Critique : Bates Motel 1.01 - Un nouveau départ

Le 24 mars 2013 à 18:57  |  ~ 14 minutes de lecture
Le nouveau bébé de Carlton Cuse (Lost) s’appelle Bates Motel et revient sur l’enfance tourmentée du psychopathe Norman Bates. Grâce à des références convaincantes et une approche moderne, la série parvient à se distinguer des autres productions du même genre. À découvrir au plus vite.
Par Cail1

Critique : Bates Motel 1.01 - Un nouveau départ

~ 14 minutes de lecture
Le nouveau bébé de Carlton Cuse (Lost) s’appelle Bates Motel et revient sur l’enfance tourmentée du psychopathe Norman Bates. Grâce à des références convaincantes et une approche moderne, la série parvient à se distinguer des autres productions du même genre. À découvrir au plus vite.
Par Cail1

En ce moment à la télévision américaine, il semblerait que la mode consiste à remettre au goût du jour les plus grands psychopathes du cinéma. C’est le cas notamment d’Hannibal Lecter qui connaîtra une résurrection télévisuelle dès le mois d’avril sur le réseau NBC. Toutefois, le méchant tueur de Dragon Rouge ne sera pas le seul à marquer cette saison 2012-2013 de son emprunte : Norman Bates, le meurtrier psychopathe de Psycho, roman de Robert Bloch, rendu célèbre par l’adaptation cinématographique d’Alfred Hitchcock en 1960, fait lui aussi son grand retour dans Bates Motel. Il faut dire que depuis 2006 avec Dexter, les criminels sont devenus des héros en puissance pour la grande majorité des sérievores. À tel point qu’on ne compte plus le nombre de productions les mettant en scène.

Au milieu de toutes ces productions audiovisuelles, A&E fait le pari de l’audace en prenant la décision d’adapter une œuvre cinématographique majeure. S’attaquer à Norman Bates s’avère plus que risqué, tant le personnage est aujourd’hui inscrit dans les mémoires de millions de cinéphiles de par le monde. Cependant, la chaîne américaine semble aussi profiter d’un autre phénomène indémodable : Alfred Hitchcock lui-même, qui cette année encore aura marqué l’actu ciné par le biais du film de Sacha Gervasi, qui met en scène le maître du suspens. De la même manière, Gus Van Sant avait offert un hommage remarqué à Psycho dans un film éponyme, datant de 1998.

 

Norman et Norma - Bates Motel - S01E01

Pour convaincre, la série peut compter sur ses deux acteurs principaux : Freddie Highmore et Vera Farmiga

 

Le problème lorsque l’on décide d’adapter librement un film aussi mémorable que celui-ci, c’est de parvenir à ne pas déstabiliser les fans de la première heure. Et sur ce point, il faut dire que Bates Motel traîne derrière elle un lourd héritage qui peut très vite devenir un véritable handicap. Sur le papier, la nouvelle production A&E a tout de la série casse-gueule qui va devoir faire ses preuves très vite si elle veut survivre au-delà des 10 épisodes prévus dans la première saison.

Pour les aider, Carlton Cuse (Lost) et Kerry Ehrin (Friday Night Lights) ont mis toutes les chances de leur côté en réunissant notamment un casting prestigieux : Vera Farmiga dans le rôle de Norma (Esther, Up in the Air, Sécurité rapprochée…) et Freddie Highmore (Charlie et la chocolaterie, Arthur et les Minimoys…) dans le rôle de Norman, deux acteurs bien connus du grand public et qui assure à la série une certaine visibilité. De plus, les auteurs n’ont pas pris de risques inconsidérés et préfèrent jouer la carte du préquelle, en centrant leur intrigue sur la jeunesse de Norman et sur l’origine de sa folie. L’occasion pour eux de s’éloigner un peu plus de l’œuvre originale en revenant sur la relation fusionnelle et étouffante entre le jeune homme et sa mère.

 

Un lourd héritage

 

Si les auteurs marquent d’emblée leur désir de prendre un peu de distance avec l’œuvre originale, ils ne s’empêchent pas pour autant de faire quelques références aux films d’Alfred Hitchcock. Et je ne parle pas seulement du fait que les décors du motel et du manoir sont quasiment les mêmes qu’il y a plus de 50 ans, je parle aussi de certaines scènes très évocatrices. À titre d’exemple, on retiendra celle où Norma et son fils retirent les moquettes du motel afin d’effacer toutes les preuves du meurtre qu’elle vient de commettre. Ce nettoyage, méticuleux et méthodique, fait forcément écho à cette scène où Anthony Perkins dans le film de 1960, nettoie la scène du crime. De même, la courte scène où Norman jette un coup d’œil à la fenêtre de la chambre de sa mère en train de se changer, entre en résonance avec le Norman qui plus tard observera discrètement Marion Crane (Vera Miles) se déshabiller. Outre ses scènes qui font appel à la mémoire du téléspectateur, la série conserve également l’aspect sombre, angoissant et déstabilisant de son modèle.

D’ailleurs, la scène où le shérif (Nestor Carbonell) vient rendre visite à la famille Bates au motel est digne des plus grandes scènes de suspens. Quelques minutes avant son arrivée, Norma et son fils ont mis le corps de leur première victime dans l’une des baignoires du motel. Et comme les scénaristes sont diaboliques, le flic se pointe et décide d’inspecter les lieux. Au fil des portes qui s’ouvrent, la tension est de plus en plus palpable et on se surprend à craindre la découverte qu’il pourrait faire. Cette scène pleine de tension reprend ce principe hitchcockien qui consiste à mettre le spectateur dans la confidence pour faire naître le suspens. Ici, on pousse le vice au maximum en ayant toujours en tête cette question obsessionnelle : le flic va-t-il découvrir le cadavre et auquel cas que va-t-il advenir des personnages ?  

 

Le shérif Romero et un cadavre - Bates Motel - S01E01

Un rideau qui pourrait faire tout basculer: du suspens façon Hitchcock

 

Si Bates Motel prend bien le temps de rendre hommage à son aîné, il ne faut pas oublier qu’elle est avant tout une série résolument moderne, qui flirte constamment entre ses origines et l’époque à laquelle elle appartient. Il n’est d’ailleurs pas surprenant de retrouver dans la série d’autres influences que celles d’Hitchcock, la plus évidente étant celle concernant Twin Peaks. Tout comme dans la série de David Lynch, l’action se déroule dans une petite ville à l’apparence paisible, mais dans laquelle on ne parvient pas à être tranquille. Les habitants sont curieux et sont constamment en train de jeter un œil sur les moindres et faits et gestes, et surtout ils ont tous l'air de cacher des secrets, d’où cette impression d’inquiétante étrangeté.

Sous ses apparences un brin désuète, la série de Carlton Cuse est en réalité une série bien dans son temps, et ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les slahers movies des années 80 (Halloween en tête) semble être une source d’inspiration importante. On y retrouve la même manière de filmer, à coup de gros plans et de travellings en tout genre. La scène où Norma se fait violer est d’ailleurs très évocatrice de ce ton plutôt moderne : là où Hitchcock se serait abstenu de tout montrer et serait passé par la supposition, Bates Motel n'hésite pas à montrer l’horreur et de ce fait, procure une sensation de malaise que nous n’avions pas avec Psychose. Par le biais de toutes ces références, anciennes et nouvelles, on se rend bien vite compte que la série, plus que de nous déstabiliser, va surtout venir prolonger le plaisir que certains d’entre nous avaient pu ressentir en découvrant le film la première fois. Non, ce n’est pas une simple repompe du film de 1960, et c’est peut-être mieux ainsi…

 

Trouble de l'identité

 

L’une des grandes originalités de la série et qui en fera peut-être fuir certains, c’est cette impression de constamment osciller entre deux époques différentes. Comme je le disais précédemment, Bates Motel flirte de manière quasi constante entre ses origines qui nous vient des années 60 et les années 2000 auxquelles elle appartient. Pourtant, il faut croire que les scénaristes tiennent ici un décalage intéressant leur permettant d’exprimer de manière plus explicite la descente aux enfers du jeune Norman Bates.

En effet, il est important de constater que la plupart des décors et accessoires rétro sont présents à l’image seulement lorsqu’il y a Norma dans les parages, c’est-à-dire essentiellement tout ce qui a trait au motel et au manoir. Au contraire, les décors et accessoires plus modernes apparaissent principalement à l’extérieur, lorsque Norman se rend à une soirée lycéenne par exemple. Ce décalage entre le manoir et l’extérieur permet en réalité de faire osciller le jeune homme entre deux époques et d’une certaine manière entre deux mondes. C’est à travers ce choix original que les scénaristes commencent à dessiner progressivement l’avenir criminel de leur personnage principal : Norman est enfermé dans une autre époque et dans une vie qui n’est la sienne, mais celle de sa mère. Le contraste entre leur habitat et le monde extérieur est tellement fort qu’il permet d’accentuer leur mise à l’écart et les raisons de leur relation fusionnelle.

 

Norman Bates - Bates Motel - S01E01

À l'époque où Norman Bates se contentait encore d'envoyer des textos à ses copines

 

Ce décalage temporel qui est aussi là pour nous rappeler que nous sommes face à une histoire intemporelle, qui aura su marquer plusieurs générations,  met également en scène la psychologie déjà bien complexe du futur meurtrier : il est constamment dans un entre deux, tiraillé entre ses désirs d’adolescent et son amour pour celle qui l’a élevé. Sa double personnalité apparaît progressivement à travers ce qu’il est en tant que fils et ce qu’il aimerait être en tant que personne. Norma est une mère envahissante et possessive, qui voit son fils comme sa « seconde chance ». Elle a sans cesse besoin de lui pour se reconstruire et pour changer de vie. Elle est comme une petite fille qui refuse d’être seule et qui craint de devoir faire face à la réalité (ce n’est pas un hasard si elle demande à son garçon de dormir dans la chambre à côté d’elle). La mère de famille occupe tout l’espace et empiète sur celui de son fils, qui la suit aveuglément dans son délire.

C’est une chose bien délicate que d’avoir une série qui repose essentiellement sur la relation entre deux personnages, et sur ce point Bates Motel s’en sort très bien, aidé par des acteurs talentueux et une alchimie qui fonctionne à merveille. La scène de la barque, malsaine à plus d’un titre, est d’ailleurs l’apothéose de cette alchimie : le jeune Norman fait une effrayante déclaration d’amour à sa mère dans laquelle il lui dit qu’elle est sa vie et qu’ils s’appartiennent. Cette scène où l’intensité émotionnelle est à son comble, repose en grande partie sur le jeu des deux acteurs, qui à cet instant sont au top de leur forme. Freddie Highmore, le Charlie de Tim Burton, trouve avec Norman un rôle beaucoup plus mature qui dévoile tout l’étendu de son talent. Quant à Vera Farmiga, tout simplement sublime, est tellement convaincante dans son rôle qu’elle en devient parfois effrayante.

 

LA bonne surprise télévisuelle

 

L’un des grands défis de Bates Motel résidait dans le fait qu’il lui fallait trouver un style qui lui était propre. Outre ses références à Twin Peaks et aux slashers movies qui lui permettent de s’émanciper d’Hitchcock, la série peut aussi compter sur d’autres atouts personnels pour acquérir une certaine  légitimité. Je viens notamment de parler du fait de faire osciller son récit entre deux époques, ce qui, il faut le dire, est assez moderne.

 

Norma Bates - Bates Motel - S01E01

Une série qui en met plein les yeux !

 

On aurait pu craindre que cette nouvelle mouture de Psychose vienne salir l’original, mais que les adeptes se rassurent : la série s’éloigne complètement de son modèle pour venir proposer une vision très personnelle sur Norman et sa mère. Il n’y a qu’à voir le cliffhanger de cet épisode pour bien se rendre compte que cette nouvelle adaptation va prendre sa propre direction, et ce n’est pas plus mal comme ça. Carlton Cuse et sa comparse ne tombent pas dans le piège de la facilité, qui aurait consisté à proposer un simple copier-coller, car n’est pas Hitchcock qui veut.  

Esthétiquement réussie, on ne peut qu’être interloqué par le travail de mise en scène dont le réalisateur fait preuve. Les acteurs sont beaux, la lumière est belle… presque tout est beau dans Bates Motel. À tel point que la série pourrait très bien devenir LA bonne surprise de cette saison télévisuelle. À travers le mélange de différents genres et différentes influences, la série semble avoir trouvé sa propre identité. En espérant juste que son héritage ne finisse pas par devenir un fardeau trop lourd à porter, c’est avec un plaisir certain que j’attends le prochain épisode

 

J’ai aimé :

  •  Freddie Highmore et Vera Farmiga, tout simplement géniaux
  •  La liberté prise par rapport à l’œuvre originale
  •  L’esthétique de la série
  •  Le mélange des époques, qui vient parfaitement illustrer la psychologie tourmentée du héros.
  •  Les quelques références au Psychose de 1960
  •  La scène de la barque, avec une forte intensité émotionnelle
  •  La tension de la scène où le shérif vient au motel

 

Je n’ai pas aimé :

  •  Les scènes au lycée qui parfois peinent à convaincre
  •  Le générique trop sommaire

 

Ma note :       15/20  

Bates Motel est une série audacieuse qui s’avère être à la hauteur de ses ambitions. Ce pilote plus que prometteur donne lieu à plusieurs scènes vraiment intéressantes et ouvre la voie à une série qui n’a pas fini de nous surprendre… À surveiller de très près. 

L'auteur

Commentaires

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Taoby
Excellente critique qui m'a donné quelque clefs pour comprendre le pilot. Même si je ne partage quand même pas le même enthousiasme, et que quelques craintes demeurent. Déjà j’espère comme tu dis que toute la ville est une sorte de Twin Peaks, car si ce n'est pas, je trouve que ça manque carrément de subtilité, je veux bien qu'on casse quelques codes. Mais là. Les biatchs devant l'arrêt de bus de son cloaque, où en décapotable qui tombe sous à fond sous son charme. C'est pas très crédible, ni subtile. J’espère que ça cache quelque chose. Les flics qui passent 2 minute après le meurtre, et qui inspecte la maison sans véritable motifs, juste pour foutre un semblant de tension, bof aussi. (Même si tu explique très bien l'utilité de la scène) Mais là aussi, j'espère que ça cache quelque chose. Tout comme la scène de fin... Too much. Et certes j'ai aimé les deux acteurs, même si j'attendais peut être plus de leur relation. Après comme tu dis, il y a des clins d’œils savoureux a Psychose, ta remarque sur le fait que Norma enferme Norman dans une époque, c'est très juste et pour le coup subtilement amené. Mais j'ai quand même du mal à comprendre comment la série va fonctionner, et j'ai peur que l'on nous serve quelque chose de forcé, polissé (c'est l'impression que j'ai eu parfois) en fait tout simplement too much et HS. L'épisode 2, devrait me permettre d'y voir plus clair. Mais très bonne critique.

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Cail1
Tout d'abord merci pour tes compliments, ça fait toujours plaisir et ça donne envie de continuer ;) Concernant la série je peux comprendre tes doutes, mais je dois avouer que ça a été un véritable coup de coeur. Du coup, j'ai peut-être pas toujours pensé à souligner les défauts de l'épisode.

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