Je sais que je vais avoir l’air de me répéter de critique en critique. J’en suis désolé, ce n’est pas moi qu’il faut blâmer, c’est Moffat. En continuant sans arrêt à faire les mêmes erreurs il me force à faire des redites inévitables. Et cet épisode est très loin de déroger à la règle, bien au contraire : s’il devait y avoir un épisode représentatif des défauts moffatiens, ce serait très certainement celui-ci.
Alors, comme vous aimez tous les listes, je vous en ai concocté une toute fraiche, résumant en quelques mots les mauvais travers dans lesquels Moffat a tendance à tomber.
La Liste
- De bonnes idées, mais trop peu exploitées ? Check !
Oui, ça c’est sûr que pour avoir de bonnes idées, Big M il en a. Il en a même tellement qu’il les vomit par dizaines dans chacun de ses épisodes sans prendre la peine d’en exploiter une seule. Pourtant qu’est-ce que j’aurais aimé qu’il développe ce qu'il a construit lors de ce final… Cet univers où toute l’histoire se passe en même temps, c’est brillant. Il y avait vraiment de quoi faire quelque chose d’extraordinaire avec un tel postulat.
Il suffisait encore une fois d’instaurer un background, de s’attarder sur les petits détails, et bien sûr de prendre le temps pour poser les choses – c’est-à-dire deux épisodes, et le tour était joué ! Mais non, que nenni messieurs, veuillez s’il vous plaît garder les yeux braqués sur l’intrigue, on n’est pas là pour admirer le paysage, seul le splendifique trio principal nous intéresse. Quel gâchis...
Cela m’amène à vrai dire à mon second point.
- L’agoraphobie ? Check !
Je suis désolé, je n’ai pas trouvé de meilleur terme pour exprimer cette volonté du showrunner de ne se concentrer que sur QUATRE personnages uniquement, en oubliant absolument tout le reste. C’est lamentablement flagrant dans ce final : le sort de l’univers ne repose une fois de plus que sur les personnages principaux, plus particulièrement le Docteur et River, les gens lambda étant totalement éclipsés. Comment Moffat veut-il alors nous faire comprendre les enjeux qui reposent sur les épaules du Docteur ? Comment veut-il nous faire réaliser la gravité de la situation sans prendre en compte ce facteur primordiale ?
R.T.D avait la mauvaise manie de mettre l’univers en jeu à chaque season finale, mais lui au moins savait comment créer une tension et parvenait à nous faire ressentir toute l’ampleur de ce qui arrivait en s’écartant du Docteur et en décrivant le monde extérieur. Ici l’univers est réduit à une bulle comprenant uniquement Amy, Rory, River et le Docteur, sans absolument aucune bouffée d’air.
- L’hyperactivité ? Check !
Je crois que c’est là que cet épisode pêche le plus… Le rythme est d’une bizarrerie sans nom. Moffat semble ne plus supporter les pauses et enchaîne les scènes à vitesse grand V, sans laisser le temps au spectateur de souffler. Cela fait quand même 5 épisodes qu’il nous fait le coup, et là je dois avouer que je commence à saturer. Je comprends sa volonté de ne pas vouloir lasser, mais il y a un moment où on en ressort épuisé.
Un spectateur a besoin de halte, de temps mort. Cela m’étonne que Big M, scénariste de profession depuis un certain temps déjà, semble avoir tiré un trait sur la notion d’ascenseur rythmique et se contente à la place d’enchaîner les cliff. Car, quoi qu’on en dise, le rythme est l’un des facteurs majeur d’immersion dans une série : si celui-ci est mal géré, c’est tout l’épisode qui en pâtit.
- L’imprécision et le flou des réponses ? Check !
C’est peut-être un défaut découlant directement du rythme, je ne sais pas. Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’il manque clairement de temps mort pour que l’on puisse assimiler tous les éléments que nous balance Moffat. Du coup on passe la moitié de l’épisode à froncer les sourcils pour essayer de donner une cohérence à l’ensemble, alors que c’est au départ le job du scénariste.
Cette technique, d’impressionner le spectateur par une avalanche d’éléments sans lui donner le temps de respirer, est une technique qui, en soit, ne me dérange pas, tant qu’elle n’est pas exécutée lors de tous les épisodes fil rouge. Ce final était certainement celui qui avait le plus besoin de clarté dans ses explications, et pourtant Big M s’emploie comme dans les autres épisodes à dispanser ses réponses à l’arrache, aux bons soins du spectateur (qui n'a pas toujours l'envie d'aller sur internet pour démêler tout ça).
Tous ces éléments font que l’épisode se rapprocherait presque d’un clip : les images s’enchaînent, les annonces de situations s’enchaînent, mais on reste toujours dans l’attente de quelque chose d’énorme sans jamais vraiment rentrer dans le vif du sujet. Cela donne une impression de survol très agaçante, qui m’a personnellement souvent empêché de rentrer dans l’épisode. Je reste par conséquent sur l’avis que j’avais en commençant ce final : un double épisode aurait été largement préférable.
Pour moi c'est certain, on a affaire au plus mauvais final de Doctor Who depuis sa reprise en 2005, voire au plus mauvais scénari de Moffat tout court. Cela signifie-t-il pour autant que l’épisode est mauvais ? Certainement pas. Si, par rapport aux attentes qu’il suscitait, il est en effet décevant, il n’en reste pas moins très divertissant.
Ce qui suit n'est pas une Liste
Ça reste frais, pas prise de tête, léger, extrêmement distrayant et barré. Quoiqu’on en dise, ça reste du bon Docteur Who, qui sait faire appel à notre âme d’enfant et qui use de tous les artifices du conte avec talent. On peut voir rejaillir toutes les économies de budget faites au cours de la saison : les effets spéciaux ont atteint une qualité exemplaire, notamment au niveau des décors qui retranscrivent parfaitement cet univers où toute l’Histoire arrive au même moment ; la BO, qui n’avait pas évolué d’un iota depuis le season premiere, se voit dotée de nouveaux morceaux qui rythment l’épisode avec efficacité.
Bref, on ne peut pas le nier : il y a un effort certain fait au niveau de la forme. Quant à l’histoire et aux idées, elles sont certes sous exploitées, mais elles n’en restent pas moins là, et permettent de passer un très bon moment. De bondir de lieux en lieux et de personnages en personnages était une très bonne trouvaille qui fournit un dépaysement nécessaire.
J’en entends déjà certains râler à propos de la résolution de certains mystères lancés en cours de saison. C’est vrai que les solutions proposées par Moffat sont au final assez simples, et on pourrait se demander s’il fallait réellement faire autant de foin et brasser autant de vent durant toute une saison pour en arriver à quelque chose d’aussi facile. Selon moi, cet aspect-là de l’épisode est loin d’être décevant, bien au contraire.
Je suis content que Big M n’ait pas choisi de s’embarquer dans une avalanche incontrôlable de mystère à la Lost, et qu’il ait décidé de se cantonner à un scénario dont il pouvait contrôler les limites. Il était clair que le Docteur ne pouvait pas mourir, et je suis prêt à parier que pas l’un d’entre vous n’avait envisagé une solution aussi simple et évidente pour le sortir du pétrin.
En cela, on a le droit à une vraie conclusion qui parvient, malgré tous les défauts suscités, à donner à l’épisode des allures d'épiloque, de final. Si les possibilités sont nombreuses pour la suite, énormément de choses ont été réglées lors de ces 45 minutes.
C’est cette maitrise du fil rouge qui fait qu’il est impossible pour moi de perdre totalement foi en Moffat. Le salaud me retient encore et ne veut pas me lâcher, malgré tous les coups que je lui assène.
Si vous voulez une Liste, il faut aller voir plus haut
J’avais dit il y a un moment que j’essaierai de faire un graphique complet de la relation River-Docteur à travers le temps pour le final. Je vous jure que j’avais vraiment l’intention de tenir ma promesse. Je m’y suis mis avec plein de bonne volonté. Je me suis fait un sandwich, j’ai ouvert Paint tout content, j’ai tracé un trait. J’ai réfléchi cinq minutes. Dix minutes.
Puis j’ai fermé Paint.
Non décidément c’était beaucoup trop le bordel.
Je suis sûr que même Moffat ne sait pas comment il trimballe ses personnages dans le temps. Je suis sûr également qu’il y a un millier de paradoxes et de contradictions qui se sont créées au fil des épisodes, et je trouve ça dommageable. Parce que la relation Docteur-River quand leur time-line était inversée et qu’elle conservait une logique simple, c’était vraiment l'extase. Maintenant c’est un peu moins puissant.
Ça me plaît toujours, mais on reste dans quelque chose de plus conventionnel. Et pour dépasser les limites du conventionnel, je pense qu’il faudrait installer une relation durable (et intime) entre le Docteur et River lors de la saison 7 qui emmènerait quelque chose de véritablement inédit dans la série.Je crois que c’est pour ça que j’ai aimé le mariage. Il tombe un peu comme un cheveu sur la soupe mais permet d’amener une nouvelle dynamique, qui, je l’espère, est annonciatrice de changement.
J’imagine qu’il n’est pas nécessaire de répéter à quel point Moffat arrive à faire vivre son quatuor avec talent. Les répliques fusent, parfois drôles, parfois touchantes, et on sent toujours cette alchimie, si particulière au Who de Big M. Faire de Rory et d’Amy deux inconnus donne lieu à des situations assez drôles, et permet de ne pas trop sombrer dans le sentimentalisme, comme ce fut le cas dans The Girl Who Waited.
Non, le vrai changement a lieu chez le Docteur. Apparemment, il aurait dépassé son heure la plus sombre (personnellement je ne l’ai pas trop vue passer, mais bon) et se dirige, en se faisant passer pour mort aux yeux de tout le monde, vers plus d’humilité et de discrétion. Ce final serait donc annonciateur d’un retour aux sources, avec un Docteur moins violent, moins égocentrique et certainement plus solitaire.
Je ne sais pas encore si cette orientation va me plaire ; pour être fixé il faudra que j’attende la saison 7. En tous les cas, la Grande Question relance un mystère que j’avais pratiquement oublié, mais qui s’avère en fait être le principal, et le plus intriguant de la série.
« Doctor Who ? »
C’est vrai ça, hein. Docteur qui ?
Wouuuhouuhouuu,
toudoudoudoum, toudoudoudoum ♪
Un épisode décevant pour un final et représentatif des défauts du showrunner, mais qui reste toujours très divertissant et qui offre une vraie fin à toute la saison 6 tout en ouvrant clairement vers une saison 7. On peut se demander si tout cela était nécessaire pour en arriver là, et douter des artifices que Moffat a utilisé pour nous faire croire à quelque chose d’exceptionnel, mais le fait est que je n’ai dans l’ensemble pas été déçu du voyage, et que celui-ci est doté d’une véritable conclusion.
J'ai aimé :
- La bulle temporelle où toute l'Histoire se passe en même temps
- La simplicité des réponses aux mystères
- Les interactions entre les personnages
- Les effets spéciaux
Je n'ai pas aimé :
- Le manque d'exploitation des idées
- Le manque de consistance de l'univers
- Le centrique sur le quatuor principal
- Le rythme, beaucoup trop rapide
- Les réponses données à la va-vite
14/20
Ps : et au cas où vous vous posiez la question, non, je n'avais aucune inspiration pour les titres.