L’autre jour, je me baladais tranquille dans la rue, quand un inconnu m’aborda. De but en blanc, il me posa une question :
– Monsieur, excusez-moi de vous importuner, mais je me pose une question : qu’est-ce qu’un bon pilote ?
Un peu interloqué par cette approche, je répliquai :
– Un bon pilote, mon brave, c’est Sebastien Loeb. Ou Schumacher avant sa…
– Non, que nenni, m’interrompit l’énergumène, vous vous méprenez, je parle de séries télévisées. Qu’est ce qu’un bon pilote de série ?
– Ah ! m’exclamai-je. Ok, d'ac', rajoutai-je, vous avez sonné à la bonne porte. Je suis en quelque sorte un professionnel de ce domaine. Allons nous asseoir sur un banc cinq minutes avec moi, parler des pilotes tant qu’il y en a.
Nous nous installâmes, à l’ombre d’un arbre, tandis que je le voyais, fébrile, prêt à boire mes paroles.
Je me lançai : « Pour une représentation plus facile des arguments qui font d’un pilote une réussite, nous allons prendre en exemple The Path, la série sortie sur la plateforme Hulu. Est-ce un bon pilote ? »
1 - Car pour faire un bon pilote, il faut un sujet original et intéressant
L’intrigue de The Path prend place dans un mouvement de culte appelé le Meyerisme, qui prône une élévation spirituelle basée sur un système d’échelles à franchir pour amener vers une forme de plénitude et de sagesse absolue. Une secte donc. Très bon thème, attrayant, qui permet d’ouvrir plein de questions : qui sont ces gens ? Comment vivent-ils ? Comment en sont-ils arrivés là ?
Un sujet original et intéressant
2 - Pour faire un bon pilote, il faut de bons personnages qui génèrent des enjeux
Parce que générer des enjeux, c’est capital, n’est-ce pas Vinyl, toi qui n’as jamais réussi à en déployer ? Dans The Path, à l’intérieur de cette communauté, on retrouve Eddie qui, après une vingtaine d’années de loyaux services, commence à avoir des doutes sur le discours et les préceptes de sa religion. Sa femme Sarah a capté ce revirement et s’en inquiète. Il y a aussi Mary, survivante d’une tornade, prostituée depuis ses onze ans par son père, et qui vient d’intégrer le mouvement de culte. Avec elle, il sera possible de connaître les mécanismes utilisés pour affilier de nouveaux membres, ainsi que le lavage de cerveau mis en place. Il y a enfin Carl, amoureux de Sarah et personnage influent qui semble diriger la communauté d’une main de fer dans un gant de velours. En cinquante minutes, The Path a réussi à implanter ses personnages solidement et nous intéresser à eux.
De bons personnages
3 - Pour faire un bon pilote, il faut des bons acteurs
Là, c’est easy. Aaron Paul de Breaking Bad (même s'il rejoue le rôle du mec qui cache une hypersensibilité), Michelle Monaghan qui interprétait la femme de Woody Harrelson dans True Detective ou Hugh Dancy de Hannibal. Du solide.
De bons acteurs
4 - Pour faire un bon pilote, il faut une identité visuelle propre
Bon, là, on ne va pas mentir, ce n’est pas totalement le cas, ce n’est pas Mr. Robot ou Better Caul Saul, mais The Path produit des séquences réussies (la filature de Sarah) ou des plans assez beaux (comme le prouve la photo qui suit, plan dont l’élégance m’a donné envie de faire cette critique).
Une identité visuelle propre : peut-être pas, mais un vrai travail de mise en scène sobre et efficace
5 - Pour faire un bon pilote, il faut un juste équilibre du rythme
Là, il y a deux écoles : ou faire le pitre et cumuler les péripéties au mépris de la cohérence pour éviter d’ennuyer et perdre les spectateurs (Wayward Pines), ou prendre le temps de développer ses personnages et son histoire. The Path a décidé de prendre cette option. Dans ce cas, il y a plusieurs résultats : le sublime (Six Feet Under), le très bon (Big Love qui aborde des thèmes un peu similaire à The Path) ou le chiant (Bloodline). En tout cas, le pilote fait le job et s’en sort très bien, plantant son décor de manière très convaincante.
Un juste équilibre du rythme
6 - Mais...
Car à l’impossible nul n’est tenu, il y a deux bémols dans ce portrait quasi idyllique :
- Le sujet, car les séries américaines lorsqu’elles parlent de religion peuvent vite verser dans le prosélytisme et donner des résultats très déconcertants (la fin de True Detective saison 1). Donc danger, pente glissante.
- The Path semble un peu douter de l’assiduité de ses spectateurs, comme en témoigne les scènes où Sarah découvre que son mari a des secrets, séquences répétées deux fois en cinquante minutes ! Attention à ne pas trop nous prendre pour des idiots.
Donc, pour résumer, The Path réussit haut la main son pilote et a tous les atouts dans son jeu pour devenir une grande série, de celle qu’on pleure lorsqu’elle nous quitte au bout de cinq saisons pleines. Mais ne vendons pas la peau de l’ours trop vite et suivons son évolution sur les prochains épisodes.
– Et donc, c’est ça, un bon pilote, conclus-je.
– Merci, me dit l’individu, les larmes aux yeux, vous m’avez fait vivre le plus beau jour de ma vie, je ne serai plus jamais le même dorénavant.
Il se leva d’un bond et me serra les mains énergiquement, puis disparut dans la foule.
Je restai assis sur le banc un long moment sans geste faire, tel le soldat revenu du champ de bataille, exténué mais fier du travail exécuté. Puis, peu à peu, la raison reprit le dessus et je commençai à regretter de ne pas avoir négocié, en contrepartie de mon savoir et de ma sagesse, une contribution financière.
Ou du moins une petite fellation.
J’ai aimé :
- Un bon pilote qui donne envie.
- Un sujet intéressant et des acteurs au diapason.
- Beaucoup d'espoir pour la suite.
Je n’ai pas aimé :
- Aaron qui fait déjà sa pleureuse.
Ma note : 15/20.