Critique : The Newsroom 1.05

Le 24 juillet 2012 à 20:51  |  ~ 10 minutes de lecture
Un épisode intéressant par son histoire intéressante et son écriture brillante et soignée, mais qui va malheureusement chercher par instant à trop en faire.
Par sephja

Critique : The Newsroom 1.05

~ 10 minutes de lecture
Un épisode intéressant par son histoire intéressante et son écriture brillante et soignée, mais qui va malheureusement chercher par instant à trop en faire.
Par sephja

De New-York à la place Tahrir 

 

Les évènements en Egypte s'accélèrent et les journalistes présents sur place pour le compte de l'émission de Will sont cloîtrés dans leur chambre, tandis que le départ d'Hosni Moubarak du pouvoir semble de plus en plus proche. Neal Sampat propose d'utiliser un internaute et jeune journaliste Egyptien surnommé Amen pour remplacer leur envoyé spécial, tandis que la révolte prend le chemin du palais présidentiel. Pendant ce temps, Mackenzie devient la cible des tabloïds qui l'accusent de faire du favoritisme pour le compte de son petit-ami. 

 

Résumé de la critique 

Un épisode plaisant que l'on peut détailler ainsi : 

  •  une intrigue dynamique portée par des dialogues finement écrits 
  •  une série qui cherche encore la recette idéale 
  •  une tendance à trop en faire agaçante 
  •  une unité temporelle gênante 

 

 

Une série stylisée et intéressante

 

The Newsroom arrive presque à sa mi-saison et cet épisode permet de sentir que la série cherche encore sa forme définitive tant la cohérence de l'ensemble pose encore quelques problèmes. Will apparaît comme le personnage stable du show, porté par un Jeff Daniels impeccable qui apparaît comme le pilier autour duquel peut se structurer l'intrigue. J'aimerais m'emballer pour les répliques brillantes de Sorkin et la qualité de la mise en scène et pourtant, quelque chose vient me retenir, un sentiment gênant dont je n'arrive pas à me débarasser. 

Les premières minutes sont pourtant excellentes, avec toujours ce choix du créateur de la série de faire rebondir les dialogues qui passent d'une conversation à une autre, le dialogue entre Will et Mackenzie passant à plusieurs reprises du professionnel au privé. Abandonnant une intrigue romantique qui alourdissait inutilement leur relation, les auteurs trouvent la bonne dynamique concernant ce couple, montrant la relation particulière que Will entretient avec son ex-fiancé. L'épisode avance vite, surtout que l'urgence des évènements de la place Tahrir agissent comme un accélérateur pour l'intrigue du jour.

Les auteurs vont alors se concentrer sur le sort réservé aux journalistes, surtout l'envoyé spécial de l'émission joué par David Harbour qui se fait violemment agresser dans les rues du Caire. L'intrigue va se focaliser sur le personnage de Dev Patel, choix ethnique à la fois discutable et compréhensible, servant avant tout à appuyer la place singulière d'internet dans la couverture de ses révoltes, apportant des images par delà la censure et la peur. Une façon pour Sorkin de montrer comment les réseaux sociaux peuvent devenir une source de résistance lorsqu'un état impose un blackout médiatique.

L'épisode raconte alors l'histoire d'Amen, un jeune Egyptien courageux qui va devenir l'enjeu principal de cette intrigue lorsque l'équipe de Mc Avoy perd brutalement contact avec lui, créant le besoin pour toute la rédaction de venir à son secours par tous les moyens dont ils disposent. Cette mission de sauvetage est très héroïque dans son traitement, abusant d'effets dramatiques un peu trop appuyés qui vont détruire petit à petit la crédibilité de l'ensemble, l'histoire ne se montrant pas à la hauteur de la vraie histoire.

 

La difficulté de produire le bon mélange des genres

 

Série très ambitieuse sur le papier, The Newsroom cherche perpétuellement à jouer sur ce mélange entre drame et comédie, urgence et badinage, donnant des dialogues décalés et plutôt soignés. Pour réussir ce passage d'un registre à l'autre, il était indispensable de disposer d'une galerie de personnages conséquents, intégrant enfin Don au reste de l'équipe, son apport se révélant décisif. Abandonnant les jalousies entre lui et Jim, les auteurs parviennent à mettre en avant le travail d'équipe, Maggie se révélant bien plus intéressante lorsqu'elle s'affirme comme ici. 

Si Don parvient enfin à trouver sa place au sein de l'équipe, le cas de Sloane Sabbith est bien plus gênant, malgré les efforts d'Olivia Munn pour rendre son personnage crédible. Son amitié naissante avec Mackenzie est une bonne idée, même si la justification de leur entrevue par le besoin de MacHale d'apprendre l'économie est trop artificielle pour convaincre, ne servant à rien dans la suite de l'épisode. Tout comme son héroïne, Sorkin veut trop en faire en cherchant à intégrer une spécialiste en économie dont l'apport à l'intrigue principale reste très mystérieux. 

Le but n'est pas ici de reprocher à son auteur la richesse de sa création, mais bien de souligner le manque de mise en valeur de certains personnages, donnant le sentiment d'un show très ambitieux encore à l'état d'ébauche. Beaucoup de points restent à résoudre, en particulier l'habitude de plus en plus flagrante de l'équipe créative à opposer des journalistes people corrompus et mondains avec les membres de l'équipe de Will, motivés par leur amour du métier. Une vision binaire qui appuie l'aspect assez moralisateur de ce show, cherchant visiblement à régler ses comptes avec les dérives du journalisme moderne, montrant une condescendance gênante et peu subtile. 

Le choix du jour de la Saint-Valentin parait aussi assez inutile, n'apportant rien hormis une confrontation entre Jim et Maggie qui prend judicieusement la direction inverse des habitudes du show. Et le parallèle avec Rusty, amusant dans un premier temps, essaie d'imposer une position particulière à Aaron Sorkin, à mi-chemin entre la reconstitution exigeante et le mélodrame simpliste et sans surprise. Essayant de lier ensemble culture populaire et une vision élitiste du journalisme, l'auteur tente un pari impossible à la fois courageux et inconscient, donnant un show qui alterne à plusieurs reprises le brillant et le grotesque.

 

 

Le danger de vouloir trop en faire 

 

Série annoncée comme un succès critique assurée, affichant une ambition indéniable, The Newsroom n'aura toujours pas réussi à convaincre malgré les efforts notables de son créateur, offrant quelques séquences trop appuyées et au message un peu trop explicite. Ainsi, quand Neal s'en prend à Rush Limbaugh, le coup de poing ne sert finalement qu'à appuyer un énervement déjà connu contre le discours démagogique de l'extrême-droite républicaine. Certes, le présentateur radio est un abruti, mais cette réaction apparaît comme un geste bête et méprisable, réaction inutile à la stupidité véhiculé par ce provocateur de bas étage.

De même, le final qui fait écho au film Rusty est très joli dans l'intention, mais parait aussi assez peu crédible, imposant Will comme un "chevalier blanc" qu'il n'a pas besoin d'être. Au lieu de nous séduire simplement avec son talent d'auteur, Aaron Sorkin veut en faire plus et nous prouver sa capacité à concilier les deux faces de la culture américaine, de connecter le goût pour une forme ambitieuse et une culture populaire, affichant son goût pour le mélodrame. Seulement, au lieu de nous arracher des larmes, The Newsroom gêne légèrement, ce parallèle entre un match de baseball et la survie d'un journaliste menacé par la police politique créant un malaise par sa maladresse.

Difficile d'ailleurs à la fin de l'épisode de trouver un sens à ces différentes intrigues, en particulier la storyline de Mackenzie qui offre une porte de sortie un peu trop belle à un petit-ami devenu gênant. Changeant d'orientation à chaque épisode, les auteurs de The Newsroom semble changer à plusieurs reprises leurs fusils d'épaule, corrigeant le tir de certaines mauvaises inspirations du début de saison. Un sentiment de confusion qui vient en grande partie d'une gestion du temps singulière au format du show, gros défi difficile à surmonter qui sera le challenge principal pour la série.

 

Deux unités de temps qui ne se correspondent pas

 

Pour comprendre mon propos, il faut différencier les deux niveaux temporels qui composent la série, à savoir le temps réel avec le passage du nouvel an à la Saint-Valentin et le temps fictif concernant les relations entre les membres de la rédaction. The Newsroom se construit donc sur une suite successive de saut dans le temps qui empêche d'installer une vraie continuité dans les relations entre les personnages. Son absence est gênante tant elle empêche de développer des arcs au long terme au sein de la rédaction, laissant le sentiment d'une progression hachée et un peu forcée.

En conclusion, j'apprécie beaucoup The Newsroom par ces petits instants très réussis qui font tout son charme, ces dialogues à la fois fins, drôles et touchants qui viennent souligner tout le talent d'Aaron Sorkin. Pourtant, si la série est ambitieuse, elle est aussi assez prétentieuse, portant un regard à la fois méprisant et condescendant sur une certaine partie de l'Amérique conservatrice qui refuse la notion de progrès. Obnubilé par l'idée de rendre la copie la plus brillante possible, le créateur du  show peine à se montrer à la hauteur d'un moment aussi fort que les manifestations de la place Tahrir, osant une comparaison déplacée qui vient nuire à l'idée pourtant ingénieuse qui clôt l'épisode. 

 

J'aime : 

  •  les quinze premières minutes
  •  très bien écrit, avec quelques saillies assez épatantes 
  •  l'abandon du triangle amoureux au profit de plus de légèreté 

 

Je n'aime pas : 

  •  la scène finale certes élégante, mais déplacée 
  •  une tendance gênante à en faire toujours un peu trop 

 

Note : 13 / 20 

Elégante, bien écrite, The Newsroom est, durant les quinze premières minutes, à la hauteur de son ambition, tirant profit de cette atmosphère de peur et d'enthousiasme qui accompagnait les évènements de la place Tahrir. Malheureusement, certaines scènes excessives viennent couper l'élan de l'épisode, donnant un final légèrement maladroit pour un épisode un peu trop prétentieux pour convaincre.

L'auteur

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