C’était il y a douze ans maintenant, et pourtant je me souviens encore du premier épisode de The Walking Dead. Je revois le shérif Rick Grimes qui sort de son coma et découvre un monde dévasté. Je me souviens encore de ce face-à-face avec une petite fille devenue un zombie. Je me rappelle de ces images où il monte sur un cheval, file direction la ville d’Atlanta où il sera pris d’assaut par une nuée de morts-vivants avant de se réfugier dans un char, pris au piège au milieu d’une horde assoiffée de sang et de chair fraîche.
À l’époque, l’adaptation télévisuelle de ce comics populaire est un véritable phénomène et permet à la chaîne AMC (Breaking Bad, Mad Men) de battre son record d’audience pour un épisode pilote. Il faut dire que l’univers créé par Robert Kirkman depuis plusieurs années offre à la série un matériel de base solide.
Douze ans plus tard, après de nombreuses péripéties ponctuées par des changements de showrunners et des renouvellements de casting qui ont entraîné de multiples bouleversements et l’ont contrainte à de nombreuses transformations, la série s’achève (dans une quasi indifférence totale) avec un dernier épisode intitulé sobrement Rest in Peace. Petit retour sur ce final, avec analyse de ses forces et faiblesses.
The Return of the Walking Dead
Commençons cette critique avec l’un des points positifs de cet ultime épisode : le retour des morts-vivants. On a souvent reproché à la série de ne pas montrer suffisamment de zombies à l’écran, ces derniers ne devenant finalement qu’un prétexte pour aborder la question passionnante des relations humaines dans un monde post apocalyptique. Dans ce final, la ville du Commonwealth est envahie par une horde massive de rôdeurs, et c’est l’occasion pour nos derniers survivants de se lancer dans un ultime affrontement contre cette satanée vermine. La menace des walkers est d’autant plus grande dans cet épisode qu’ils ont muté et qu’ils sont désormais capables de grimper, d’ouvrir les portes ou de saisir des objets.
La série revient ainsi à la base de ce qui a fait son succès : les morts-vivants. C’est d’autant plus une bonne idée que c’est sur cet aspect qu’elle se démarque le plus des autres productions du genre. Si on peut légitimement lui reprocher ses nombreuses longueurs scénaristiques, on peut en effet lui reconnaître d’avoir su proposer l’une des meilleures incarnations de la figure du zombie à l’écran, par le biais d’un maquillage plus que convaincant.
Surtout, ce dernier assaut des walkers offre aux scénaristes l’occasion de se recentrer sur les valeurs humanistes qu’ils portent et prônent depuis le début de la série. Une dernière fois, nos héros font bloc contre un ennemi commun et rappellent au passage l’importance de créer des liens et de s’entraider pour éviter de répéter les erreurs du passé, celles de l’ancien monde. Une idée que résume simplement le personnage de Daryl dans cet épisode avec cette citation qui a tout pour devenir culte : « We got one enemy. We ain’t the Walking dead. »
Le triomphe des vivants
Cette ultime bataille contre les morts-vivants offre son lot de scènes d’action et de rebondissements. Pour contrebalancer, dernier épisode oblige, la série offre également des moments chargés d’émotion, et parvient dans son ensemble à trouver un bon équilibre. Ainsi et comme nous pouvions nous y attendre, tout le monde ne survivra pas à cet ultime assaut, et nos personnages devront une dernière fois faire la douloureuse expérience de perdre des proches.
Après une première partie principalement centrée sur le combat contre la horde et la chute de Pamela, la dirigeante du Commonwealth, la deuxième partie se concentre sur notre groupe de survivants dans des scènes plus intimistes et plus sobres, qui mettent en évidence les liens créés par les différents protagonistes tout au long de la série. S’enchaînent alors des scènes d’adieux, des scènes de retrouvailles et des scènes de pardon dans lesquelles nos protagonistes vont tour à tour exprimer leurs sentiments. Les valeurs humanistes portées par la série et évoquées précédemment reviennent alors au cœur du récit.
L’une des plus belles scènes de cet épisode est portée par le duo Carol-Daryl. Leur dernière scène ensemble est particulièrement touchante, de par sa sincérité et sa sobriété. Aucune fioriture, pas de mots en trop et juste ce qu’il faut pour émouvoir les fans de la première heure, qui ont pris plaisir à voir évoluer cette amitié. Sans aucun doute, cette relation est l’une des plus belles de la série. Cette sincérité semble d’ailleurs allait bien au-delà du show et des personnages : Norman Reedus et Melissa McBride ont clairement créé un lien pendant ces douze années, et ce dernier transparaît à l’écran. C’est de toute évidence l’une des seules scènes de conclusion, avec celle centrée sur le personnage de Rosita, qui parvient à convaincre, les autres restant finalement anecdotiques ou inabouties, servant juste de prétexte pour préparer la suite de la licence. Et c’est bien là LE gros problème de ce dernier épisode : il n’est pas une véritable conclusion.
L’histoire sans fin...
Si Rest in Peace met un terme à la série mère The Walking Dead, il ne met pas un terme à la licence pour autant, et s’il conclut l’histoire des personnages secondaires (et encore...), il ne conclut pas l’histoire des personnages principaux. Alors que la série a déjà connu deux déclinaisons avec Fear The Walking Dead et The Walking Dead: World Beyond, trois autres séries dérivées sont d’ores et déjà prévues par AMC afin de raconter les suites des aventures de Maggie, Negan, Daryl, Rick, Michonne et cie...
Le souci, c’est que ces personnages étaient aussi les principaux protagonistes de la série d’origine. Nous étions en droit d’attendre que leurs histoires trouvent ici une conclusion ou au moins une résolution. À la place, les dernières minutes de cet épisode ont plutôt tendance à ouvrir des pistes sur leur avenir. À tel point qu’on a d’ailleurs plus l’impression de regarder un season finale plutôt qu’un series finale. Si les fans de la première heure veulent suivre la véritable conclusion de leurs personnages préférés, ils n’auront d’autre choix que de se tourner vers les futurs spin-off, et tant pis s’ils méritaient mieux.
À titre personnel, j’ai trouvé ce procédé plutôt malhonnête. C’est selon moi un grand manque de considération vis-à-vis de cette série qui, lors de ce final, n’est plus pour AMC qu’une vitrine pour faire monter la hype et annoncer les futurs shows issus de cette licence. Les retours de Danai Gurira dans son rôle de Michonne et d’Andrew Lincoln dans son rôle de Rick dans les dernières minutes, aussi plaisants soient-ils, vont dans ce sens et ne viennent que renforcer cette impression de fausse conclusion.
Cela est d’autant plus frustrant que toutes ces minutes passées à faire la transition vers ces spin-off sont des minutes perdues pour conclure convenablement l’histoire de certains autres personnages dont le destin est ici très vite expédié. On pense à Aaron, Gabriel, Lydia ou encore le groupe de survivants composé de Yumiko, Magna, Connie et Kelly. Les scénaristes semblent déjà être passés à autre chose et ne prennent même pas le temps d’offrir une fin digne de ce nom aux personnages qu’ils ont pris pourtant soin d’inclure à leur récit après le départ d’Andrew Lincoln, alias le shérif Rick Grimes, au milieu de la saison 9. Vive les bouées de sauvetage !
En restant objectif, je dirais que seuls Carol, Ezekiel et Daryl ont droit à une fin à peu près satisfaisante et/ou cohérente, les deux premiers devenant les nouveaux dirigeants du Commonwealth et le dernier reprenant la route sur sa moto, tel le nomade que l’on a toujours connu. La scène entre Maggie et Negan est aussi une très belle scène, avec une charge émotionnelle très forte. Néanmoins, elle n’offre pas une conclusion satisfaisante à celle qui avait pourtant rejoint le casting principal depuis la deuxième saison.
Enfin, il ne faut pas oublier que l’annonce de ces spin-off, en plein milieu de cette saison, a eu pour effet de nuire considérablement à la tension dramatique de cet ultime épisode, ainsi qu’à ses enjeux narratifs. Pour ceux qui ont suivi un tant soit peu l’actualité de la série, quasiment tous les personnages importants se retrouvent ici protégés par leur bouclier narratif, mais surtout par le fait qu’ils sont attendus sur un spin-off, et il n’y a donc aucun suspens concernant leur devenir. Si la mort de l'un d'entre eux (dont je tairai le nom ici pour éviter les spoilers) reste malgré tout un moment fort et chargé en émotion, ce dernier ayant beaucoup évolué depuis sa première apparition à l’écran, sa disparition a quand même moins d’impact que celle d’un Rick Grimes.
Si Rest in Peace n’avait pas été le dernier épisode de la série, il aurait pu être un TRÈS bon épisode, mais en tant que final, il n’est plus qu’un bon épisode. Le scénario reste trop évasif, il ne conclut aucune histoire pour laisser toutes les portes ouvertes et ouvrir le champ à tous les possibles. Après un bref et joli hommage à tous les personnages qui ont fait partie de l’histoire de The Walking Dead depuis ses débuts, ne reste plus pour nous consoler qu’un ultime plan un brin too much mettant en scène les deux enfants de Rick Grimes en pleine contemplation devant de jolis champs et un moulin, et qui fait prendre à la série des allures de crossover avec La petite maison dans la prairie. On se contentera du peu...
Pour nuancer un peu mon propos, on peut maintenant légitimement se demander s’il existait vraiment une bonne manière de conclure cette série dont le principe même est de s’intéresser à un groupe de survivants ? Le débat est ouvert !
L’heure du bilan
The Walking Dead reste pour moi une bonne série. Elle profite d’un excellent casting et surtout de très beaux personnages (Carol et Michonne forever <3). C’est d’ailleurs sans doute là l’une de ses plus grandes qualités, principalement parce que les relations entre les différents protagonistes sont intéressantes et souvent pertinentes. Je fais partie de ceux qui n’ont jamais été dérangé par le fait que la série s’écarte un peu de son propos d’origine pour explorer la psychologie de ses personnages. Bien au contraire, c’est peut-être même dans cette exploration de la psyché de ses survivants qu’elle a été la plus intéressante et la plus juste.
The Walking Dead a aussi comme atout non négligeable des méchants d’anthologie qui marqueront à jamais l’histoire du petit écran. Je pense notamment à l’implacable Gouverneur, à Alpha et son groupe de chuchoteurs, et surtout à Negan et sa batte Lucille dont l’apparition hante encore les mémoires de nombreux spectateurs.
La série est également marquée par des moments forts et des épisodes devenus mémorables : Days Gone Bye (1.01), Killer Within (3.04), Too Far Gone (4.08), The Grove (4.14), No Sanctuary (5.01), JSS (6.02), No Way Out (6.09), The Way Will Come When You Won’t Be (7.01), The Calm Before (9.15)...
À première vue, The Walking Dead avait tout d’une grande... et pourtant, son succès fut assombri par de nombreux soucis, le premier étant d’être passée entre les mains de plusieurs showrunners. Ces changements se sont fait ressentir dans les différentes directions prises par la série et par certains choix scénaristiques surprenants qui sont venus entacher sa qualité globale.
Il en va de même pour ses multiples changements de casting. À ce titre, les départs successifs de Rick et de sa compagne Michonne ont sonné la fin d’une série qui avait déjà duré trop longtemps, le premier étant le protagoniste principal auquel s’identifiait une grande majorité des spectateurs. Même si ces départs ont permis d’inclure de nouveaux protagonistes avec de nouveaux enjeux, le renouvellement de casting reste très tardif dans le récit. Malgré la bonne prestation des acteurs, on parvient difficilement à s’attacher à eux et ils se retrouvent presque constamment relégués au rôle de personnages secondaires, preuve en est leur conclusion expéditive à la fin de la série.
Dans ma critique du premier épisode de la saison 7, celui où Negan massacre deux de nos survivants avec sa batte, j’annonçais le déclin de la série. À l’époque pourtant, elle avait battu son record d’audience avec plus de dix-sept millions de personnes devant leur écran (à titre de comparaison, le dernier épisode de la série a été suivi par un peu plus de deux millions de personnes). Avec cet antagoniste mémorable, la série venait pour moi d’atteindre son climax. Six ans plus tard, je continue de penser que c’est à partir de cet épisode que la série a commencé à mourir peu à peu. Avec Negan, les personnages ont connu le pire de l’horreur, et il était très difficile pour la série de trouver d’autres antagonistes capables de créer une tension dramatique digne de ce nom, tout en restant crédible. Le groupe de chuchoteurs, au cœur des saisons 9 et 10, aussi intéressant était-il, ne pouvait rivaliser. Il était déjà trop tard...
The Walking Dead est donc une bonne série, mais qui aurait pu être meilleure si elle avait su s’arrêter au bon moment. C’est là l’écueil de nombreuses séries, et elle ne sera sans doute pas la dernière à commettre cette erreur. Pour autant, elle peut se vanter d’avoir réussi à créer un univers fort qui n’a pas fini de se développer. Nul doute qu’elle pourra compter sur ses fans pour suivre ses futures séries dérivées : parce qu’ils auront envie de savoir ce qu’il advient de la relation entre Maggie et Negan, parce qu’ils auront envie de voir la vraie conclusion du shérif Rick Grimes dont ils ont été privés, parce qu’ils auront envie de retrouver le personnage de Michonne incarné par la géniallissime Danai Gurira, et parce qu’ils seront curieux de découvrir la France post-apocalyptique aux côtés de Daryl Dixon.
Ceci n’est donc pas la fin. Ce n’est que le commencement...
J’ai aimé :
- Le retour des morts vivants
- La conclusion humaniste de la série
- Le bon équilibre entre action et émotion
- La dernière scène de Carol et Daryl
Je n’ai pas aimé :
- La conclusion expéditive de plusieurs personnages
- L’aspect trop vitrine de cet épisode
- Le manque d’enjeux narratifs forts pour un final
Ma note : 13/20