La plateforme de vidéos à la demande VODD, spécialisée jusque là dans la diffusion de films « de niche », s’essaie aujourd’hui aux séries ! À cette occasion, Série-All a eu la chance de visionner en exclusivité leur toute première série hébergée, Don't Ever Wipe Tears Without Gloves, et c’est notre ami RasAlGhul qui s’y est collé.
Retrouvez le premier épisode, visionnable sur VODD, à la fin de la critique.
Réussir à trouver sa place dans le manège perpétuel de la vie s’avère souvent complexe. On ne sait pas où l’on va, on attend que le monde vienne à nous, après être venu au monde. On essaye, on se plante, on repart, on retombe, et peut-être – et je dis bien peut-être –, on réussit à trouver quelque chose, quelqu’un, qui finit non pas par donner sens à notre vie, mais au moins la (re)mettre dans la bonne direction.
Torka aldrig tårar utan handskar (« N’essuie jamais les larmes sans gant ») est une série suédoise en trois parties réalisée par Simon Kaisjer et adaptée du roman du même nom de Jonas Gardell, qui est aussi au scénario. Pour la première fois diffusée en octobre 2012, elle fut un hit monumental en Suède (34% de la population l’a regardée). Don't Ever Wipe Tears Without Gloves – oui, parce que Torka aldrig tårar utan handskar est un peu fastidieux à écrire – parle d’amour, d’homosexualité, de fête et de communauté, dans le Stockholm des années 1980. Mais avant toute chose, elle parle des chemins que l’on prend pour se découvrir.
Don't Ever Wipe Tears Without Gloves raconte une double histoire : celle de Rasmus (Adam Pållson), un jeune homme sensible et différent, qui n’attend que d’avoir son BAC pour partir vivre son homosexualité à Stockholm, et celle de Benjamin (Adam Lundgren), jeune homme qui lutte entre sa foi en tant que témoin de Jéhovah et son homosexualité, contraire à sa religion. À l’aide de Paul (Simon J. Berger), homosexuel assumé et flamboyant, ils vont pouvoir trouver une communauté qui les accepte tels qu’ils sont.
Une histoire de recherche de soi au travers du regard des autres
Ce premier épisode de Don't Ever Wipe Tears Without Gloves est franchement bien fichu ; à l’aide de flashbacks inspirés, on découvre des parcelles de vie de nos deux héros. Des deux, Rasmus captive davantage. Il faut dire que l’équipe créative s’intéresse bien plus à lui qu’à Benjamin. Depuis sa plus tendre enfance, Rasmus se sent différent, unique, pas accepté au sein de sa petite ville de Varmie. Sa mère aimante et son père un peu plus distant ne le comprennent pas, ou plutôt voient sa différence comme quelque chose de facilement gérable. Ils ne savent pas qui leur fils est vraiment, ils ne se posent même pas la question. À travers plusieurs dialogues entre la mère et la père de Rasmus, les scénaristes filent de nombreuses métaphores, toutes plus ou moins réussies. Néanmoins, je trouve qu'ils y vont tout de même un peu fort sur ce front-là, avec un côté répétitif qui peut vite lasser.
Le côté poétique est moins présent à Stockholm, mais la ville n’en est pas moins truffée de personnes intéressantes. Elle représente le réel point de départ de la vie de Rasmus. Petit à petit, en suivant le jeune homme, on rencontrera le personnage de Paul, qui nous offre le point d'entrée aux trépidations de la communauté homosexuelle. Cette famille offre à Benjamin et Rasmus un endroit où ils peuvent définitivement être eux-mêmes. L'apogée de ce sentiment arrive lors du dîner organisé par Paul pour fêter Noël. Il émane une joie, une chaleur de ce moment, où les différents hommes autour de Paul se retrouvent, qui contraste avec ce qui se passe dans la famille de Rasmus à Noël. D’ailleurs, Paul sort par la même occasion de la caricature, alors qu’il partait de loin. En fait, on observe des personnages réels, vrais. L’attraction entre Ramsus et Benjamin ne fait aucun doute, tout le monde s’en rend vite compte. Les dernières scènes contenant les deux hommes sont simples et belles.
Les prémisses des ravages du SIDA dans le Stockholm des années 1980
La série commence comme tout film traitant d’un virus contagieux : dans un hôpital, un jeune homme est allongé sur un lit, le visage ravagé par la maladie. La différence avec les films de ce genre, c’est que le virus qui cause tous les malheurs est bel et bien réel : le SIDA. Si ce dernier ne fait pas encore son apparition dans le « présent » – à savoir le moment où Rasmus arrive à Stockholm –, il y a tout de même plusieurs signes annonciateurs de son arrivée. Il se dégage de cet épisode un côté funeste, puisque l’on sait, l'on voit que le pire est à venir pour notre jeune étudiant. Pour le moment néanmoins, on n’a pas encore besoin de s’y intéresser, et malgré le malaise grandissant qu’apporte ce nouveau virus dans la communauté homosexuelle, l’heure est plutôt à l’amusement. On voit d’ailleurs une scène de sexe au sein de l’épisode : jamais gratuite ou racoleuse, elle sert principalement à marquer le nouvel état d’esprit de Rasmus, ainsi qu'à voir les premiers effets du virus du SIDA, qui, même s’il reste discret, commence à pointer le bout de son nez.
L’une des grandes forces de l’épisode est de nous faire découvrir Stockholm par les yeux de notre héros principal. Rasmus est comme nous, téléspectateur : avide de voir ce que la ville lui réserve. Si timide dans ses enfance et adolescence à Varmie, le jeune homme se libère à son arrivée dans la capitale. Il prend confiance, sort de sa zone de confort ; il s’amuse, tout simplement. Il vagabonde, d’endroit en endroit, profitant de la vie nocturne que lui offre la ville. On visite plusieurs lieux, la caméra prenant le temps de se poser, d’observer les alentours. On est happé par l’atmosphère de Stockholm, comme on a pu l'être par celle des flashbacks, où l'on visitait des paysages boisés. Si l’on pardonne le rythme un peu lent, on peut donc bien profiter de ce qui nous est montré dans cet épisode. Parce qu'il faut quand même le dire, Don't Ever Wipe Tears Without Gloves est une belle série à regarder.
Le premier épisode de Don't Ever Wipe Tears Without Gloves fournit une introduction efficace. Les personnages sont tout de suite attachants et il se dégage un véritable sentiment de communauté. En outre, les parallèles trouvés pour décrire Rasmus sont très beaux, ne sombrant jamais dans la caricature facile. Un épisode touchant et profond, sur le sujet de l’acceptation de soi. Une jolie réussite.
J’ai aimé :
- Une ambiance envoûtante.
- Beaucoup de contemplation et peu de dialogues superflus.
- L’épisode est touchant.
- Rasmus. Dès qu’il arrive à Stockholm, c’est un tout autre homme.
- Des flashbacks intelligents.
- C’est beau à regarder.
Je n’ai pas aimé :
- Un épisode qui met un certain temps à démarrer.
- Au départ, le personnage de Paul n’est pas très sympathique. Mais seulement au début.
- Peut-être un chouia trop de symbolisme.
- L’élan blanc en CGI de fin d’épisode. Je comprends l’idée, mais il est tout de même sacrément mal fichu.
Ma note : 15/20.
Merci à VODD pour leur confiance, à Antofisherb pour son idée de génie, à RasAlGhul pour sa critique, et à Youkoulayley et Cail1 pour avoir assuré la partie technique de ce partenariat !