Bilan : Bullet in the Face saison 1

Le 26 août 2012 à 16:59  |  ~ 9 minutes de lecture
Une série particulièrement allumée qui voit un dangereux sociopathe devenir malgré lui un défenseur de l'ordre après avoir pris une balle en pleine tête.
Par sephja

Bilan : Bullet in the Face saison 1

~ 9 minutes de lecture
Une série particulièrement allumée qui voit un dangereux sociopathe devenir malgré lui un défenseur de l'ordre après avoir pris une balle en pleine tête.
Par sephja

Introduction 

 

Show délirant créé par Alan Spencer, Bullet in the Face est une série policière en six épisodes diffusée en deux jours sur IFC et destinée à un public adepte de second degré et d'un état d'esprit décalé, tant celle-ci lorgne du côté de la série B. Fan de Mel Brooks depuis Frankenstein Junior, l'ancien créateur de Mr Gunn cherche à lier un humour terriblement subversif, un goût affirmé pour les séries policières et un esprit de sale gosse assez affirmé.

Décapante, cette première saison de Bullet in the Head est plutôt réussie ; elle parvient à un mélange des genres à la fois surprenant et déstabilisant dans un premier temps avec ses accents étranges et ses personnages hystériques. Pourtant, le temps fait que l'on s'attache petit à petit à cet univers déjanté, où la frontière entre les flics et les voyous disparaît pour engendrer un chaos assez déroutant. 

 

Gunther Vogler : ex sociopathe, nouvelle recrue de la police

 

Présentation

 

Dans la ville de MurderVille, les forces de l'ordre peinent à exister face aux deux grands parrains du crime qui règnent sur la ville, à savoir Tannhauser et Racken. Homme de main du premier, Gunther Vogler est un sociopathe de la pire espèce, capable de tuer n'importe qui juste pour le plaisir, ne montrant jamais le moindre signe d'une quelconque conscience. Il a aussi une liaison avec la femme de son patron, Martine Mahler, une meurtrière sans pitié qui lui révèle sa grossesse, assurant à Vogler qu'il est bien le père de son enfant. 

Alors qu'ils se préparent pour l'attaque d'une bijouterie, Gunther reçoit l'ordre de Tannhauser d'abattre la jeune femme durant l'attaque. Un assaut violent et explosif où meurent plusieurs employés de la bijouterie, un mystérieux policier et Gunther, atteint d'une balle en plein visage tirée à bout portant par Martine. Une trahison qu'il va garder en lui alors que les médecins le ramènent à la vie en lui greffant le visage du policier qu'il venait d'abattre en remplacement du sien.

Le chef de la police Eva Branden va alors tenter de contraindre Vogler de travailler pour la police et de les aider dans leur lutte contre les deux parrains du crime. Seulement, le criminel n'a pas du tout l'intention de se laisser manipuler. Il goûte au plaisir de voir la ville mise à feu et à sang tandis que la guerre s'intensifie et gagne les églises et même les écoles. Pour Gunther, deux choses comptent : remettre la main sur Martine et retrouver son ancien visage que la police ne lui rendra que contre sa coopération.

 

Martine, une femme particulièrement dangereuse

 

Dépasser les bornes pour le plaisir

 

Avec son héros à l'accent allemand très appuyé, Bullet in the Face est une série qui se situe à la limite de la parodie et se plait à transgresser le bon goût avec un humour assez décapant. Mélange entre le film de gunfight à la John Woo et le western, la série passe fréquemment d'une enquête du jour pas toujours bien ficelée à une histoire de vengeance beaucoup plus convaincante. Ce mélange des genres, pas toujours bien équilibré, donne tout son intérêt à ce show atypique, qui tient clairement à ne laisser personne indifférent.

Rien n'est consensuel et le seul fait que la première bijouterie qu'attaque le héros s'appelle Munich, et qu'une étoile de David soit dessinée sur la porte donne le ton, avec un humour de sale gosse assumé et plutôt jouissif. Dans le rôle principal, Max Williams s'amuse comme un petit fou, surjouant chaque réplique jusqu'à l'overdose dans les premiers épisodes. Au final, l'acteur met trois épisodes à rentrer pleinement dans son personnage. En effet, si Gunther est atypique, c'est avant tout par sa position singulière sur l'échiquier du bien et du mal, prenant un certain plaisir à utiliser sa position de policier pour s'autoriser tous les excès.

C'est donc une série au mauvais esprit aussi jouissif que pathétique par instant, mélangeant les genres et surtout les influences dont certaines paraissent assez inattendues. Le style visuel est très soigné, passant de l'univers monochromatique et translucide et froid de Tannhauser pour un décor plus proche du polar pour Racken et sa cohorte d'hommes de main interchangeables. Mais, au-delà de la simple série déjantée, Bullet in the Head raconte l'affrontement de plusieurs individus pour prendre possession de l'avenir du monde, symbolisé par l'enfant à venir de Martine.

 

Le cruel Tannhauser

 

Passer d'un registre à l'autre

 

Si la série ressemble au premier abord à un simple délire inconséquent, il apparait assez vite que les auteurs ont beaucoup d'idées et parviennent à transcender peu à peu leur matériel de départ. Les trois premiers épisodes se limitent à n'être qu'un cop show décalé au scénario assez mince, mais les trois derniers proposent quelques idées intéressantes malheureusement pas toujours parfaitement bien exploitées. Pour exemple, l'homosexualité refoulée de Hagerman va amener des gags assez lourds et assez pénibles, là où les scènes avec Eric Roberts sont souvent très réussies et originales. 

Le comédien est un grand spécialiste de la série B et il en fait profiter Bullet in the Face en offrant une interprétation parfaitement dans le ton, rejoignant un Eddie Izzard particulièrement allumé et impeccable tout du long. A la fois fauchée et créative, la série sait jouer avec les codes du polar, dressant le portrait d'une galerie de personnages aussi divers que déjantés. Multiplier les clichés pour mieux pouvoir s'en moquer ou les détourner, voilà le credo d'une équipe créative qui parvient à composer quelques personnages marquants qui sortent du lot.

La plus marquante reste Martine, l'incarnation de cette volonté des auteurs de poursuivre un jeu consistant à transformer l'incarnation du bien en mal. Jouée par la très convaincante Kate Kelton, elle est à la fois une mère, une meurtrière implacable et une fine stratège qui sait laisser paraître une touche de fragilité au moment opportun, poussant ses ennemis à baisser leur garde. Et c'est là que la série tient sa plus belle réussite, avoir réussi à créer un personnage cohérent à partir de tous ces traits de caractère totalement antagonistes.

 

La chef Eva Braden et le détective Hagerman

 

No more Heroes

 

Avec son pitch de départ qui rappelle en partie le Volte-Face de John Woo, Alan Spencer arrive à donner assez de crédibilité à une situation de départ totalement absurde pour imposer une histoire où le héros peut devenir le méchant. Dans un univers où la corruption règne en maître, Gunther Vogler, grâce à une absence de morale typique d'un antihéros, est bien plus à même de combattre le crime que l'homme dont il a volé le visage. Avec ses expressions faciales très outrés, Max Williams parvient à donner l'impression qu'il est sur le point de déchirer à la moindre phrase cette peau qui n'est pas la sienne. 

Peu soucieux de son intégrité physique, Vogler se fait fréquemment blesser au visage, cherchant à détruire le travail de la police pour pouvoir réintégrer son vrai corps. Démon au visage de blondinet, Gunther est aussi insupportable qu'attachant, à tel point que le spectateur se plait autant à le voir souffrir qu'à le voir jouer avec une tête décapitée. Il naît ainsi une relation étrange entre nous et le caractère malsain de ce personnage. Une histoire de rédemption tellement improbable qu'elle en devient crédible, Vogler laissant par exemple apparaître une certaine naïveté par rapport à la grossesse de Martine qui casse son image de vilain.

Cette histoire de quête identitaire est l'une des grandes réussites de ce show qui aura réussi en une saison à donner des bases solides en dépassant le cadre du simple concept show. Loin des cabotinages et du remplissage maladroit du début de saison, la fin de Bullet in the Head parvient à proposer un divertissement efficace malgré quelques ratages liés à certaines improvisations assez maladroites de l'équipe créative. Malgré une saison trop courte, la série n'a pas le temps de lasser et gagne suffisamment en qualité pour fournir un divertissement original à l'humour très corrosif. 

 

Conclusion 

 

Bonne surprise apparue sur IFC, Bullet in the Face démarre comme un simple défouloir jouissif avant d'aboutir finalement à un divertissement réussi grâce à quelques idées ingénieuses. Une bonne surprise, à réserver à un public averti tant la série est un hommage vibrant au polar de série B, la parodie prenant par instant le pas sur des intrigues qui manquent un peu de consistances.

Du fun, des flingues, des amours masculines refoulées, des filles plus ou moins farouches et beaucoup de psychopathes, voici le menu de cette première saison de ce show déjanté qui mérite largement le coup d'oeil.  

L'auteur

Commentaires

Avatar Koss
Koss
C'est dans quel pays IFC ?

Avatar sephja
sephja
amérique

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