A la fin de l’intro, je n’étais pas loin de me dire qu’on avait là l’un des épisodes dont les fans se souviendraient encore longtemps après, un peu comme Blink ou The Girl in the Fireplace. Il y avait vraiment tout pour le rendre mythique : un monde totalement délirant, un budget apparemment conséquent, des idées super comme la loupe qui voit à travers le temps ou encore la quarantaine. A vrai dire, l’illusion a été maintenue à peu près jusqu’à la moitié de l’épisode. A partir de là c’était toujours agréable à voir mais je sentais que quelque chose sonnait faux.
Gros M
Une légère impression de déjà-vu peut être ? Ces robots, et leurs phrases gimmicks, ça ne vous rappelle rien ? Ce scénario, prétexte au développement de la relation Rory/Amy ? Cette histoire, d’apparence complexe mais qui survole un peu trop son sujet ? Chez moi en tout cas ça a fait tilt, et ça m’a empêché de profiter pleinement de l’épisode : m’est avis que notre ami Tom Macrae a largement tenté de recopier le style de big M.
Il a pris de bonnes idées qui trainaient dans un coin de son esprit, s’est demandé comment les intégrer le mieux possible dans un épisode de Doctor Who, a ajouté un brin de voyages temporels et de drames amoureux pour faire bien... Sauf que voilà. N’est pas Moffat qui veut. Et là où le showrunner réussit à créer des scénarios ingénieux où chaque personnage est utilisé avec parcimonie, Tom Macrae, lui, échoue un peu. He tries too hard comme on dit. Les procédés semblent beaucoup trop évidents à mesure qu’on avance et empêchent le spectateur de s’impliquer pleinement.
Depuis le début de la saison 5, l’univers semble s’assembler de sorte à ce que Rory et Amy puissent se prouver l’amour profond qu’ils ont l’un pour l’autre à chaque épisode. Attention, ce couple est très loin de m’insupporter, il est même très attachant. Sauf qu’à force de tirer sur la corde, elle finit par lâcher. Et là, je sens déjà les petits bouts de ficelles céder sous le poids lourd et hargneux de la redondance. Je pense qu’à force tout le monde sait que ce couple est inséparable, indénouable, indéliable, qu’il n’y a jamais eu autant d’amour dans l’univers qu’entre ces deux-là. Il n'est plus nécessaire de nous le rappeller, et cela depuis bien longtemps.
J’en ai marre que Doctor Who ne tourne uniquement qu’autour de ses personnages principaux. Petit à petit le champ de la vision de la série se rétrécit pour ne montrer que le strict nécessaire. Avant, on avait l’impression d’un monde grouillant, d’un univers qui marchait tout seul et dans lequel évoluait le Docteur. Désormais, c’est le Docteur qui semble avoir le pas sur l’univers, et c’est l’univers qui s’adapte en fonction de ses actions.
C’est l’une des sales manies de Moffat, que reprend ici Tom Macrae : il n’y absolument aucune description du monde extérieur, pas de vie en dehors du scénario, tout est centré, barricadé sur le trio. Et aussi intéressants les personnages principaux puissent être, il y a forcément un moment où le sujet est épuisé et il faut se tourner ailleurs pour avoir quelque chose de nouveau à raconter.
Aureylien va s'en donner à coeur joie
La planète sur laquelle ils échouent et l’épidémie qu’elle subit ne sont donc que trop peu développées, au profit des relations qui prennent encore une fois une place prépondérante. Les idées qui me plaisaient alors en début d’épisode et qui promettaient quelque chose d’extraordinaire passent en second plan et sont relégués au rang de simples idées, juste bonnes à amuser un moment, tandis que les sentiments fusent dans tous les sens sans parvenir à montrer quelque chose de nouveau. Pourtant il y avait tant à faire... Il suffisait de creuser, d’établir un backround et d’insuffler un peu de vie à l’ensemble. Or Moffat et ses scénaristes ne semblent plus disposés à faire ce travail indispensable depuis le début de la saison 6, privilégiant les personnages avant tout. Moi qui croyais ne jamais me lasser des drames temporels intimistes dans Doctor Who, je crois que je suis en train de saturer.
Alors est-ce que c’est l’une des directives de Moffat ? Est-ce que tous les showrunner se doivent de faire le même genre d’épisodes que lui pour rendre la saison homogène ?
Si c’est le cas c’est vraiment une très mauvaise décision, parce qu’en plus de faire une saison totalement confinée, on manque cruellement de diversité dans les intrigues.
Dark Doctor
Bon, comme d’habitude, lorsque certains défauts me sautent à la figure, j’ai tendance à les développer inconsidérément, en dépit des qualités - bien présentes cette semaine. Car comme je l’ai dit, les idées ont suffi à m’enchanter : de voir une série aussi inventive que Doctor Who toutes les semaines, c’est un vrai plaisir dont je ne me lasse pas. C’est parfois assez moyen, mais j’ai à chaque fois l’impression de sentir tout le régal qu’ont eu les scénaristes à écrire, particulièrement dans cet épisode.
De voir Old Amy et Young Amy côte à côte c’était vraiment sympa, de même que tous les paradoxes et autres entourloupes temporelles qui vont avec (de toute façon, si vous voulez faire une histoire qui me plait, il vous suffit de la baser sur le voyage dans le temps et vous me comblez à coup sûr). Tout ce complexe, abandonné de toute vie mais rempli à la fois de milliers de personnes, ce jardin gigantesque, l’IA qui continue sa tâche inlassablement, les pièces absurdes… Des classiques de science-fiction, mais qui font toujours leur petit effet, et qui ont contribué à me faire jubiler pendant toute la durée de l’épisode.
Surtout que la réalisation s’améliore encore et toujours. Ici, on a vraiment l’impression d’un conte imagé tant la photo est belle et les effets spéciaux réussis. Le maquillage d’old Amy est aussi particulièrement bien fait. Visuellement, on se délecte vraiment de chaque scène, je crois d’ailleurs que la réalisation n’a jamais atteint un tel niveau.
Bon je suis paradoxal. D'accord, j'ai aussi en partie aimé que l’on se concentre sur le trio. Non pas pour la relation Amy / Rory qui est sans cesse remise sur le tapis à toute les sauces (oui je l’ai placée), mais pour les tendances qui s’affichent chez certains personnages et qui témoignent d’une évolution intéressante. Notamment chez Amy. Amy a toujours été « The Girl who waited », et on commence à ressentir chez elle une certaine lassitude quant à sa position par rapport au docteur. Old Amy permet de faire ressortir efficacement cet aspect du personnage, un peu plus sombre et moins unilatéral. Je ne sais pas encore si l’actrice va faire une saison supplémentaire, mais si c’est le cas, ça me semble être une étape nécessaire pour ne pas lasser le spectateur.
Mais là où l’on dénote une évolution encore plus intéressante, c’est au niveau du Docteur qui ne cesse de s’assombrir à mesure que l'hisoire avance. Insensible face aux accusations de Old Amy, n’hésitant pas à l’abandonner et à mettre un terme à son existence, il apparait de plus en plus guerrier dans sa façon de faire. Les scrupules ne se lisent plus comme avant sur son visage, il paraît s’accoutumer à une routine brutale où les remords n’auraient plus leur place. Cela pourrait-t-il être synonyme d’une scission à la fin de la saison, le Docteur d’une part, Amy et Rory d’autre part ? En tout cas il y a vraiment un gros potentiel là dedans.
Bref, j'ai voyagé dans le temps
Comme je le dis en début de critique, l’épisode en lui-même m’a beaucoup plu, et s’il avait été placé dans une saison RTDienne, il aurait sans doute écopé d’un 15-16. Le problème c’est qu’il est en plein milieu d’une saison totalement basée sur le voyage temporel et sur le couple Amy/Rory, et qu’il confirme une tendance assez désagréable dans la direction du show. Un bon épisode donc, mais maladroitement écrit et redondant au possible.
J'ai aimé :
- La réalisation
- Les idées
- L'évolution des personnages
J'ai moins aimé :
- Les redites dans la relation Rory/Amy
- Trop Moffatien dans le style, trop grossier dans le procédé
- L'isolation du trio
- Le manque de backround
13/20