Il y a quelques jours de cela, HBO diffusait le dernier épisode de la série Eastbound and Down, dramédie assez confidentielle qui était déjà censée se terminer l'année dernière. J'avoue d'ailleurs que le retour surprise de la série pour une quatrième et dernière saison m'avait laissé un peu dubitatif. C'est toujours bon de se retaper une tranche de Kenny fucking Powers, mais la fin de la saison 3 était à priori parfaite. Et pourtant, cette saison 4 s'est finalement révélée beaucoup plus intéressante que prévue.
En effet, malgré trois saisons plutôt bien remplies, il nous manquait quelque chose dans l'étude de ce personnage étonnamment complexe qu'est Kenny Powers : voir son comportement et sa philosophie à un moment où il est au top de sa carrière. Car la série commençant avec le personnage déjà au plus bas, elle n'avait jamais montré ce qui a par exemple constitué le point culminant d'une série comme Breaking Bad, dans un tout autre registre. Et cette quatrième saison l'a très bien fait.
Dans cette saison, peu de guests (mais des très bons !), pas vraiment d'épisodes indépendants type la soirée dans le manoir d'Ashley Schaeffer dans la saison 3. Non, pour les derniers épisodes, l'intrigue se concentre sur le rapport vie de famille/vie professionnelle de Kenny. Et bien entendu, dans les deux cas, il se comporte comme un enfoiré de première.
Ainsi, la première partie montre le retour progressif de Kenny dans la célébrité, et durant laquelle nous éprouvons encore un peu de sympathie envers lui. Kenny, pauvre, considère sa vie comme de la merde et ne manque pas de le faire savoir, mais il a l'avantage d'avoir des adversaires encore plus pourris que lui. Cette première partie possède donc un côté jouissif dont on a l'habitude, où Kenny Powers se fait humilier puis humilie encore plus ses adversaires à son tour. La structure narrative, un peu systématique, n'en est pas moins efficace encore une fois.
En revanche, la deuxième partie de la saison possède un côté beaucoup plus dérangeant et pessimiste, dans laquelle Kenny, maitenant à nouveau riche et célèbre, se met à traiter encore davantage son entourage comme de la merde tout en pensant faire le contraire. La prise de conscience tardive de sa femme en est d'ailleurs assez surprenante et participe au malaise ambiant. Mais là où la série est la plus forte dans son propos, c'est qu'elle parvient malgré tout à faire rire de ce malaise, un peu dans la veine du tandem Gervais/Merchant. Sauf que le ridicule y est beaucoup moins évident, résidant principalement dans la mise en scène, dont notamment l'utilisation des musiques qui cachent souvent quelque chose d'autre.
Mais pour la toute fin de la série, il fallait bien offrir une (deuxième) rédemption au personnage. C'est ainsi que durant l'avant-dernier épisode, Kenny Powers pète littéralement un câble et se retrouve au fond du trou en un rien de temps. C'était déjà arrivé au personnage auparavant, mais celui-ci restait toujours dans un entre-deux, un compromis qu'on le sentait près à rompre dès que la situation changerait. Car toute l'ambiguité du personnage, c'est qu'on a jamais vraiment su ce qu'il pensait de son propre comportement, s'il s'agissait de ses véritables intentions ou si cela n'était qu'une façace pour cacher un mal-être plus profond, au-delà même de son désir de célébrité. Or, lors du dernier épisode, Kenny semble enfin être en paix, avec les autres mais surtout avec lui-même.
Cela est à considérer bien sûr si l'on excepte le faux épilogue final, d'une extravagance auquel personne ne croît. Bon, ok, j'ai crû à une ultime folie des scénaristes alors qu'il s'agissait tout simplement de celle de Kenny, à présent non plus horripilant mais touchant dans sa bêtise. Petit aparté d'ailleurs sur ces dernières minutes, absolument hilarantes (Lindsey Lohan quoi !) et allant même jusqu'à parodier le récit d'apprentissage qu'avait pris formellement la série dès le départ en incorporant la voix off de Powers. Dans cette ultime preuve du génial jusqu'au-boutisme comique des créateurs de la série, j'y ai même vu une petite pique aux fins de séries type Six Feet Under, ce qui n'a pas manqué de me faire rire malgré mon adoration pour la série.
Bref, après quatre années de délires politiquement incorrects ou juste stupides mais toujours très drôles, de personnages hauts en couleurs mais souvent révélateurs d'éléments de la condition humaine, de musiques rock'n'roll ou faussement joyeuses, d'intro au timing parfait, et de démonstrations du racisme, de l'homophobie, de la vantardise, du machisme mais aussi de l'humanité de Kenny Powers, ce bilan est pour moi l'occasion de dire un dernier adieu à Eastbound and Down, série très drôle et beaucoup plus subtile qu'il n'y paraît, qui mériterait d'être davantage regardée.