C'est fait.
Après trois saisons de combats sanglants et de luttes acharnées, Spartacus et ses amis gladiateurs ont fini par déposer les armes à l'issue d'une troisième saison assez inégale.
En supprimant une bonne partie de ses protagonistes à la fin de la saison 2, la série s'est un peu tirée une balle dans le pied et se devait de trouver de nouveaux éléments pertinents et suffisamment intéressants pour donner envie aux téléspectateurs de suivre cette aventure jusqu'au bout.
À coup de nouveaux personnages, de nouveaux acteurs et de nouveaux lieux, les scénaristes ont tout tenté pour rénover le plus possible leurs intrigues.
Alors que la saison 3 vient tout juste de s’achever sur les écrans français, il est temps pour SerieAll de déterminer si le pari a été réussi ou non.
De nouveaux Romains bien en forme
Si l'on devait retenir une chose sur laquelle cette troisième saison de Spartacus semble être parvenue à s’imposer, ce serait bien sa capacité à renouveler ses personnages, Romains comme rebelles. De quelle manière ? Tout d’abord, en intégrant de nouveaux protagonistes (Laeta, Marcus Crassus, Tiberius ou César pour ne citer qu’eux), mais aussi et surtout en proposant une approche beaucoup plus sombre et moins manichéenne du conflit. Cette année, plus que jamais, les Romains ne seront pas seulement les méchants de l’histoire, et ça fait du bien !
Des Romains plus nuancés
Finie donc cette époque où les Romains n’étaient que de méchants notables pervers et avides de pouvoir : place désormais à des Romains plus humains, moins fourbes et surtout moins méprisants ! À ce titre, Marcus Crassus et Laeta apparaissent comme des exemples typiques de cette nouvelle approche romaine : le premier n’est autre que le nouveau grand ennemi de Spartacus, engagé pour mettre fin une bonne fois pour toutes à la rébellion, tandis que la deuxième n'est autre que l’épouse de l’aedile de Sinuessa en Valle, autrement dit une Romaine de haut rang.
Pourtant, et malgré leur statut, ces deux nouveaux Romains n’ont rien à voir avec leurs prédécesseurs : à la différence d’un Glaber ou d’un Batiatus, Crassus ne sous-estime aucunement les rebelles, et a même parfois tendance à témoigner d'un certain respect pour celui qui est parvenu à lever seul sa propre armée. De la même manière, Laeta trouvera sa singularité en devenant la première Romaine de l’histoire de la série à connaître le sort de l’esclavage.
On ne peut que saluer cette décision des scénaristes de nuancer un peu plus les Romains, en mettant plus l'accent sur leurs faiblesses, leur vulnérabilité et leur sensibilité. Et alors que Marcus Crassus partage avec sa servante Kore des sentiments amoureux extrêmement passionnels, Laeta pour sa part parviendra à faire craquer Spartacus, le chef des rebelles se reconnaissant très certainement dans cette femme prête à prendre n’importe quel risque pour sauver son peuple.
Cette nouvelle manière d’aborder les ennemis de Spartacus offre l’opportunité aux scénaristes d’explorer des situations qui jusqu’ici n’avaient pu être abordées, en proposant par exemple une véritable histoire d’amour entre une esclave et son maître (on ne parle pas de l’époque où Crixus était obligé de se mettre à poil devant une Lucretia brulante de désir), ou en tentant de se demander, à travers le personnage de Laeta, comment un Romain réagit lorsqu’il se retrouve lui-même esclave.
César-Tiberius : Deux romains qui s’affrontent
En plus de ces deux très bons personnages, la série introduit également une figure historique de taille : Jules César. Le moins que l'on puisse dire, c'est que sa première apparition en mode surfeur de la West Coast ne lui rend pas honneur ! Ceci dit, ce ridicule était probablement assumé, le personnage montrant assez vite ses véritables qualités, à savoir son sens de la stratégie, sa noblesse et son habileté au combat, dont il fait montre notamment lorsqu'il s'infiltre dans le camp de Spartacus.
Dommage que du côté des Romains, ses interventions soient malheureusement trop répétitives pour intéresser vraiment, les scénaristes essayant de dépeindre les tensions romaines d'antan sans jamais réellement y parvenir. La plus grosse déception concernant ce personnage reste pourtant le series finale, qui ne lui laisse qu'une infime place au second plan, le privant même d'un affrontement à sa hauteur. Bonne nouvelle, un spin-off va peut-être corriger cette injustice, mais avouons-le, on aurait quand même préféré une étude psychologique plus riche du personnage. A la place, nous avons dû nous contenter de ses affrontements cornéliens avec Tiberius, présents tout au long de cette saison : comme quoi, on ne perd pas les bonnes vieilles habitudes !
Malheureusement, les bonnes recettes ne font pas forcément de bons plats, et le fait est que ce duel de longue haleine entre César et Tiberius n'a pas la saveur d'antan. Si la pression psychologique qu'ils exercent tour à tour l'un sur l'autre est plutôt prometteuse au départ, l'affrontement devient vite répétitif, se résumant souvent à qui réussi à gagner à tel ou tel moment les faveurs de Crassus. L'interprète de Tiberius, Christian Antidormi, y est sans doute pour quelque chose dans ce ratage, en ne se montrant pas vraiment à la hauteur de son personnage, et même l'exploitation de certaines idées, comme celle plutôt couillue du viol de César, n'est pas assez poussée pour rendre le duo digne d'une tragédie théâtrale. Dommage, car on sent que la psychologie de Tiberius est travaillée, et il y avait matière à faire bien mieux.
Et du côté des anciens ?
Si les scénaristes semblent s’être creusés la cervelle pour proposer de nouveaux personnages plutôt réussis, ils n’en ont pas pour autant délaissé leurs anciens protagonistes : au contraire, cette saison permet même à de nombreux personnages d’évoluer, en bien ou en mal, pour le meilleur et pour le pire…
Une rébellion en perte de vitesse
Prenons Spartacus, par exemple, qui commence cette saison dans une impasse : après la mort de Glaber à la fin de la saison 2, le chef des rebelles se retrouve en effet confronté à une absence de but qui l’amène à prendre un certain recul sur sa propre révolte. Et maintenant que sa vengeance personnelle est assouvie, il s’aperçoit qu’il est devenu le chef de toute une armée qui compte sur lui pour la mener jusqu’à la victoire : un peu dépassé par les événements, le Thrace se fait alors peu à peu piquer la vedette par Crixus, plus remonté que jamais.
Le Gaulois, sous l’impulsion d’une Naevia barbare et terrifiante, décide en effet de prendre le contrôle de la situation et de buter du Romain : le couple maudit de la série apparaît même tellement sanguinaire et assoiffé de sang qu’il en devient presque détestable ! Heureusement, Spartacus revient vite dans les rangs et reprend sa place de leader, créant à nouveau un conflit entre les deux hommes. Et tandis que les Romains décident de s’unir pour combattre leur ennemi mutuel, de leur côté les rebelles se divisent peu à peu, provoquant même la naissance d’une rébellion dans la rébellion : en prenant les téléspectateurs à témoin de cette division, les scénaristes renouvellent une fois de plus l’intérêt du public pour leur programme, et on assiste donc impuissant à cette déchéance qui mène inéluctablement les deux hommes vers leur fin.
Du côté des autres personnages principaux de la série, pas grand chose à signaler, et on sent bien que les scénaristes n’avaient plus vraiment de matière à exploiter avec eux. Comme à son accoutumée, Gannicus boit, baise, se bat, boit et rebaise : tout juste avons-nous droit à un pseudo triangle amoureux entre lui, Saxa et la petite Sybil, aussi inintéressante qu’une feuille blanche. Toutefois, et pour nuancer un peu notre propos, sa mise en retrait correspond assez bien à l’évolution du personnage, qui dans le fond n’a jamais vraiment été pour la rébellion : le seul endroit où il pouvait être lui-même, c’était l’arène, lieu qui continuera de l’animer jusqu’à son dernier souffle.
Agron et Nasir, quant à eux, sont tellement inséparables qu’il est impossible de les différencier l’un de l’autre. Globalement, leurs échanges cette saison se sont résumés à « attention, l'autre pirate te drague, fait gaffe à ce que tu fais », « mais oui t'inquiète, je resterais à tes côtés à tout jamais », « ah ben non attends, moi je veux que tu survives donc je vais partir combattre sans toi, mais je t'aime», « oui, moi aussi, et c'est pour ça que je veux partir avec toi ». Vous l’aurez compris, aucun rapport avec les thématiques de la saison, aucun rôle à jouer dans les intrigues, niet ! Et alors qu’on aurait pu espérer au moins une ascension vers la gloire progressive d'Agron, resté un fidèle second de Spartacus jusqu'au bout sans avoir une seule scène de bravoure à lui, eh bien non, rien de rien. Seul intérêt de cette relation platonique : elle permet d’aborder une autre forme de soumission et d’avilissement, celle liée au couple. Une idée qui aurait pu être intelligente si elle avait été bien traitée.
Finalement, l’un des seuls véritables intérêts des anciens personnages cette saison se trouve dans l'exploration d'une thématique inédite : celle des rapports inversés entre opprimés et oppresseurs, qui durant ces dix épisodes offre concrètement une nouvelle dynamique à la série.
Les opprimés oppresseurs
L’objectif des scénaristes cette année est clair : se détourner des manipulations politiques des premières saisons pour aborder d’autres facettes de leurs personnages et de leurs intrigues. L’une de ces nouvelles thématiques, la plus importante sans doute, concerne le rapport entre les opprimés et les oppresseurs : les scénaristes ont ainsi fait le choix osé de montrer les opprimés héroïques d'autrefois comme étant les oppresseurs sanguinaires d'aujourd'hui.
Désespérée, à bouts de nerfs et affamée, la troupe de Spartacus en a en effet assez de ce combat qui n'en finit plus : chaque rencontre avec un ennemi devient alors l'occasion de se défouler, comme si leur libération avait plus de sens en passant par un acte symbolique de barbarie. Viol, torture, humiliation, soumission… Les anciens esclaves réitèrent en seulement quelques épisodes tous ce que les Romains leur avaient fait subir en deux saisons. Malgré la violence parfois rebutante de ces scènes, certaines comportent une mise en scène intéressante, comme celle du massacre des prisonniers de Sinuessa en Valle mis en parallèle avec la décimation des Romains.
Pourtant, si cette thématique partait d'une bonne intention, les scénaristes ont pu parfois pousser la démonstration un peu trop loin, peut-être à cause de leur tendance à verser dans le spectacle malgré un propos souvent bien présent : c'est ainsi le cas de l'arène improvisée lors du pourtant bon The Dead and The Dying, qui montre de manière assez malsaine une tête coupée volant dans les gradins, les spectateurs esclaves réagissant exactement comme le peuple romain. Alors certes, cela permet d'éviter de sombrer dans le manichéisme (principe central de la série) en montrant la transformation des esclaves en monstres par les monstres. Seulement, on est en droit de se demander quelles sont les limites à ne pas franchir du point de vue éthique, et de s'interroger sur la réelle nécessité de cette exagération : car dans le fond, n'est-il pas un peu hypocrite et incohérent de prétendre à ce propos et de mettre en scène dans le même temps les combats sous un aspect fun, ou de présenter certains esclaves dès leur arrivée dans la série comme des barbares assumés ?
D'autant plus qu'au même moment, les scénaristes semblent avoir décidé de nuancer les Romains, les rendant plus attachants, moins détestables et renforçant ainsi l'écart de comportement entre eux et les rebelles. Un écart tellement grand qu'il en devient parfois invraisemblable. Sans doute ce rapport inversé entre les opprimés et les oppresseurs aurait-il mérité d’être un peu plus nuancé et moins évident, car tout comme avec Naevia, le changement est tellement abrupt et maladroit qu’il ne parvient pas à avoir l’effet escompté au départ.
Heureusement, tout cela rentre dans l’ordre au fur et à mesure des épisodes, et lors du combat final, on atteint même un équilibre parfait entre la cruauté des Romains et la sauvagerie des rebelles. Dommage qu’il ait fallu passer par des scènes plus que douteuses pour obtenir ce résultat…
Les tops et les flops de la saison
Le Top 3 Épisodes:
1 – Victory (3x10)
Un final tout simplement sublime
2 – Spoils of War (3x06)
L’épisode où les Romains marquent leur grand retour et parviennent à reprendre Sinuessa en Valle. C’est aussi l’épisode qui révèle l’un des personnages forts de cette saison : Laeta.
3 – The Dead and the Dying (3x09)
Un épisode durant lequel la tension entre les deux clans atteint son apogée.
Le Flop 3 Épisodes:
1 – Mors Indecepta (3x07)
Un enchaînement de niaiseries et d’histoires pas vraiment intéressantes.
2 – Men of Honor (3x03)
Un épisode où les Romains sont présentés comme des quiches, où les esclaves sont super forts et où Naevia se sert d’un marteau pour refaire la façade d’un Romain. Qui dit mieux ?
3 – Enemies of Rome (3x01)
Un épisode de reprise un peu mou de genou et qui a le désavantage de marquer la transition entre les deux très bonnes premières saisons et cette troisième, un peu plus faible.
Le Top 3 personnages:
1 – Laeta
Gros coup de cœur de la saison !
2 – Marcus Crassus
Un ennemi romain pas comme les autres qu’on aime détester.
3 – Spartacus
Malgré des débuts difficiles, l'épisode final lui rend tout son honneur.
Le Flop 3 personnages:
1 – Sybil
Sommes-nous vraiment obligés de donner une explication ?
2 – Castus
Euh… qui c’est déjà ? Ah oui, le pirate gay dont Agron est jaloux.
3 – Le couple Agron-Nasir
Avec eux, Spartacus est parfois devenu Les Feux de l’amour...
4 – Naevia
Parce qu’il fallait bien la placer dans le flop, quand même…
Si cette troisième et ultime saison de Spartacus n’est pas à la hauteur des précédentes, c’est trop souvent à cause de bonnes idées mal exploitées : le refresh du season finale de l’année dernière était sans doute trop ambitieux pour les scénaristes qui malgré de bonnes surprises, ne parviennent pas à maintenir le cap. Malheureusement, les nouveaux personnages ne sont pas tous à la hauteur, et la thématique de la saison autour des rapports inversés entre opprimés et oppresseurs s’avère mal exploitée : cette dernière, qui ne semble pas avoir d'autre but que de garder un intérêt à la quête de Spartacus, a du coup été un peu trop accentuée pour palier à ce manque de renouveau.
Cependant, si ces dix épisodes ne parviennent pas à atteindre le niveau de leurs prédécesseurs, ils ont au moins le mérite de tenter une nouvelle approche, et par ce biais de proposer une direction différente. De ce fait et même s’il est difficile de ne pas ressentir de la déception tant les deux saisons précédentes étaient beaucoup plus maîtrisées, il faut admettre que les personnages de Laeta et Crassus amènent une dynamique nouvelle, qui parvient à sauver l’ensemble. Si on ajoute à cela un final grandiose, on peut même dire que le bébé de Steven S. De Knight a le luxe de tirer brillamment sa révérence !
Les quelques rares gens de bon goût de SerieAll garderont ainsi un bon souvenir de Spartacus, une série bien plus intelligente qu'elle n'en a l'air. Ave, Andy Whitfield !
Cet article a été coécrit avec Antofisherb