A la recherche du temps passé
Manolis est le père d'Hector et a donc assisté au procès de la gifle, se faisant le défenseur de la famille malgré la souffrance qu''il a ressenti en voyant Rosie lentement réduite à néant. Au contraire, son épouse Koula prend fait et cause pour la famille, faisant preuve d'un refus total de considérer l'autre point de vue sur l'affaire. Petit à petit, Manolis sent sa colère grandir contre cette épouse qu'il commence lentement à détester, songeant à remettre en cause leur vie en commun.
Résumé de la critique
Un épisode superbe que l'on peut détailler ainsi :
- la famille, la relation père - fils et sa complexité
- l'histoire d'un homme qui cherche un fantôme
- l'histoire d'un immigré perdu dans un monde qui ne lui ressemble plus
- un récit qui revient lentement à son point de départ
Famille et bataille d'influence
En patriarche de la famille, Manolis se retrouve au centre de cette bataille qui va passer du procès entre Harry et Rosie pour se déplacer entre Hector et Aisha. Poursuivant son approche humaniste du récit, les auteurs vont nous raconter l'histoire de cet homme enfermé dans une routine et une soumission à son épouse qui va se réveiller sous l'effet de cette gifle. Si sa femme Koula est totalement derrière Harry et dans la défense de la famille, lui possède un point de vue différent sur ces évènements, à tel point que les grands discours de celle-ci l'exaspèrent peu à peu.
En fait, il apparaît assez vite que cette gifle sert surtout à placer Aïsha en difficulté, Koula montrant un mépris à peine masqué à son égard. Son refus du voyage en Grèce, sa modernité ne plait pas à la femme de Manoulis qui cherche indirectement à pousser Hector vers le divorce, trouvant dans cette histoire de gifle un argument en or. L'histoire de Rosie n'était en fait que l'expression du conflit entre l'univers traditionaliste d'une famille grecque contre la vision moderne de la famille en Australie. Les scènes avec Elisaveth sont très intéressantes de ce point de vue, marquant petit à petit la séparation de point de vue entre Manoulis et sa femme.
Hector devient alors le centre d'intérêt du vieil homme, surtout que celui-ci reçoit des menaces anonymes en relation avec son adultère et montre des signes de tension extrême. La colère va surgir lors de l'enterrement de son parrain, entraînant une séquence très émouvante d'une grande profondeur où ils partent ensemble dans un bar grec, laissant apparaître la force du lien qui les unit. Le temps d'une courte scène, il fait tomber son masque de patriarche et montre le vrai visage d'un homme avec ses doutes, ses angoisses et cette remise en cause perpétuelle qui rythme l'existence.
Aïsha occupe une place de plus en plus central à l'approche du dernier acte, personnage greffé par le biais de son mariage avec Hector à une famille qui ne veut pas vraiment d'elle. Son refus du voyage en Grèce entraine sa lente exclusion, plaçant les deux devant un choix impossible, savoir si le bonheur de la famille doit passer avant la personne. Petit à petit, The Slap laisse apparaître une vérité qui nous échappait jusque là, modifiant notre point de vue sur la vraie nature des tensions qui persistent, même une fois l'affaire de la gifle close.
A la recherche du temps passé
Avant de se lancer sur le terrain de la dispute entre Hector et Aïcha, la série nous dresse le portrait touchant de Manolis, un patriarche qui a pris avec le temps l'habitude de s'effacer, se pliant en apparence aux caprices de son épouse. Seulement, la gifle va le contraindre à sortir de son silence et à vouloir imposer son opinion à ce sujet, mais aussi sur son épouse, sa famille et sur lui-même. Avec la mort du parrain d'Hector, il va voir ressurgir le souvenir de sa vie de jeune homme, alors qu'il n'était qu'un garçon insolent et plein d'espoir.
Refusant de venir avec sa famille à cet enterrement, Aïsha marque petit à petit sa peur envers cette famille qui ne semble pas partager les mêmes valeurs qu'elle. L'occasion pour la patriarche de se poser la même question, tandis que les années deviennent apparentes sur les visages venus du passé. Sans nostalgie, The Slap nous offre le portrait d'un homme qui prend conscience de sa propre mortalité et du peu de temps qu'il lui reste. Le décès de son ami Thimios va alors le pousser à prendre une journée pour fuir un quotidien qu'il ne supporte plus à la recherche de lui-même.
Dans cet épisode, la gestion du temps a une grande importance, tant il est en rupture avec celui des autres personnages, représentatif d'un mode de vie où les technologies modernes n'ont pas pris le pouvoir. Par le biais de ralenti et de plans contemplatifs, le réalisateur parvient à nous faire partager cette existence rythmé par le quotidien, les saisons et l'amour de la terre et du temps passé à marquer une pause. Comme toujours, la série cherche avant tout à adapter la forme du récit à son personnage, chaque scène possédant un rythme très lent où les non-dits et les gestes sont plus révélateurs que les mots.
Pour autant, cette odyssée de Manolis dans un univers de fantôme va se faire sur un ton léger, la série nous offrant le portrait d'un homme assez attachant, se posant des questions sur lui-même et son propre bonheur. Loin de vouloir refaire sa vie, il essaie juste de refaire le même parcours et de retrouver les motivations qui ont guidé les choix de son existence. Portrait humble et touchant d'un homme en quête d'une jeunesse disparue, de souvenirs qui se sont lentement évanouis pour ne laisser que des fantasmes sur ce qui aurait pu être.
Préférant le rire aux larmes, The Slap nous montre un individu qui revient à sa position de départ, à son quotidien, retrouvant les raisons premières qui l'ont mené jusque là. La scène de danse avec son meilleur ami est une vraie réussite, symbole non pas de son désir de changer les choses, mais de faire revivre le temps d'un instant l'illusion d'un passé perdu qui n'existe plus que dans le coeur des hommes.
L'impossibilité de suivre le monde qui avance
Mais avec la peur de la mort vient pour Manolis la découverte d'un monde qui a avancé sans lui, effaçant les traces du passé et dont il ne fait plus vraiment parti. Obligé de quitter la Grèce par son épouse qui voulait garder le contact avec sa famille, il ne reconnaît plus le monde extérieur, hormis quelques maisons qui ont encore gardé leur apparence. Son odyssée devient celle d'un homme à la recherche de son passé, de souvenirs incarnés par son fils, par ses amis, par le moindre petit détail qui lui permettrait de réactiver sa mémoire.
Les enfants d'Elisaveth et même son fils vivent à un autre rythme que lui, stigmatisant la réelle rupture entre la nouvelle génération et la sienne. Si l'un de ses amis le poussent à laisser sa femme pour une nouvelle plus jeune, son odyssée s'achèvera sur une prise de conscience des origines de son amour pour Koula. Homme guidé par certaines valeurs, Manolis fait la paix avec lui-même et s'aperçoit que sa vie n'est pas en accord avec ses rêves de jeunesse, mais avec ses désirs d'aujourd'hui, la gifle n'étant à ses yeux qu'un évènement comme un autre qu'il cherche à relativiser.
La scène finale avec Aïsha est une vraie réussite, trahissant son impuissance devant les femmes, incapable de les convaincre, perpétuellement à la recherche du compromis. Son geste violent sur son bras, guidé par la frustration, devient comme la gifle le symbole de la rupture entre la famille de Manolis et l'épouse d'Hector, trahissant combien cette gifle a fortement traumatisé Aïcha.
La fin d'un récit en forme d'Odyssée
Après six épisodes, The Slap a su construire toute une galerie de personnages complexes, nous ramenant à la situation initiale entre Hector et Aïcha riche d'un niveau de compréhension supplémentaire. Là où le pilote utilisait beaucoup les mots et des conversations pour expliquer, la série se sert essentiellement des non-dits, exprimant des sentiments de plus en plus complexes et subtils. L'intrigue s'apprête à attaquer son avant-dernier acte sur Aïcha riche de cette scène finale qui devrait occuper une place aussi importante que le procès de Rosie.
En conclusion, un épisode nostalgique, sans être amer pour autant, portrait d'un homme parti en voyage loin de son épouse à la recherche de lui-même. A la fois drôle, touchant et parfois sombre, l'épisode propose une utilisation du temps ingénieuse et un rôle en or pour Lex Marinos, époustouflant en Ulysse tout comme Toula Yianni qui interprète une parfaite incarnation de Pénélope. La scène finale, superbe, laisse espérer un avant-dernier épisode particulièrement riche et prometteur, à l'image d'une série que les auteurs auront maîtrisé de bout en bout.
J'aime :
- les comédiens impeccables
- la réalisation superbe
- la gestion du rythme du récit remarquable
- la scène entre Hector et son père
- la dernière scène superbe
Je n'aime pas :
- rien
Note : 16 / 20
Récit nostalgique et généreux, un épisode assez léger construit comme une odyssée d'un homme en quête de lui-même. Le talent des comédiens, la gestion du temps remarquable et la qualité de la réalisation en font une nouvelle réussite dans cette saison de The Slap pendant que le récit fil rouge poursuit sa montée en puissance.