Les season finales de Game of thrones représentent une triple gageure pour les showrunners de la série : déjà, il faut conclure toutes les storylines dans un même épisode, et dieu sait qu’elles sont nombreuses. Le choix intelligent qui a été fait cette saison de limiter le nombre d'arcs traitées par épisode est impossible ici puisqu’il s’agit de tous les conclure… et l’épisode est donc condamné à être morcelé.
L’autre problème, c’est le rythme. Le season finale, c’est le calme après la tempête rituelle de l’épisode 9, et on est forcément un peu déçu que l’excitation soulevée à l’épisode précédent ne perdure pas plus longtemps.
Et puis, cette saison ne correspond qu’à un demi-livre, contrairement aux deux premières qui correspondaient à un roman entier chacune. Et fatalement, qui dit demi-livre dit demi-histoire... et il y a comme un goût d’inachevé.
Bref, tout comme les épisodes 1.10 et 2.10, cet épisode 3.10 est un peu décevant car décousu et morcelé, et peine à former un tout cohérent. C’est l’éternel problème de la série, et c’est particulièrement flagrant sur cet épisode.
Mais si on y regarde de plus près, cependant, il s’y passe tout de même plein de choses tout à fait passionnantes. Et globalement, j'ai vraiment bien aimé cet épisode.
*snif* (source : clic)
Les Starks au fond du trou
L’épisode s’ouvre fort logiquement là où s'achevait le précédant, aux Jumeaux, et conclut de façon magistrale les tragiques noces pourpres. C’est encore une fois Arya qui est le témoin anonyme de la tragédie sanglante qui vient de s’abattre sur sa famille. Et comme elle, nous contemplons horrifiés la dépouille décapitée de son frère affublée de la tête de Vent Gris en une parodie macabre de roi du nord. L’image était terrible et fascinante dans le livre, elle l’est encore plus quand elle a lieu devant nos yeux…
Les parents Starks sont morts, les enfants désormais orphelins sont dispersés. Arya tue son premier homme de sang-froid dans cet épisode, et il est probable que la compagnie du Limier ne va pas aider à adoucir son caractère. Sansa est toujours prisonnière, mariée malgré elle à la famille qui a assassinée les siens. Bran est parti pour une quête mystique au nord du mur, bien loin de Winterfell, Jon est à moitié mort et a une armée de sauvageons et de morts-vivants aux fesses. Quant à Rickon, dont tout le monde se fout mais qui doit quand même bien être là pour une raison, il n’a plus qu’Osha à ses côtés.
Et Winterfell est désormais aux mains des traitres Bolton…
J’espère qu’ils ont touché le fond, parce que là ils sont vraiment tombés très, très bas, nos amis Starks. Allez hop, une impulsion et on remonte, allez, George s’il-te-plait !
Mais il y a tout de même quelques notres d’espoir concernant l’avenir des Starks, quand Tyrion semble prophétiser que le Nord ne pardonnera jamais. Quand Bran raconte au Reed des histoires sordides, qu’on peut interpéter comme un bien mauvais augure pour les Frey (ce serait bon !!!). Ou quand on apprend que l'oncle de Catelyn est en fuite. Je sais, je me contente de peu, mais que voulez-vous, l'espoir fait vivre !
Je dédicace cette image à CaptainFreeFrag !
Les Lannister divisés
Triste état des lieux donc pour la famille Stark en cette fin de saison 3. Nous avions appris à les aimer depuis la première saison, et dans toute série autre que Game of Thrones, ils auraient triomphé de l’adversité grâce à leur droiture et à leur sens de l’honneur… Mais l’univers de Georges R. R. Martin est impitoyable, pire que Dallas, et c'est pas peu dire ! Si les gentils triomphaient dans Game of Thrones, ça se saurait.
Mais finalement, est-ce que les Lannisters sont plus à la fête que les Stark ? Les Noces Pourpres représentent un coup de maître d’un point de vue stratégique, au moins à court terme. Ils ont mis leurs ennemis échec et mat à peu de frais, et ils sont désormais les maîtres de Westeros. Cet épisode aurait dû consacrer leur triomphe…
Mais il n’en est rien.
En quelques scènes brillantes, ce dernier épisode montre toutes les blessures profondes et les démons qui hantent cette famille névrosée : le pragmatisme politique de Tywin semble plus que jamais inhumain et intolérable pour sa famille. Il avoue à Tyrion qu’il l’aurait noyé à la naissance sans son sens du devoir familial, ce qui est toujours une chose sympathique à entendre de la bouche de son paternel. Sans compter que les noces pourpres cassent un peu l'ambiance et la connivence qui semblait naitre avec sa jeune épouse. Et Cersei est brisée depuis longtemps par son mariage désastreux avec Robert, et semble prête à tout pour que son mariage avec Loras Tyrell échoue. Joffrey est toujours aussi minable et infect, mais quand Tyrion lui profère des menaces de mort sous le coup de la colère, un pas semble franchi. Quant à Jaime, lui qui était jadis si semblable à sa sœur jumelle, beau propre et arogant, sa captivité l’a complètement transformé et il ne semble plus avoir sa place au donjon rouge - le contraste est saisissant, la scène de ses retrouvailles avec sa soeur magnifique. Mais la série nous laisse en suspens : comment Cersei va-t-elle réagir ?
Et les outsiders ?
Clairement, les trames Stark et Lannister sont pour moi la plus grande réussite de cet épisode. Le reste est un parfois un peu plus bancal…
Déjà, je ne sais trop quoi penser de la scène de la saucisse. Il faut savoir que dans le livre l’émasculation de Théon était suggérée finement, au point qu’il fallait faire un minutieux travail de détective pour deviner qu'elle avait eu lieu. Là, le moins qu’on puisse dire c’est que les scénaristes n’ont pas choisi de faire dans la finesse – et il faudrait d’ailleurs qu’ils apprennent qu’émasculer n’est pas castrer, et que Théon n’est pas devenu eunuque et peut techniquement encore procréer, contrairement à ce qui est suggéré dans l’épisode (Bon, OK, en pratique ça doit pas être évident). Mais d’un autre côté, ça rend bien la folie profondément sadique de Ramsay Snow, le fils de Bolton, d’ailleurs Iwan Rheon n’a pas son pareil pour mettre le spectateur franchement (très) mal à l’aise. Reste que la naissance de « Reek » est une étape importante dans le livre, et là j’ai trouvé que la scène tombait à plat – comme la totalité des scènes de Théon cette saison, d’ailleurs. Dommage. Espérons que tout cela prendra plus de relief dans la prochaine saison, il y a matière.
Je dédicace cette image à Taboy...
Yara Greyjoy qui décide d’aller délivrer son damoiseau de frère en détresse, certes ça flatte mon fond féministe, mais en même temps le fait qu’elle désobéisse du coup à son père tyrannique sans que ça lui en touche une sans faire bouger l’autre, bah je sais pas… je ne trouve pas ça super cohérent. Et ça tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, même si c’est prometteur pour la saison suivante.
Mélisandre qui dit à Stannis que « oh ben en fait R’hllor il est bien cool, je viens de revérifier dans le feu, et tout ce que je vous avais raconté avant c’était des conneries, haha, en fait c’était pas moi qu’il fallait écouter, mais Davos », mfff c’est un peu gros. Dommage parce que pour le reste, j’ai bien aimé l’arc de Stannis et de son entourage cette saison – un soulagement après le désastre de la saison 2. Toujours est-il que Stannis qui va à la rescousse de la garde de nuit, c’est un petit peu excitant pour la suite, quand même, non ?
Et enfin, Daenerys, le seul (!) personnage de la série qui n’accumule pas les échecs et les névroses. Cette saison, c’était un peu SA saison : c’est qu'elle sacrément montée en puissance, notre petite princesse, et son côté messianique est de plus en plus prononcé, la scène de son triomphe faisait d’ailleurs très « Nausicaä de la vallée du vent » ! ça fait du bien un personnage a qui le destin semble sourire un peu, j'avoue, parce que bon, j’adore GoT, mais c’est quand même un rien déprimant parfois !
Bref, pour répondre à la question du chapeau : même post coitum, je ne suis pas triste. Malgré ses défauts de structure, j’ai vraiment bien aimé cet épisode - et cette saison. Mais bon, je ne suis qu’une femme, donc d’après le célèbre médecin gréco-romain qu’était Galien, c’était attendu…*
J'ai aimé :
- Toutes les scènes avec des morceaux de Stark ou de Lannister dedans
J'ai moins aimé :
- La saucisse indigeste
- Le sentiment d'inachevé à la fin de la saison
- Le fait que RAAAAAAAAAAAAH putain diantre encore 1 an à attendre !!!!!!
Ma note : 14/20.
*Je viens en effet d’apprendre grâce à mon ami google que la citation complète de Galien dit très exactement Omne animal triste post coitum, prater gallum mulieremque (à vos souhaits), soit dans un langage moins barbare : « après l’amour, tous les êtres vivants sont tristes, à l’exception du coq et de la femme » ( !).
Je m’interroge encore sur ce qu’il entendait pas là.
(Et sur sa vie sexuelle, accessoirement).