Critique : The Shadow Line 1.07

Le 22 juin 2011 à 17:21  |  ~ 6 minutes de lecture
Final superbe pour l'un des polars les plus sombres et tourmentés qu'il m'ait été donné de voir. Au programme, la confiance et la désillusion, l'obsession du rouge pour un dernier acte glaçant.
Par sephja

Critique : The Shadow Line 1.07

~ 6 minutes de lecture
Final superbe pour l'un des polars les plus sombres et tourmentés qu'il m'ait été donné de voir. Au programme, la confiance et la désillusion, l'obsession du rouge pour un dernier acte glaçant.
Par sephja

Pitch "Trust me... or not"

Tandis que Jonah Gabriel découvre toute la vérité sur Counterpoint et Gatehouse, son chef, le commandeur Khokar, apprend que ce dernier a échappé aux différentes tentatives de meurtre. Le trafic passe aux mains de Rattalack et Jay Wratten, et seul un homme se met encore en travers de leur chemin, un dénommé Joseph Bede. Seulement, une opération des stups s'apprête à faire un raid sur son entrepôt. 

 

 

L'obsession du rouge

Pour bien apprécier The Shadow Line et son final superbe, d'une noirceur rare et mémorable, il faut comprendre l'exigence que s'impose Hugo Blick à chaque ligne du scénario. En effet, rien ne va aller dans la direction prévue, la série s'amusant à nous faire croire à diverses possibilités de happy end pour mieux refermer la porte avec un cynisme glaçant. Car la question posée dans cet épisode est la plus terrible, celle qui engendre le doute et mène au cauchemar : pouvez-vous faire confiance à ceux qui vous sont proches ?

Plus en retrait, Gatehouse s'attelle à finir le nettoyage, essayant de remettre en place tous les éléments nécessaires à la poursuite de l'opération Counterpoint. Chaque scène marque une étape dans sa progression, tandis que la réalisation montre une obsession particulière pour la couleur rouge, qui trouvera sa justification lors des derniers plans. Sans concession, The Shadow Line est un oeuvre à part entière où le spectateur est perpétuellement traumatisé par la force des images, de la musique et la qualité surprenante de l'interprétation.

Christopher Eccleston est simplement magnifique, essayant désespérément de donner du sens à toute son action. Mais dans l'univers de The Shadow Line, le sens réel échappe toujours à ceux qui sont des exécutants, car comme le dit Foley, seul l'ignorance vous permet de rester en vie. Comme un chef d'orchestre funèbre, Gatehouse pose les principes de la stabilité d'un monde bâti sur un mensonge monstrueux, si bien que les hommes deviennent incapables de savoir de quel côté de la ligne ils sont.

L'obsession du rouge, la couleur du sang et de la colère, mais surtout celle du paradoxe où la réalité devient mensonge, où le point rouge passe d'un corps à un autre comme une révélation. Pénétrante, cette couleur laisse une marque indélébile sur les corps tandis que la vérité apparaît, terrifiante et tristement pathétique. La fin devient inexorable, la mort ne devenant que la marque de la plus cruelle des trahisons, tandis que le cours des événements reste tragiquement immuable, protégé par l'ombre menaçante de Gatehouse.

 

 

 

Un miracle n'est pas un signe de Dieu (ALERTE SPOILERS)

Thème majeur de The Shadow Line, le miracle concerne Jonah Gabriel et la balle qui, logée à l'intérieur de sa tête, n'a pas encore provoqué sa mort. Très vite, le policier comprend que sa survie est un signe du destin, la preuve d'une tâche à accomplir qu'il n'a pas totalement achevée. Résoudre le meurtre d'Harvey Wratten, déjouer les plans de Gatehouse et révéler cette affaire devient alors la mission qui vient apporter du sens à sa survie. Cette balle devient le signe d'une force mystique au dessus de nous qui lui a accordé une chance supplémentaire d'achever sa mission. 

Pourtant, la vérité apparaîtra au dernier moment et explique la force de son incompréhension lors d'une scène finale où l'illusion d'une quelconque destinée sera violemment balayée. Dieu, dans cet univers, ne désire pas le chaos, préférant amplement la continuité (par le biais de la naissance) et les apparences du bonheur à la mise en lumière de la noirceur humaine. Les forces supérieures ne sont ici motivées que la perpétuation de l'espèce, vision darwinienne de l'existence. 

Difficile d'être plus cynique que cette série qui ne considère le destin que comme un concept illusoire et inutile, Jonah Gabriel et Joseph Bede ayant finalement remué ciel et terre pour peu de choses. Le pouvoir de changer, de mettre en lumière devient alors une chimère, et les signes divins ne sont finalement qu'une vision égocentrique du monde réel. 

 

 

Bilan de la saison un (FIN ALERTE SPOILER)

Si ma première approche de The Shadow Line fut particulièrement frileuse, la série a su rapidement m'impressionner par la force de son scénario et sa richesse esthétique. Entièrement produite, écrite et réalisé par Hugo Blick, le show est un miracle qui ne pouvait voir le jour que sur le terrain de liberté de création qu'est la BBC. Exigeante, rude et sombre, cette série ne laisse aucun moment de respiration au spectateur qu'elle maltraite, le plongeant dans un univers cruel et cynique, s'achevant sur une scène qui clôt totalement l'intrigue, ne laissant aucune place à une suite. 

Le voyage fut éprouvant, entre la souffrance de Joseph Bede, le désespoir de Jonah Gabriel, l'ombre terrifiante de Gatehouse, et le dernier épisode ne relâche à aucun moment la pression. Tandis que les dernières zones d'ombres s'effacent, le scénario apparaît dans toute sa maitrise, chaque petit détail ayant fait preuve d'un soin bien particulier. Il ne reste alors à la fin qu'à admirer ce bijou parfaitement taillé, sans réel équivalent à la télévision, exception faite à un moindre niveau du Rubicon d'AMC. 

Ne pas le découvrir serait une folie, tant l'oeuvre reste accrochée à la rétine, absolument superbe. 

 

J'aime : 

  •  le casting formidable 
  •  le thème de la confiance parfaitement traité 
  •  l'utilisation du rouge comme une obsession 
  •  la dernière scène glaçante 

 

Je n'aime pas : 

  •  rien 

 

Note : 17 / 20 

Un final superbe qui nous prend totalement par surprise en multipliant les fausses pistes pour mieux se révéler lors d'une dernière scène terrifiante. Les comédiens exceptionnels, la réalisation sublime, la direction artistique impeccable font de ce Shadow Line une série superbe, d'une force rarement atteinte.

L'auteur

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