Mais quelle calamité.
Je suis sidéré par les retours positifs de l'épisode et je ne sais pas par où commencer. Par malheur on m'a assigné la critique de ce spécial nouvel an, unique épisode que la série aura en 2019 et unique remplacement que nous aurons pour la suppression du spécial Noël de la série. Il fait office au passage de pseudo-fin de saison 11 et marque le premier retour d'un ennemi récurrent de la série après une saison exclusivement réservée à de nouveaux ennemis (dont très peu étaient mémorables...). Et pour ce dernier épisode avant très longtemps, Doctor Who bat absolument tous les records... d'abomination.
Sans même parler du flop objectif total de ce changement de date (l'épisode a récolté à la fois la pire audience et la pire réception du public britannique de tous les spéciaux de la série), il s'agit pour moi non seulement du pire spécial en date, mais également d'un des pires épisodes de la série.
Et une bonne année 2019 à tous.
Les Feux (d'artifice) de l'Amour
Côté scénario, rien ne va. L'épisode n'a aucun rythme. J'ai regardé l'heure un nombre incalculable de fois pendant les deux premiers actes. Le récit est cousu de fil blanc et l'action constamment interrompue par du remplissage alarmant. Par exemple, le fait que Graham soit "oublié" par la Doc pendant une scène n'est qu'un énorme prétexte artificiel à créer un dialogue avec le père de Ryan pour les ré-inclure tous les deux dans le climax.
Parlons du père de Ryan. A-t-on déjà vu plus mauvaise backstory (à plus mauvais compagnon) ? Je suis juste abasourdi. L'épisode perd facilement dix minutes de soap opera qui n'ont aucun sens, remplies de dialogues absolument irréalistes. Le monologue de Ryan sur ce qu'il "aimerait que son père lui dise", mon dieu, mais QUI parle comme ça ? Le tout avec une réconcilliation finale complètement incohérente : Ryan n'a pas changé une seule fois de position durant toute la saison vis-à-vis de son père, voire s'en est même émancipé et est devenu encore plus dur envers lui grâce à ses aventures dans le TARDIS ; c'est plutôt Aaron qui a changé d'avis durant ce final suite à la conversation avec Graham dont j'ai parlé plus haut (celle bien lourdement amenée). Donc, en toute logique, si tu as un minimum de talent pour écrire une histoire, tu ferais en sorte que le premier pas de la réconciliation vienne donc du père. Mais même pas. Ce dernier est capturé (comme c'est bien pratique...), mis en danger dans le TARDIS par une Docteur qui semble ne jamais savoir quoi faire : "allez avec un peu de chance le poulpe sera aspiré dehors, mais il lâchera miraculeusement l'humain qu'il serre de toutes ses forces et pénètre littéralement, fais moi confiance Ryan... oups ben non le père se fait aspirer aussi, ah je sais pas quoi faire"... Et la résolution de l'épisode ? Ryan sauve son père avec un « I love you ». Chris Chibnall vient de réaliser l'exploit de défaire les Daleks avec un micro-onde et de l'amour.
UN MICRO-ONDE ET DE L'AMOUR.
Merde quoi.
Même les épisodes des Cybermen, champions des climax pourris (cf. Closing Time, l'épisode où les Cybermen se cachent dans un supermarché et meurent à cause de pleurs de bébé), avaient au moins une once de logique dans leur résolution étant donné la nature des Cybermen (humains à la base, réprimant leurs sentiments). Ou bien les scénaristes un minimum compétents s'arrangeaient toujours pour donner un ton un peu émotionnel à la résolution avec des personnages attachants. Or, Craig et Stormaggeddon, ou même la méchante de The Next Doctor, ont plus de charisme que Ryan et son père réunis.
Pour couronner le tout, l'épisode est rempli de répliques de "développement de personnages" archi fausses qui me font grincer des dents, lever les yeux au ciel ou littéralement râler devant mon écran. J'ai nommé :
"Merci papi." "Oh quoi tu l'appelles papi ?" "Oui, papi."
Histoire d'en remettre une couche sur tout l'arc entre Ryan et Graham absolument terrible, ainsi que :
"Pas mal pour un mec avec une dyspraxie lol"
Oui, Chibnall, je me souviens de tes piètres tentatives pour rendre les compagnons attachants et te servir d'un handicap juste pour cocher une case sans rien faire d'intéressant avec. Je m'en souviens bien.
En attendant, la seule chose qui a été réussie cette saison en termes d'attachement aux trois compagnons, c'est Grace, et c'est un miracle que ça tienne encore.
Et pendant ce temps, Yaz est toujours la compagne la plus supprimable de toute l'histoire de la série, ne tenant en sursis que grâce au bon souvenir de Demons of the Punjab, qui semble être à ce stade la seule raison de la création de son personnage.
La pire prestation des Daleks de la série ?
J'ai vu beaucoup d'avis évoquer "un retour en force des Daleks", un ennemi "vraiment intimidant", un changement après une ère où les morts n'étaient pas prises au sérieux, etc.
Mais je pose la question : à partir de quel moment un Dalek peut-il être considéré comme menaçant ? Qu'est-ce qu'il faut vraiment ?
Des nouvelles armes modernes sur un Dalek...? Dans cet épisode où ce même Dalek ne s'en sert pas plus d'une fois et est défait par un micro-onde et de l'amour, au cas où vous auriez oublié ?
Des tas de figurants qui meurent...? Dans cet épisode où l'archéologue, devenue inutile pour le Dalek, est épargnée pour absolument aucune raison, juste parce que c'est un personnage que l'on connaît ?
Personne ne voit donc à quel point des scènes inutiles et superflues où le Dalek tue des inconnus avec de nouvelles armes ne sont donc rien de plus que de la poudre aux yeux, pour contenter les fans et détourner l'attention de ce qui compte vraiment ? Que ça n'est pas comme ça qu'on peut juger si un Dalek est écrit de façon pertinente ou pas ? (en tout cas, c'est mon avis)
À ce titre, le design du Dalek, très sobre, moderne mais illustrant bien l'aspect dépotoir, un peu à la façon dont Thirteen a construit son sonic, est bien joli, je l'accorde à l'épisode/aux designers (retenez bien, il s'agira probablement de la seule phrase positive dans ma critique). Mais qu'est-ce que ça apporte vraiment quand ce qu'il y a à l'intérieur de cette armure n'a jamais sonné aussi creux ? Les fans font les louanges d'un design sombre et original, et un Dalek foncièrement méchant qui tue tout sur son passage. Mais si les précédents showrunners de la série, Russel T. Davies et Steven Moffat, enchaînaient les épisodes questionnant la moralité des Daleks, multipliaient de plus en plus leur nombre et réinventaient leurs apparences pour créer de nouveaux concepts, ce n'est pas parce que c'est facile, ni par paresse d'écriture, au contraire : c'est parce qu'il le faut ! Quand bien même cela pouvait sembler redondant, c'est nécessaire. Et pourquoi ? Parce qu'un Dalek classique est un ennemi qui n'a aucun intérêt, tant leur apparence reste et restera toujours démodée, tant ils ne seront jamais menaçants s'ils se limitent à de simples tueries comme tout ennemi de SF, bref, c'est parce que les Daleks ne fonctionnent pas en tant que machine de guerre sanguinaire décervelée perdue dans la nature.
Ou du moins, pas quand ils sont le cœur de l'épisode. RTD et Moffat l'avaient bien compris, et ainsi résumaient leurs apparitions les plus "classiques" voire "sommaires" (comprendre : juste des aliens robotiques tuant tout sur leur passage) à des épisodes dont ils ne sont pas le cœur de l'histoire, pour créer un enjeu et une menace efficacement et rapidement sans déservir le récit (cf. Doomsday, The Time of the Doctor, The Pilot, même The Day of the Doctor...).
Donc je repose la question : à quoi sert la scène de combat assez bien réalisée/jolie entre le Dalek et des militaires ? Il s'agit juste d'un prétexte à faire une démonstration de nouveaux pouvoirs du Dalek (des missiles) – le tout avec très peu de contexte (il m'a fallu du temps pour comprendre pourquoi des militaires étaient là), et aucun intérêt à l'histoire. Tu enlèves la scène, l'épisode ne change pas. C'est de l'artificiel total. Et quand bien même cette scène est relativement passable : elle dure trois minutes. Le reste du temps, le Dalek de l'épisode ne fait quasiment rien. Cette scène peut donc vendre du rêve prise hors contexte, elle est en fait vraiment tragique quand on la replace dans son épisode, car elle trahit la faiblesse de Chris Chibnall en tant que scénariste et révèle clairement son incompétence à gérer le cahier des charges lié à inclure un Dalek dans un épisode, préférant écrire une scène gratuite de trois minutes au lieu de diluer les interventions de sa créature dans le récit.
Et puis, quand deux minutes après, le Dalek est incapable de ressortir la moindre de ses nouvelles technologies contre la Doc et la demi-douzaine d'humains qui l'entourent dans une petite pièce, ne faisant AUCUNE victime, manquant TOUS ses tirs contre la Docteur, ne se servant d'aucune de ses capacités... laissez-moi juste rire. Tout ça en se faisant par le tournevis magique et des putains de BOUTS DE MICRO-ONDE BORDEL J'EN SUIS TOUJOURS PAS REMIS ?
UN MICRO-ONDE !
Je le voyais tellement venir de loin ce micro-onde, mais je refusais d'y croire tellement ça paraissait débile... À l'instar du "jeune travailleur nocturne" du pilote ou du "cigare qui s'enflamme" de The Ghost Monument – Chibnall, peux-tu faire un TOUT PETIT effort pour dissimuler tes twists scénaristiques, au lieu de constamment faire des plans sur ton objet magique pour la résolution ? Je n'ai jamais vu un scénariste utiliiser aussi mal le fusil de Tchekhov dans la série. Sérieusement, comment un père voulant reprendre contact avec son fils endeuillé, se rend dans un café avec lui pour d'abord tenter de vendre un micro-onde récupéré sur Amazon pour faire du bénéfice, l'emporte avec lui dans la maison de sa défunte fille ? Pour qu'ensuite son fils le dépose dans le TARDIS, où la Doc peut ainsi s'attarder dessus plusieurs fois avant de s'en servir ? C'est un objet tellement commun et donc tellement improbable dans un récit autrement extrêmement basique, qu'il était évident dès la première seconde qu'il s'agissait d'un élément important. Quand j'ai compris ce qu'ils comptaient en faire, je n'en pouvais plus.
On parle en plus de ce Dalek qui, dans le même épisode et avec son armure ORIGINALE de Skaro, ce Dalek qui est en plus un Dalek super-méga-plus-fort que les autres car il s'agit d'un éclaireur, se fait défaire au Moyen-Âge par de la vulgaire chaleur et par un troupeau d'humains qui n'ont même pas encore découvert l'électricité ? Un affrontement que Chris Chibnall choisit de montrer à travers un simple livre de croquis aperçu trois secondes, histoire qu'on ne comprenne pas bien et qu'on ne s'attarde pas trop sur ce détail embarrassant ? Ça m'avait manqué, ces hors-champs bien pratiques pour éviter les incohérences.
En parlant de hors-champs, quid des trois pièces aux trois coins du globe ? J'ai cru que cette partie de l'intrigue avait été abandonnée, je suis donc allé voir sur internet pour réaliser que j'avais apparemment raté une scène. Du coup, de ce que j'ai compris, les deux autres morceaux se sont automatiquement téléportés vers le corps du Dalek une fois que celui-ci commençait à se reconstituer, et cette téléportation a constitué un signal pour le Docteur pour tracer le Dalek... Encore une illustration de grosses ficelles scénaristiques, révélant un scénario poussif. J'ai peut-être eu un moment d'inattention, mais tout de même, l'épisode torche son récit. Et puis j'étais encore trop occupé à me demander pourquoi des guerriers anglais du 9e siècle n'ont pas simplement brûlé le Dalek ou enfoui au fond de l'océan au lieu de trouver comme solution un plan ridiculeusement tiré par les cheveux qui nécessite une surveillance constante pendant mille ans...
Je pense qu'il s'agit probablement de l'épisode qui comprend le moins bien les Daleks depuis 2005. Même Evolution of the Daleks en saison 3 (avec l'hybride Dalek-Humain) présentait plus d'idées – et était bien plus marrant. Resolution n'a pas d'armée imposante. Pas non plus de Dalek individuel suffisamment bien caractérisé. Pas de personnification du Dalek, donc pas de question autour du rapport entre la Docteur et les Daleks, juste de vulgaires annonces grandiloquentes et généralistes du Docteur de Jodie Whittaker, du genre "les Daleks et moi, c'est personnel" ou encore "j'essaye d'être gentille, mais je vous connais". Comme souvent, les speechs de Thirteen semblent trop forcés et génériques. Pas de question non plus sur la moralité des Daleks, aucun parallèle sur leur inspiration nazie. En plus ça aurait pu être grave politique, comment Chibnall a pu laisser passer cette occasion ? Où n'est-ce pas assez réac' et progressiste pour lui ?
Rien de tout ça. Juste un simple Dalek. Tueur. Méthodique. Ennuyant, au fond. Avec deux moitiés de nouveaux concepts sur leur arsenal (les missiles et le contrôle d'humains – bien qu'on ait déjà vu les boules du Dalek servir, tout comme on a déjà vu des associations physiques et télépathiques entre un humain et un Dalek, plusieurs fois même) et une nouvelle idée sur la mythologie de la race (les éclaireurs), inexploitée. Le degré zéro de bonne idée.
Le néant.
L'épisode aurait pu redorer la saison en prouvant que le retour d'anciens éléments de la série peut revigorer celle-ci et peut être un bon apport du showrunner. Il n'en est rien.
Et TOUTE l'histoire fonctionne sur ce genre d'artifices. Dès le début de l'épisode, les deux archéologues font confiance à la Docteur en un battement de cil et doivent être les deux guest stars de la série les plus compréhensives et dociles de l'histoire. On notera au passage qu'un peu comme l'épisode Tsuranga, Chris débute un arc autour de ses personnages secondaires qu'il ne reprend pas par la suite, préférant partir sur une dynamique de groupe qui noie les interactions, sépare les personnages de façon artificielle et privilégie les beaux discours vides et le pouvoir de l'amitié pour accompagner des scènes d'action qui manquent clairement d'enjeux.
Ensuite, si la course-poursuite de la Docteur et du Dalek se déroule, c'est uniquement car le Dalek a désactivé une partie de la technologie du TARDIS à distance, sans AUCUNE explication même pas vulgairement scientifique-techno-blabla. Il en a juste le pouvoir. On en parle aussi, du compte à rebours de trois heures et demi du Dalek ? Combien de temps faut-il pour lancer un signal à une flotte spatiale ? D'après le passif de la série, j'aurais dit même pas deux minutes, mais bon, on pourra dire que je chipote sur ce point, qui est effectivement loin d'être le pire.
La goutte d'eau : UNIT
Je n'ai même pas encore parlé de UNIT. Chris Chibnall vient de supprimer UNIT de la série en en profitant pour faire une pique au Brexit. UNIT, éjecté de la série à cause du Brexit. Quelle blague. On en n'était pas à la première tentative d'humour qui ne marche pas (cette blague sur le wifi, wtf...), mais celle-ci dépasse tout. J'aimerais me dire que ce n'est pas grave car à n'importe quel moment, Kate Stewart ou UNIT dans sa globalité peut revenir avec n'importe quel prétexte, que ce soit sous un épisode de Chibnall (qui aurait donc voulu écarter UNIT seulement pour cet épisode et pour caser une blague) ou d'un autre scénariste. Il est possible que ça soit juste temporaire, comme une sorte de mini-reboot pour faciliter la suite de la série. Et après tout, du changement, pourquoi pas... mais je ne peux juste pas laisser passer la manière dont cela a été fait. Comme une blague.
Russel T. Davies et Steven Moffat ont passé dix saisons à soigneusement lier série classique et nouvelle ère, avec plus ou moins de succès certes. Mais c'est un lien dont UNIT est clairement l'un des piliers. Après l'avoir réintroduit sous David Tennant, avoir rendu multiples hommages à la mémoire du Brigadier, par des références, caméos ou en créant sa fille, un personnage pour lequel je n'ai vu qu'un accueil positif de la part de toute la fanbase (rarement une telle unanimité sur un personnage je crois), bref, en solidifiant enfin UNIT comme organisation terrienne majeure de la série... pour en arriver à cette fin ? "Lol y'a plus de budget because Brexit". Mais vraiment, je crois que je vais faire mon fan puriste rageux pour sans doute la première fois avec cette série, mais qu'est-ce que c'est que ce manque de respect ? Même si on peut trouver que je dramatise, il n'empêche que dans un épisode qui veut enfin renouer avec les traditions de la série en reprenant les Daleks, ça la fout très mal.
Le mot de la fin
On peut dire que cet épisode a pour """thème""" les bonnes résolutions et le pouvoir de l'amitié collégiale comme signe de former une famille, le tout se voulant être (selon les mots de son scénariste) un feu d'artifice épique et frénétique. Si bien que Chibnall a choisi de mettre une véritable séquence de feu d'artifice spatial (ç'aurait été une bonne idée de reprendre cette explosion pour le climax de fin, pour donner un semblant de cohérence à l'épisode, mais passons). Et ça représente très bien l'épisode finalement, car c'est exactement de ça dont il s'agit : un feu d'artifice, une belle explosion colorée qu'on peut admirer de loin mais qui finit par nous brûler les yeux et qui détourne notre attention de tous les problèmes qu'il y a en-dessous.
Joli concept méta, Chris. Je valide, je me suis fait prendre au piège. J'ai été tenté, j'ai même adhéré à la saison à ses débuts. Manque de bol, le torticolis est vite arrivé, j'ai fini par voir la réalité en face et oublier le faux-spectacle d'en haut.
J'en viens à me dire qu'il s'agit peut-être de l'épisode que j'aime le moins de toute la série. Oui, vraiment. Voilà comment commence l'année 2019 pour Doctor Who. C'est... triste.
J'ai aimé :
- Le joli design du Dalek
Je n'ai pas aimé :
- Tout le reste : les incohérences du scénario, le rythme absent, l'absence d'idées ou de concepts malins pour qu'on puisse passer outre ces incohérences, la dynamique des compagnons toujours pétée, le soap avec Ryan insupportable, le manque de respect envers les Daleks et UNIT qui est probablement involontaire, l'absence de créativité, Jodie Whittaker qui n'a toujours rien à faire, le fait que l'épisode semble condenser tous les défauts du scénariste et donc de la série à l'heure actuelle, le fait que cet épisode conclut une saison déjà fragile sur une note extrêmement basse...
Ma note : pas plus de 7/20