Un pont entre deux mondes
Saga Norèn est une enquêtrice Suédoise très froide et assez asociale, Martin Rohde est un policier Danois emphatique et plutôt impulsif. Rien n'aurait pu les rapprocher avant qu'une coupure de courant survienne sur le pont entre le Danemark et la Suède, quarante-cinq secondes de black-out durant lesquels un tueur mystérieux a laissé un cadavre, juste sur la frontière entre les deux pays. Une femme tranchée en deux, une politicienne Suédoise qui pousse Saga à s'emparer de l'enquête, jusqu'à ce qu'elle découvre que la partie basse du corps appartient à une autre victime.
Résumé de la critique
Un épisode brillant que l'on peut détailler ainsi :
- une intrigue maîtrisée et efficace
- un duo de policiers très convaincant
- un final qui montre l'ambition du show
- un récit complexe et terriblement efficace
Un premier pas terriblement séduisant
Série scandinave apparue durant la fin de l'année 2011, Broen est un cop show qui s'inscrit dans la droite ligne de Forbrydelsen, avec une seule enquête complexe qui va se développer le long des dix épisodes. Ce premier épisode va donc s'efforcer de nous introduire à son univers particulier, l'action démarrant sur le pont reliant la Suède et le Danemark. Un choix volontaire du meurtrier qui va laisser un cadavre pile à l'emplacement de la frontière entre les deux pays, obligeant l'intervention de deux détectives qui vont devoir se partager cette affaire qui va vite s'avérer étonnamment macabre et étrange.
En effet, le cadavre la victime est nettement sectionné en deux, révélant assez vite la présence d'un deuxième cadavre, le bas du corps ne correspondant pas avec le haut, mise en scène surprenante et plutôt originale. Toutes les storylines vont se placer sur le thème de la rupture, donnant une cohérence globale à un scénario qui parait logiquement assez dispersé, posant les bases d'une histoire globale complexe. Le fait que le dépôt du cadavre sur la frontière ait été précédé d'une coupure de courant montre que les responsables sont puissants et influents, suffisamment pour organiser une mise en scène aussi élaborée.
Loin d'un simple cop show, Broen est une série feuilletonnante très ambitieuse qui va monter tranquillement en puissance, exposant un univers foisonnant et séduisant. Pour le spectateur, il faut juste faire preuve d'un peu de patience tant le démarrage peut paraître abrupt, certains personnages nous étant introduits de manière brutale, sans effort des scénaristes pour les intégrer encore à l'intrigue principale. Plusieurs storylines composent cette histoire avec des tonalités différentes, différentes drames sur le thème de la séparation ou, à l'inverse, de la réunion imprévue au travers du récit d'un patient en attente d'une greffe de coeur.
L'ambiance singulière du show et le soin apporté à l'image permet de créer une ambiance envoutante et terriblement immersive, celle d'un polar ambitieux qui prend le temps d'une exposition soignée et détaillée. Personnages centraux de cette histoire, les détectives Norèn et Rohde sont les points forts de cet épisode, formant un duo totalement improbable et particulièrement attachant. Une équipe singulière qui donne sa force à un univers qui paraît encore légèrement nébuleux, mais présente très vite un potentiel de fascination indéniable.
Un duo assez improbable
Le premier détective à prendre l'affaire en main est la suédoise Saga Norèn, personnage glacial et cérébral joué par l'excellente et très expressive Sofia Helin, son jeu tout en nuance permettant vite de cerner sa personnalité assez singulière. La jeune femme n'est clairement pas un policier comme les autres, laissant vite transparaître son inaptitude à la compassion, utilisant sa routine pour se protéger de l'imprévu qui a vite tendance à la déstabiliser. Femme fragile et légèrement inadaptée, elle n'a que peu de considération pour le regard des autres sur elle, se souciant uniquement et exclusivement de son affaire qu'elle mène avec une obsession du détail assez remarquable.
Martin Rohde est à l'opposé beaucoup moins à cheval avec la procédure, vivant son existence au quotidien, avec une tendance à repousser au lendemain tout les soucis qui encombrent son existence. Plus chaleureux que Saga, il cherche clairement à s'attirer la sympathie de ses collègues, optant pour une approche moins clinique de l'enquête que sa collègue Suédoise. Le style bourru de Kim Bodnia fait merveille, donnant un personnage assez irresponsable victime de sa propension à se montrer un peu trop chaleureux. Père débordé de plusieurs enfants, il laisse le sentiment de ne pas contrôler grand-chose dans son existence, faisant de lui le parfait complément de l'inspectrice Norèn.
Si le personnage de Martin peine à se mettre en place, Saga crève vite l'écran et pose les bases d'une héroïne singulière, à la fois forte par sa capacité de déduction et faible par son incapacité à interagir avec les autres. Très bien construit, le duo prouve vite toute son efficacité, leur complémentarité devenant rapidement assez évidente grâce à une construction du scénario qui cherche à mettre en valeur leur association. Entre la jeune femme adepte de l'immobilité et ce policier qui ne peut s'asseoir à cause de sa vasectomie, la série tient un duo à la fois efficace et attachant, moteur très efficace d'une série ambitieuse.
Un final coup de poing très efficace
Maîtrisant parfaitement leur sujet, les scénaristes nous offrent un épisode d'exposition classique et terriblement efficace, s'efforçant avant tout de nous habituer à certains visages, sans chercher à lancer réellement l'intrigue principale. Seulement, pour souligner l'importance du duo entre Martin - Saga et définir le style très réaliste de la série, les auteurs nous offrent une dernière scène étonnante, moment de tension dramatique extrême fruit d'une mise en scène particulièrement brillante. En quelques secondes, la série expose tout son potentiel, laissant apparaître la capacité des auteurs à proposer des crescendo dramatiques assez remarquables.
Superbe esthétiquement, très soigné du point de vue des détails pour donner une vraie crédibilité aux premiers pas de cette histoire, Broen parvient en un épisode à imposer son style et son duo vedette autour d'une affaire assez déroutante et originale. La bande son remarquable et la photographie superbe confirment que ce show est une nouvelle preuve de la vitalité actuelle des séries scandinaves, à la fois ambitieuse pour le fond et très classique dans la forme. En une heure, le spectateur est happé par l'atmosphère sombre et troublante de ce polar terriblement efficace, à la frontière entre deux mondes.
A la manière de The Shadow Line, la série de Bjorn Stein rythme les neufs épisodes autour de scènes clés qui servent de cliffhanger ainsi que de prologue à l'épisode à venir. Si les enjeux restent assez flous, cette conclusion brillante permet de se convaincre du potentiel indéniable d'une série qui affiche clairement ses ambitions, offrant un spectacle d'une qualité surprenante. Très efficace, un show ambitieux et ingénieux par son concept, un voyage qui demande certes un peu de patience, mais se révèle à la fois passionnant et déroutant grâce à un scénario assez imprévisible.
Très bonne pioche
Difficile de ne pas se montrer enthousiaste après ce pilote très bien construit et fascinant, polar remarquable et immanquable produite par la télévision scandinave. D'une grande intensité, la série parvient à être à la fois exigeante et divertissante, offrant une intrigue solide malgré quelques storylines annexes encore assez confuses. Avec son ambiance troublante et son univers singulier, Broen apparaît comme une vraie réussite, imposant un déroulement imprévisible, tant les responsables de ce double meurtre étrange semblent suivre un plan parfaitement orchestré.
En conclusion, un polar à la frontière entre la Suède et le Danemark particulièrement épatant et captivant, récit ambitieux étalé sur dix épisodes qui s'annoncent plus que prometteur. Un focus un peu tardif de ma part sur un des chocs de cette saison 2011 - 2012, confirmant la capacité étonnante actuelle des auteurs scandinaves pour fournir des polars de haute volée. Portée par un duo inattendu et attachant, une série immanquable pour les amateurs du genre, à la fois exigeante et terriblement addictive.
J'aime :
- la réalisation superbe
- les acteurs, surtout Sofia Helin
- le scénario très bien construit
- captivant et original
Je n'aime pas :
- les intrigues annexes encore trop anecdotiques
Note : 15 / 20
Série policière scandinave de fin 2011, Broen est une excellente surprise qui trouve tout de suite sa place auprès de The Shadow Line ou Frobrydelsen. Très bien réalisée et interprétée, une intrigue surprenante et originale pour un show terriblement séduisant et particulièrement addictif.