La princesse et le loup
Récit d'héroïc-fantasy tournant autour d'une princesse déchue dont la famille a été décimée par une secte mystérieuse, Riese KF est une web série de dix minutes qui nous narre le récit d'une fuite qui va se transformer en vengeance. La jeune femme possède une marque sur le dos, marque qui l'identifie comme de sang royal. Secondée par un loup, elle doit survivre dans un monde qui file tout droit à sa perte, gangrené par une violence régressive qui occupera toute la seconde partie du récit.
Alors que la résistance s'organise et hésite encore à partir à la recherche de Riese, la reine Amara envoie son meilleur soldat Herrick pour la retrouver et l'assassiner. Vivant dans le quasi-anonymat, la jeune femme n'arrivera pas longtemps à fuir les soldats de l'empire, et sera obligée de se confronter à son propre destin.
Petite fiche technique
Websérie crée par Kaleena Kiff et Ryan Copple (dont c'est le baptême du feu en matière de création de série), Riese KF est interprété par Christine Chatelain, connue entre autres pour son rôle dans Sanctuary, et essaye de marcher sur les pas de sa grande soeur en donnant le rôle du narrateur à Amanda Tapping. Elle est accompagnée de Patrick Gilmore et Sharon Taylor. La web série produite par SyFy possède donc un casting de choix et un budget assez conséquent pour ce type de projet. L'objectif est clairement de préparer le terrain à une prolongation sur une durée plus important, tout en laissant aux auteurs le temps de trouver l'identité de la série.
Magnifiée par des costumes superbes et des prises de vues extérieures très réussies, Riese KF a toutes les cartes en main pour développer son univers qui se dit steampunk, mais relève bel et bien de l'Héroic-Fantasy, en s'inspirant entre autres de l'oeuvre de John Park pour l'idée de départ et de quantité de références un peu trop visibles. Pour ceux qui l'ignorent, le steampunk désigne une branche de la science-fiction qui s'oriente vers le passé pour construire des histoires où la science des automates connaît souvent un développement remarquable.
D'ailleurs, je prends une seconde pour conseiller Machines Infernales de K.W. Jeter pour ceux qui voudraient découvrir le genre.
Seulement ici, ce show ne peut pas être Steampunk tant il lui manque le background historique indispensable à ce type de récit. L'histoire se passe dans un monde imaginaire, sans lien réel avec le nôtre, il s'agit donc d'Héroic-Fantasy un peu fauché qui cache derrière l'étiquette Steampunk une certaine tendance à intégrer des objets réels au sein des différentes séquences. Cela devrait être dit car ce type de déformation a le chic pour m'irriter, prouvant une nouvelle fois l'ignorance des médias envers la littérature de science-fiction.
Une web série pour essuyer les plâtres
Pour raconter chaque épisode, Riese KF dispose de neuf minutes et il apparait très vite que les créateurs n'ont pas l'intention de gaspiller leur temps à produire la moindre scène d'exposition. L'univers se réduit à une carte où l'on se ballade sans trop savoir où les personnages se trouvent réellement, une juxtaposition d'un grand (trop grand !) nombre de territoires où les affrontements auront lieu entre l'héroïne et les membres de la secte.
Très vite, des questions m'assaillent tant les premiers épisodes ne fonctionnent vraiment pas, incapable de construire le plus petit embryon de narration digne de ce nom. L'objectif est d'en mettre plein la vue au plus vite et le moins que l'on puisse dire est que la web série souffre d'une incapacité à gérer convenablement cet intervalle de neuf minutes, produisant des épisodes mal construits qui virent rapidement à la démonstration technique.
Spécialiste de l'image, Ryan Copple produit un visuel de bonne qualité mais s'égare en voulant multiplier les références inutiles. Plutôt que réfléchir aux motivations de son héroïne, il préfère créer un trafic de nouveaux nés assez étrange, dont le seul but réel est de montrer combien, sur Internet, on peut tourner des choses impossibles sur le petit écran. La secte est méchante, la princesse est gentille, le loup est... tiens, je crois qu'il est temps de parler de ce sac à puce.
Le pire ennemi du cinéaste
D'avance, je m'excuse auprès des fans de Riese KF, mais je me permets un petit moment de franc n'importe quoi en examinant la mauvaise idée du show : le sac à puce. Certes, le loup est un animal noble, sauvage, et je suis prêt à militer pour leur sauvetage, surtout qu'il sert ici de protecteur à la princesse Riese. Vous devez alors vous imaginer Shiranui, le loup blanc des légendes japonaises, campant devant sa maitresse, prêt à la défendre quoi qu'il en coûte. A mon avis, l'auteur qui a eu cette idée a oublié un petit détail un peu gênant : il est impossible de dresser un loup.
Il est donc impressionnant de voir les astuces énormes mis au point par l'équipe de tournage pour intégrer la bestiole à l'histoire. Trois stratégies ont été mise en place, chacune d'entre elle mettant superbement en avant le majestueux animal:
- solution 1 : le loup se tire dans les bois quelques secondes avant le combat pour rejaillir à la fin sous la forme d'une peluche jetée à la gueule des comédiens. En gros, il est invisible, sauf par instant. Protecteur, vraiment ? Mouais...
- solution 2 : il est piégé dans un filet dès le début du combat et remplacé dans les scènes suivantes par... la peluche prise dans les mêmes filets. Et on applaudit le garde du corps !
- solution 3 : il tourne en rond et s'enfuit hors champ vers son maître pour laisser la fille seule, remplacé par une tête automatisée pas du tout ressemblante, à tel point que j'ai passé deux épisodes à croire qu'il y avait deux loups différents dans l'histoire.
N'oublions pas bien sûr cette scène intense où on le voit lécher les mains d'un figurant hurlant de douleur... non mais franchement, il aurait du y penser les scénaristes en optant pour un chien et en se rappelant qu'il n'y a rien de plus trouillard qu'un loup.
Evidemment, il serait idiot de reprocher à l'équipe créative d'avoir fait de son mieux pour intégrer cette sale bête dans les deux minutes de scènes où il apparait. Au moins, j'aurais bien rigolé à le voir déguerpir à toute vitesse, imaginant le désarroi de l'équipe technique devant le caractère fragile de leur comédien vedette.
Revenir aux bases et la structure en cinq temps
Après quatre épisodes qui ne valent que pour l'enthousiasme des auteurs et le talent des acteurs, la web série commence déjà à faire du remplissage, vingt minutes de narration étant visiblement venu à bout de leur inspiration de départ. Le spectateur craint alors la catastrophe, voyant les épisodes passer de neuf à six minutes, incapable de proposer un dialogue de plus de sept phrases sans sombrer dans le n'importe quoi. Pourtant, dans les quatre derniers épisodes, Riese KF va retrouver un second souffle, jusqu'à un final plutôt agréable, en reprenant la structure de base de toute narration en cinq temps : exposition, identification, investigation, révélation, résolution.
Rattrapant totalement un début de saison poussif, ces cinq derniers épisodes sont pleinement construits, introduisant de vrais enjeux dans une histoire qui n'en contenait aucun jusque-là. Les liens entre personnage s'épaississent, le loup disparaît (Loup y es tu ?) et une vraie ambiance s'installe avec une qualité d'image tout à fait appréciable. Le script a beau être cousu de fil blanc, je me suis bien pris au jeu, découvrant une série à l'identité mystérieuse et à l'esthétique originale, malgré quelques fautes de goûts (voir ci-dessus).
Délaissant ses références kung-fu à la Matrix, la série s'inspire plus de John Carpenter par son ton survival, plus en accord avec l'idée d'un monde sur la voie de la destruction. Par contre, elle perd son identité au passage, le loup ne réapparaissant qu'en toute fin, et s'achève sur un cliffhanger étrange et passablement forcé.
Une héroïne discutable
Riese est le centre et le coeur de la série, mais son caractère héroïque est loin d'être évident, la jeune femme possédant un talent remarquable pour passer entre les gardes sans se faire voir. Fréquemment sauvée aux derniers moments, elle ne possède pas un caractère Badass à la Buffy, ayant le mérite de frapper des enfants ou de faire la morale aux inconnus qu'elle rencontre.
Si les auteurs veulent prolonger l'expérience, il serait bon de faire de leur héroïne autre chose qu'une meurtrière d'enfant ou une voleuse. Au lieu d'affronter son destin, Riese le contourne et dans un ultime geste de courage, envoie les autres se battre à sa place. Mais après tout, tel maître, tel loup.
NB: Voilà Sanschiffre, j'espère que ma dette est remboursée, même si je sais que cette chronique que j'ai réalisé avec le plus grand sérieux sera rapidement supprimée. Franchement, Riese KF est une bonne websérie, aux qualités esthétiques indéniables, mais il manque une bonne dose d'héroïsme chez les deux personnages principaux. Pour ceux qui aiment le genre, je conseille de tenir jusqu'aux derniers épisodes, bien meilleurs que les premiers.
Aouh !!!!!!!!!!!!!