la place de son frère, ramenant efficacement l'histoire d'une rivalité qui s'était estompée pour préparer le retour de Juan au sein de l'intrigue principale.
Mais Cesare n'est pas le seul à en vouloir au Pape, Della Rovere préparant son meurtrier à la tâche qu'il doit accomplir, l'entraînant à supporter la douleur engendrée par un poison violent et brutal. Poussé par sa conviction très chrétienne de l'anoblissement de l'âme par la douleur, l'ancien cardinal accepte la torture qu'il inflige à ce jeune moine, prêt à tout pour une vengeance qui l'aveugle. Joué par un excellent Colm Feore, le personnage prend enfin la dimension espérée, apprenant à nier ses propres convictions dans le seul but de terrasser son ennemi.
Sacrifiant leur propre vie à leur cause, les personnages de The Borgias laissent apparaître la nature tragique de leur destinée, entre la frustration de Cesare devant le refus de son père et la folie de Savonarole. Bien contrebalancé par l'histoire de Lucrèce, chacune de ces destinées donnent une tonalité d'ensemble assez sombre à un épisode séduisant et particulièrement bien écrit, lançant efficacement cette fin de saison.
Les différentes conceptions de la foi
En s'en prenant au prédicateur de Florence, le Pape entre en guerre contre plus qu'un moine franciscain, mais une philosophie entière qui mènera jusqu'à la Reforme et servira d'acte fondateur pour l'Eglise Luthérienne. Seulement, le développement proposé à l'histoire de ce grand défenseur d'une certaine vision de la foi verse assez rapidement dans le romanesque, porté par l'interprétation impeccable de Steven Berkoff. Un personnage fort qui apparaît comme un ennemi symbolique pour le pape, celui d'une église qui refuse l'image de corruption et de luxure véhiculée par les cardinaux siégeant au Vatican.
Oubliant les menaces extérieures de la première saison, les auteurs se penchent sur un ennemi beaucoup plus intéressant, celui d'un certain protestantisme qui gagne petit à petit du pouvoir en désignant les responsables du malheur des hommes. L'occasion de montrer l'importance du règne d'Alexandre VI dans le rapport des Chrétiens avec la foi, la haine du Pape Borgia poussant Della Rovere à perdre petit à petit ses valeurs sous le poids d'un désir de vengeance aveugle. Ainsi, les opposants au régime du Pape Borgia ne sont pas montrés comme des saints, mais comme des êtres motivés par le rejet et la colère envers l'humanité d'une autorité papale qu'ils jugent désacralisée.
Loin du portrait simpliste et accusateur habituellement proposé par l'église concernant les Borgia, David Leland nous offre une vision peu manichéenne et intéressante, celle d'une église coincé entre son goût pour la politique et son attachement à l'idéal de dénuement et de charité, surtout en pleine période de Carême. Piste intéressante, ce développement autour de la question de la foi est le premier élément convaincant de ce début de saison, l'intrigue autour de l'argent des banques florentines paraissant beaucoup trop prévisible en comparaison.
Une reprise en main réussie
Après une mi-saison inégale qui montrait des signes d'essoufflement, The Borgias retrouve une certaine énergie grâce à un affrontement bien pensé entre le Pape et Savonarole. Hélas, l'histoire avec les Medicis va s'avérer un peu trop prévisible pour convaincre, l'histoire du groupe de mercenaires de Cesare peinant à passionner vraiment. Ce groupe de mercenaires manque d'une vraie incarnation, d'un porte-parole qui évite que son rôle se limite à n'être que le bras armé du Cardinal Borgia
En conclusion, un épisode plaisant offrant un bon mélange entre drame et comédie avec plusieurs intrigues tournant autour du sacrifice déçu, tandis que les Chrétiens célèbrent la Carême. Dans l'ombre, la réforme commence à prendre du pouvoir, incarné par le prêcheur Savonarole, et le pape peine à discerner le nouveau visage de son ennemi. Caché à l'intérieur de murs de Rome, Della Rovere prouve qu'il est bien un personnage moteur pour une série qui prend enfin le temps de mettre en place une intrigue complexe et particulièrement intéressante.
J'aime :
- la confrontation entre Cesare et Savonarole
- la storyline de Della Rovere
- le contexte mieux décrit et plus crédible
- un bon mélange entre drame et comédie
Je n'aime pas :
- la storyline de Cesare, trop prévisible
Note : 14 / 20
Un très bon épisode pour The Borgias qui prend le temps de poser un contexte fort au travers de la montée en puissance à Florence de Savonarole et de l'esprit de la Reforme. Bon mélange entre comédie et drame, cette nouvelle intrigue à la bonne idée de miser sur un excellent Colm Feore pour donner une vraie ampleur à la nouvelle menace pesant sur Alexandre VI.