Cette semaine, au terme du coup de massue final, on ne peut que se rendre à l'évidence : ça y est, après deux très bons épisodes d'introduction et un troisième épisode qui n'apportait pas grand chose au schmilblick (si ce n'est un petit coup de main...), la saison est désormais vraiment lancée. Et ça fait du bien. Retour sur un épisode qui démontre encore une fois, s'il en était besoin, la capacité du show à nous faire vibrer quasiment sur commande.
The Bear and the Maiden Fair
Ma première satisfaction concernant l'épisode réside dans sa structure même : si la semaine dernière, nous avions eu droit à une offrande hachée, enchaînant moult petites scénettes pas forcément toujours pertinentes, force est de constater que cette semaine, le montage fait preuve d'un peu plus d'astuce. Ainsi, les fans absolus de Jon, Robb, Cat ou Stannis devront patienter jusqu'à la semaine prochaine pour revoir leurs idoles, tandis que les autres savoureront cet épisode qui laisse plus de place aux autres personnages, au travers de scènes qui révèlent toutes un certain intérêt : allez, pour pinailler, on pourra juste préciser que la scène de Bran, aussi belle soit-elle, semble un peu inutile, et rappeler qu'on subit encore le délire sur le gros chibre de Podrick (un des fils rouges de la saison, j'ai l'impression).
Une des intrigues qui bénéficie le plus de ce traitement est bien entendu celle de Jaime et Brienne : difficile, en effet, de les laisser de côté après le cliff monumental de la semaine dernière ! Et au travers de deux scènes, c'est tout le personnage de Jaime qui est remis à plat, tel un chantier quasiment vierge ouvert à une nouvelle construction : l'homme n'est plus que l'ombre de lui-même, a perdu sa raison d'être et même, plus largement, la chose qui le définissait véritablement en tant qu'homme. C'est en effet de sa main d'épée que dépendait sa gloire, cette main même qui a fait de lui un membre de la Garde Royale, qui a assassiné le Roi Fou, qui lui a permis de survivre et de s'affirmer, et qui servait même certainement à entamer à l'occasion les petites soirées familiales avec sa soeur. Aujourd'hui, cette main pend inerte au bout d'un fil, morte et inutile, tel un symbole de honte sur le poitrail d'un homme qui aurait pu un jour, s'il l'avait souhaité, porter le prestigieux insigne de main du Roi.
On peut dire que cette fois-ci, Jaime a vraiment la main... au collet ! YEEEEEEAAAAAH !
Et cet événement tend également à faire basculer la relation entre le Lannister et son escorte : face à cet homme qui subit humiliation après humiliation et s'enfonce de plus en plus dans le désespoir, Brienne apparaît comme un symbole de force et d'honneur, voire comme la seule personne capable de ramener Jaime vers le haut. La scène où elle tente de le galvaniser par la vengeance prend ainsi la forme d'un subtil glissement de valeurs, la grande ganache allant même jusqu'à le traiter de « bloody woman » (ça a du plaire à Altair, ça !). Dans les heures sombres, le duo commence à se souder, laissant voir plus que jamais la formidable alchimie qui existe entre les deux personnages, et même entre leurs deux interprètes.
Les mystères de King's Landing
Du côté de King's Landing, c'est plutôt bien construit également : les scènes se suivent et se répondent, chacune pouvant être vue sous un jour plus ambivalent une fois mise en relation avec les précédentes. La série nous montre encore une fois son goût pour les faux-semblants et les séquences aux sens multiples, lesquels se dévoilent aux yeux du spectateur par quelques indices subtils, qu'il s'agisse de répliques cinglantes et bien senties (la Reine des Epines excelle vraiment dans ce domaine !) ou bien de scénographie pure : à ce titre, si la scène du Conseil m'avait paru bien lourdingue la semaine dernière, j'ai au contraire trouvé la séquence dans le Grand Septuaire de Baelon bien plus juste de ce point de vue là, la position des personnages et leur progression dans l'espace étant intégrée de manière plus fine et résumant pourtant parfaitement les évolutions et les enjeux de leurs relations (Cersei entourée par les Tyrell, faisant face impuissante au dos de son fils qui n'a même pas pour elle un regard, aveuglé par une gloire miroitante).
J'ai prié pour qu'un sniper nous refasse le coup de Dallas, 1963.
Le jeu des trônes continue donc plus que jamais à King's Landing, impliquant une palette de personnages qui s'ancrent dans une variation de statuts (du pion au joueur) appelée à évoluer dans notre perception d'épisode en épisode : à ce titre, l'épisode nous confirme clairement que les Tyrell jouent un jeu plus ambigu qu'il n'y paraît et ont assurément un rôle plus ou moins direct à occuper dans les plans des principaux acteurs en place à Port-Réal (les Lannister, Varys et Littlefinger).
Outre cette simple perspective du jeu des trônes, les scènes de King's Landing nous offrent en prime quelques séquences de confession assez bienvenues : ainsi, le dialogue entre Cersei et Tywin, en plus d'expliciter la position de ces personnages vis-à-vis de Joffrey, brosse le portrait d'une femme à la fois ambitieuse et soumise à son père et continue de dépeindre des relations familiales pour le moins ambivalentes dans la maison Lannister. La confession de Varys, quant à elle, si elle est amenée bien maladroitement, n'en confère pas moins un peu plus d'épaisseur à l'un des personnages les plus mystérieux de la série, le tout sur un ton qui lui est propre, articulé autour d'une constante dialectique entre le sérieux et l'ironie. Et à ces scènes répondra un peu plus tard, dans un contexte radicalement différent, une autre confession, celle de Théon (z'avez vu cet art de la transition ?) : là encore, le monologue sort de nulle part, mais on ne peut malgré tout que prendre pitié du jeune Fer-Né, qui n'est assurément pas un mauvais bougre (contrairement au bâtard de Bolton, qui dévoile enfin son vrai visage) et qui, rongé par le regret, nous tape une petite crise d'identité devant son bourreau qui n'en a assurément rien à foutre.
Dracarys !
Bon, tout ça c'est bien joli, mais il faut désormais s'attaquer au vrai point fort de cet épisode, à savoir son dernier tiers en trois actes plus marquants les uns que les autres. Le Nord obtient enfin son premier vrai morceau de bravoure de la saison avec la mutinerie des corbeaux : la scène est fort bien écrite, nous faisant bien sentir le glissement irrémédiable vers une situation d'extrême-violence, avec ces parricides et fratricides symboliques qui déchirent la Garde de Nuit de l'intérieur. La scène d'Arya, si elle peut paraître moins frappante au premier abord, n'est pourtant pas en reste : l'introduction du personnage de Béric Dondarrion nous permet de découvrir un personnage qui pue déjà la classe, et qui baigne qui plus est dans une mythologie déjà fascinante.
« The bitch has her army », dixit la Torche Humaine
Mais ne nous voilons pas la face, LA scène de l'épisode est à chercher du côté de Daenerys : la prestance qu'a prise cette dernière au fil des saisons est juste incroyable, et cette fierté impitoyable qui la caractérise désormais nous montre bien qu'elle a l'étoffe d'une vraie Targaryen. Impossible de ne pas être pris de frissons devant ses talents de tribun (Emilia Clarke est transfigurée, bordel), devant ce déferlement de violence expiatoire, devant la puissance draconique enfin à l'oeuvre, devant ce défilé de soldats entièrement voués à sa cause. Au terme de cet épisode, Daenerys est clairement en position de force, et nous ne pouvons en tant que spectateur que s'allier à sa cause, tant sa stature nous impressionne : mais le jeu des trônes peut basculer à tout moment, et nul n'est à l'abri d'une surprise... Quels rebondissements nous réserveront les prochains épisodes ?
J'ai aimé
- Daenerys !!!
- Une structure d'épisode un peu plus travaillée
- L'évolution du tandem Jaime/Brienne
- Le jeu des trônes plus actif que jamais à King's Landing
- La disparition du Vieil Ours et l'introduction de Béric
J'ai moins aimé
- Des scènes de confession réussies, mais assez mal amenées
- Oui oui, c'est bien Podrick, tu as une belle quéquette... Tu veux un bonbon ?
Note : 16/20
And Now His Watch is Ended est donc l'épisode qui lance vraiment cette troisième saison : quasiment tout y est passionnant, et certains grands évènements du troisième tome de la saga commencent à s'y faire jour de la plus belle des manières. Et quand on sait que le meilleur est encore à venir, il y a de quoi avoir le vertige.