Quand exigence a rimé avec boursouflure (ou comment mal commencer un article par une affirmation fausse).
Car Dieu que le visionnage de cette saison 2 de Mr. Robot (qui termine sa diffusion sur France 2) fut pénible. En effet, boursouflée, longue, froide, prétentieuse, j’ai l’impression que le melon a gonflé chez les scénaristes qui ont pris la confiance et ont pondu une suite ampoulée qui s’est plu à perdre le spectateur et le dérouter, pour au final beaucoup de bruit pour rien, juste de la poudre aux yeux.
Mais si justement, cette saison en demi-teinte était la preuve que Mr. Robot est une grande série, un futur classique ? Et si Mr. Robot, comme d’autres illustres exemples avant elle, venait d’être touchée par un mal récurrent :
(vite la musique qui fait peur)
Alors, attention, je ne parle pas de ces séries qui ont connu une première saison parfaite ou peu s’en faut, mais dont la deuxième saison n’était que la première marche d’une longue et inéluctable chute. Donc je ne parle pas de Heroes, Prison Break ou The Walking Dead (*). Non, je parle de séries considérées comme cultes aujourd’hui, mais si on prend un peu de recul, on s’aperçoit que la deuxième saison a été la plus faible, la moins réussie, la plus décriée.
D’où vient cette malédiction ? Certains pensent qu’elle aurait une origine surnaturelle qui remonte aux temps des Sumériens, quand un grand sorcier injustement condamné à mort le 2 février de l’an II (après J.-C.) a jeté une malédiction sur les deuxièmes descendants de chaque nouvelle dynastie. D’autres disent que cette malédiction fut lancée par Joss Whedon qui paya un sorcier vaudou pour se venger des producteurs des séries télé suite à l’annulation de Firefly au bout de sa première saison.
Nous n’en savons rien. Mais cette malédiction existe, les exemples sont légion.
En voici la revue d’effectif.
(Attention : cet article a été écrit avec le minimum indispensable de provocation et de mauvaise foi.)
The Sopranos (2000)
La première. Celle qui a décomplexé toutes les autres séries, prouvant qu’elles pouvaient être l’égale (voire dépasser) des films de cinéma. Cependant, The Sopranos avec ses mafieux en plein spleen, n’est pas facile d’accès. Passé l’effet de surprise, les premiers épisodes manquent un peu de rythme, ne sont pas toujours passionnants et le temps peut paraître long.
Ce qui plombe la saison : rien, c’est juste nous.
C'est donc nous qui n’étions pas prêts à cette série peu accommodante, nous n’étions pas encore entrés dans son univers. Du coup, cette deuxième saison, lors de la première vision, nous paraît un peu longue et surtout nous déstabilise : un personnage rival de Tony disparaît de la série de manière totalement incongrue et inattendue, tandis que l’identité de la taupe est découverte par une scène de rêve où des poissons parlent. Qu’est-ce que c'est que cette idée ?
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En nous faisant monter dans le bateau des Soprano. Et en comprenant qu’ici, la violence peut intervenir au détour de la scène la plus banale (ce qui fait que plus aucune scène ne sera plus banale), que tous peuvent tomber à tout moment, que la série, plutôt que de sortir des scènes clichées ou déjà vues, préfère l’onirisme ou le décalé pour arriver à ses fins. C’est pour ça qu’une deuxième vision de cette deuxième saison confirme le génie de la série. Et on finira par suivre jusqu’au bout, entre fascination et horreur, Tony Soprano, la plus belle enflure jamais créée par la télé (Walter White = bisounours à côté).
Six Feet Under (2002)
Aujourd’hui, Six Feet Under est considérée comme une série culte, une référence incontournable. À raison. L’histoire de cette famille de croque-morts a touché un nombre incalculable de personnes, leur offrant, en plus des rires et des larmes, une réflexion sur la vie, la mort, la famille, la tolérance, ce qui n’est pas rien, on est bien d'accord. Pourtant, nombreux sont ceux parmi nous (et moi le premier) à avoir eu bien envie de tout laisser tomber au cours de la deuxième saison.
Ce qui plombe la saison : un sentiment de tourner en rond.
Le couple Nate et Brenda va à vau-l’eau, David est perdu sans Keith, Claire enchaîne les mauvais mecs, Rico fait des travaux et Ruth entre dans une secte. Et comme les personnages sont plutôt froids ou présentés sous leur pire jour, il n’y a aucune compassion du spectateur et le temps paraît long, l’envie se dilate.
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En laissant le temps au temps. En fait, nous étions victimes du plan sur le long terme d’Alan Ball, le showrunner. Il savait que cela allait prendre du temps de se familiariser avec les personnages. Et sans que nous en ayons conscience, la mécanique addictive se mettait en marche et bientôt les protagonistes se dévoilaient et on finissait par les aimer d’amour. Notamment Ruth, l’un des plus beaux personnages du monde télévisuel, cette femme mariée trop jeune, mère trop vite, qui découvre la vie à la mort de son mari et la croque comme une ado. De plus, à partir de la saison 3, une idée de génie vient subtilement bouleverser notre rapport à la série : le temps entre chaque épisode se fera plus incertain, parfois quelques heures, d’autres fois des jours, voire des mois. D’où l’impression qui nous gagnera, à chaques premières minutes, de redécouvrir la famille Fisher et de s’interroger sur où ils en sont dans leurs vies. Comme un début de saison éternellement renouvelé.
Presque éternellement.
The Wire (2003)
Souvent citée comme LA meilleure série du monde, The Wire n’en reste pas moins très exigeante et demande à ses téléspectateurs de la patience et de la persévérance. Entrer dans The Wire est comme entrer dans l’eau froide d’un océan. Au début, c’est glacial et pas agréable, on se demande ce qu’on fait ici. Puis on s’habitue à la température et on commence à apprécier l’expérience. Et, à la fin, on se prend une énorme vague qui nous transporte, nous fait rouler puis bouler et enfin nous recrache sur le sable, essoufflés et bouleversés. Et forcement on en redemande, on retourne dans l’eau d’une nouvelle saison, persuadés que nous sommes habitués à la température. Naïveté que cela, car ça ne marche pas ainsi, il faut à chaque fois tout recommencer.
Et l’eau de la saison 2 est particulière froide.
Ce qui plombe la saison : trop de changement.
La série prend le risque de quitter presque intégralement l’univers qu’elle nous a fait découvrir dans la première saison pour un nouveau décor, un nouveau lieu et des dizaines de nouveaux personnages. The Wire délaisse les blocs pour les docks. Et il est très difficile de s’y mettre. Si au début, l’idée est excitante et audacieuse, l’intérêt a du mal à tenir la distance : l’enquête avance péniblement, la partie en prison a du mal à intéresser, l’intrigue donnera l’impression de monter en puissance pour finalement imploser plus qu’exploser. Et puis, il y a Ziggy, le boulet de service, celui qui ne fait que des conneries et qui n’a pas son pareil pour se mettre continuellement dans les embrouilles. Celui-là ne nous aide pas. Bien au contraire.
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En retournant dans la rue (le corner). Et en abordant de nouveaux thèmes comme la politique, l’éducation ou le journalisme pour parvenir à la quasi-perfection sur une saison 4 bouleversante.
Lost (2006)
La première saison de Lost, la série qui nous a fait devenir accro avec ses ours polaires, ses miracles, ses mystères par milliers, finissait sur un cliff un peu mineur (une lumière dans un hublot). La deuxième saison commença à montrer les limites du système : il y a clairement trop d’épisodes, la saison subit un énorme creux de qualité au milieu, les flashbacks deviennent de plus en plus anecdotiques, de nouveaux personnages apparaissent mais ont à peine le temps de s’installer qu’ils repartent déjà, et les autres commencent à lasser, voire énerver (coucou Michael qui deviendra le personnage le plus détesté de l’Histoire des séries).
Ce qui plombe la saison : le bunker, la fausse bonne idée.
Nos héros trouvent un bunker avec un compte à rebours et il leur faut appuyer sur un bouton toutes les cent-huit minutes sinon… bah sinon on ne sait pas. S’ensuivent de longs épisodes avec des discussions sans fin pour déterminer s’il faut appuyer ou non sur ce satané bouton. Les scénaristes iront jusqu’au bout de cette idée foireuse en enfermant sous terre toute une saison Locke, leur meilleure création, à se prendre la tête devant une horloge. Les bêtas.
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En réalisant que prolonger uniquement la saison 1 faisait courir le show dans le mur. Et bientôt les flash-forwards, les sauts dans le temps, les réalités parallèles perdront un spectateur trop heureux de se laisser piéger jusqu’à ce final (final que je n’évoquerai pas, suite à la recommandation de mon médecin qui dit que s'énerver est mauvais pour mon cœur).
Doctor Who (2006)
Vingt-sept saisons pour les classics, c’est déjà pas rien. Pourtant, en 2005, Russell T. Davies décide de ressusciter la série culte anglaise pour une version plus moderne. Mais au terme de la première saison, Christopher Eccleston, interprète du neuvième docteur, claque la porte et met les voiles. David Tennant prend alors le relais dans ce qui restera une des plus mauvaises saisons des aventures spatio-temporelles du Docteur Qui.
Ce qui plombe la saison : un peu tout malheureusement.
Des stand-alones médiocres (Tooth and Claw, The Idiot's Lantern, Fear Her et autres), un Tennant pas encore investi dans son rôle, un fil rouge (Torchwood) lourdement amené et pas spécialement intéressant, un final avec les races d’aliens les plus emblématiques de la série (les Daleks et les Cybermen) que les scénaristes se refilent comme une patate chaude, incapables de renouveler le concept. Et surtout, la déception de voir Rose, la compagne des Docteurs 9&10, passer d’une relation complexe avec l’extra-terrestre aux deux cœurs à une vulgaire love story.
Et pour achever le constat, il y a aussi trop de Mickey, personnage apathique et antipathique.
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En embrayant sur une saison 3 plus consistante et régulière. De plus, Rose a quitté la série, mais son ombre planera encore un peu, engloutissant sa pauvre remplaçante Martha. Mickey aussi a dégagé, lui par contre c'est une vraie épine qu'on enlève du pied. Avec le temps, Tennant va prendre ses marques au point de devenir le Docteur moderne préféré des fans (à égalité avec Matt Smith et Peter Capaldi, soit la quasi-totalité des interprètes de Doc). Les aventures dans le temps et dans l’espace, les dangers, les compagnes et les réincarnations vont se succéder jusqu’à un nouveau chapitre, ce Noël, pour le traditionnel épisode spécial Christmas. Puis dans quelques épisodes, Moffat, le dernier showrunner en date qui a divisé les aficionados du show (génie ou escroc ?) laissera les clefs de la maison à Chris Chibnall.
Conclusion, la force de Doctor Who est son endurance, son renouvellement perpétuel où tout le monde finit par y trouver son compte.
Friday Night Lights (2007)
Une première saison mignonne comme tout avec comme fond un sport collectif (le foot US) et des amourettes adolescentes, le tout dans un Texas ensoleillé. Mais pour la seconde fournée, la mécanique s’enraye et des grains de sable apparaissent. Car ces petites histoires touchantes sont fragiles et peuvent à tout moment devenir plus anecdotiques, voire moins intéressantes. Les schémas des matchs sont aussi un peu toujours identiques : les Panthers sont menés puis remontent le score et remportent la partie à la dernière seconde, à la Olive et Tom. De plus, la grève des scénaristes empêchera une conclusion correcte, notamment une absence de dénouement pour la saison sportive.
Ce qui plombe la saison : un mort.
Selon les scénaristes, cette storyline a été imposée par les producteurs pour booster l’ambiance, mais elle s’avère être un vrai caillou dans une chaussure. Landry sauve Tyra d’une tentative de viol et involontairement tue l’affreux agresseur. L’idée n’est déjà pas bonne en soi, mais à partir de là, la série se scinde en deux. Une première partie semblable à la première saison (avec parfois même Landry et Tyra en personnages secondaires) et une seconde centrée sur les "amoureux" déconnectée, avec son lot lourdingue de questionnements, de remords, d’aveux avortés. Finalement, après de longues heures perdues, l’affaire se réglera et on n’en parlera plus jamais.
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En diminuant son nombre d’épisodes par saison. Et surtout, en réalisant que ses personnages n’ont pas besoin de vulgaires béquilles scénaristiques pour nous toucher et nous émouvoir. Par contre, mettre fin aux scénarios de match abracadabrantesques ne fera malheureusement pas partie des bonnes résolutions des scénaristes. Dommage.
Mad Men (2008)
Mad Men, les cliffs, les twists, les retournements de situations, ce n’est pas trop son kiff, elle n’aime pas ça. Par contre, Mad Men est une vraie claque esthétique, une immersion dans la vie, les mentalités et les mœurs des années 60, le whisky sec et le paquet de clopes au petit déj', et la misogynie décomplexée. De plus, Mad Men pratique la mise en abyme et parle de notre société par le biais du passé, d’une société d’apparences où on cache son mal-être sous la couverture du père/mari/mère/épouse parfaite. Mad Men, c’est clairement plus intelligent que toi. Le problème est que parfois, ça flirte avec l’ennui.
Ce qui plombe la saison : cette horrible impression de surplace, que rien n’avance.
Don Draper campe son costume de brun mystérieux et n'en évolue pas, il y a un focus sur Steve Campbell, personnage insupportable et prétentieux, la naïveté de Peggy est énervante et même Betty, la desperate housewife dépressive et touchante, agace par ses changements d’humeur. On en vient à comparer Mad Men à une boule à neige, ces villes miniatures sous verre, qu’on secoue pour regarder tomber la neige. C’est beau, mais ça devient vite lassant.
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En se remettant en marche, même si ne sera jamais 24 ni Banshee. En faisant évoluer la situation de la famille Draper, de sa société et du monde où elle évolue. Et en donnant du temps à Sally, la fille de Don, dont la relation avec son père fera un des sels des autres saisons.
Bonus : Rectify (2014 work in progress)
Daniel Holden a été condamné pour le viol et le meurtre de sa petite amie. Vingt ans plus tard, il sort de prison, suite à un vice de procédure et n’a pas d’autres choix que de retourner vivre chez sa mère, dans son village natal où personne n’est très ravi de ce retour. D’autant que la violence carcérale et deux décennies d’isolement ont pas mal perturbé l’ami Daniel, au comportement très erratique. Série jumelle de Six Feet Under, Rectify repose beaucoup sur les épaules d'Aden Young, et l’absence de certitude sur sa culpabilité (l’a-t-il fait ou pas ?) rajoute beaucoup à la fascination qu’on ressent pour ce personnage.
Ce qui plombe la saison : un trop grand nombre d’épisodes.
Déjà la saison 1 (six épisodes) souffrait de moments où le temps semblait se figer, mais la saison 2 se risque à un format de dix unités. Erreur, car Rectify n’en a pas le coffre et il y a un énorme trou noir au milieu où trop de statisme engouffre le spectateur dans un givre d’ennui mortel.
Comment la série va se sortir du mauvais pas :
En devenant plus raisonnable. Rectify retourne dès la saison 3 à un format de six épisodes, plus seyant pour la série. De plus, avec le temps, on s’est familiarisé avec les personnages, on s’est attaché à eux. En conséquence, on prend plus de plaisir à suivre leurs aventures, aussi peu spectaculaires soient-elles parfois. La troisième saison frôle la perfection et la série termine actuellement son ultime fournée. Si celle-ci est une réussite, Rectify pourra officiellement rejoindre le clan des séries susnommées.
La conclusion de cette liste ? Il n’y a pas une mais plusieurs explications à ce phénomène.
Donc à Gommora, True Detective, UnREAL, Les Revenants, Broadchurch, Empire, etc., etc., qui ont bien foiré leur deuxième saison, je leur conseille de garder espoir : peut-être serez-vous prochainement culte, peut-être rentrerez-vous au Panthéon des grandes Séries... Car peut-être étiez-vous simplement une nouvelle victime de…
Vite, vite le lien de la musique qui fait peur. Cliquez ici.
Euh non, il y a erreur, il est là, le lien de la musique qui fout les glandes, pardon.
Et vous, vous voyez d’autres victimes ?
(*) Gros troll que j'ai fait en citant The Walking Dead, qui ne rentre évidemment pas dans la liste. En effet, nous savons tous que la série a entamé sa dégringolade qualitative dès la fin de la saison 1 et ses malfrats tenanciers d’une maison de retraite.
Merci à Galax et ClaraOswald pour leur aide sur Doctor Who.