Ce papier fait office de critique des deux premiers épisodes.
Le monde de la télévision est vraiment le lieu de tous les possibles. Dans cette période particulièrement propice aux remakes et adaptations de livres / comics / jeux vidéo, les producteurs et chaînes télé ne prennent plus aucun risque. Pourquoi s'embêter à développer de nouvelles séries quand on a déjà un background prêt à être utilisé sous la main ? Dans cette acception des choses, tout devient alors possible : Futurama peut revenir à l'antenne sept ans plus tard, Heroes peut obtenir une suite, Community, une saison 6 et un film, et Jack Bauer reprendre du service. Pour le meilleur et surtout pour le pire.
Jack VS Le temps qui passe
24 a fait date dans l'histoire des séries. Portée par un concept innovant et par une première saison réussie, la série a surtout permis à la Fox de se positionner sur le devant de la scène et à Canal + de populariser la fiction US à la télévision française. 24, c'est vraiment une institution sérielle : un format usé jusqu'à la corde, un duo de créateurs républicains, une chaîne assez réactionnaire, une période politique particulière et un héros charismatique.
J'étais donc assez sceptique de voir revenir la série seulement quatre ans après. 24h chrono a toujours correspondu, selon moi, à un moment spécial de la vie politique US : les années « Bush ». On ne comprend pas 24 si on ne comprend pas l'époque pendant laquelle elle a été diffusée. Je crois que c'est même la série qui est la plus liée à sa période de diffusion. Prévu pour être diffusé le 30 octobre, le pilot est repoussé une semaine plus tard à cause des attentats du 11 septembre. Pourtant filmée pour moitié avant cet événement tragique, la saison 1 transpire de partout la peur du terrorisme. La série a même parcouru les années Bush comme un mantra. L'arabe ? C'est un terroriste (saison 2, 3, 4 – un must - et 8). Le russe ? Il ment et vend des armes aux terroristes (saison 8). Le chinois ? Il est beaucoup trop puissant et doit être arrêté (saison 5 et 6). L'administration US ? Pas digne de confiance, corrompue jusqu'au dernier degré et incapable de prendre les bonnes décisions (saison 6 et quasiment toutes les saisons). La torture ? Elle est nécessaire et utile (toutes les saisons). 24h chrono est la confirmation fictionnelle de chacune des théories propagées par Fox News depuis sa création. Ce n'est pas un show républicain, c'est un show encore plus républicain que les Républicains eux-même.
Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que la dernière saison avait été tournée deux ans après l'élection d'Obama. La question de l'adaptation de la série dans cette nouvelle ère était donc particulièrement attendue. Au fond, tout était déjà compris dans le titre de cette nouvelle saison : Live Another Day. Comment Jack allait-il s'adapter ?
La réponse est très simple et tient en un mot : Rien. Tout simplement en ne faisant rien. Le monde a changé, mais pas 24. C'est exactement le même show. Strictement la même façon de faire, de tourner et de produire. C'est le même scénario (une tentative d'assassinat sur le président des États-Unis) interprété par les mêmes personnages (Jack, Chloé bien sûr, mais aussi Audrey Raines et son père, James Heller) confrontés aux mêmes enjeux. C'est toujours la même série passéiste, fauchée, conservatrice et réac'. Mais putain, qu'est ce que c'était bon !
Jack VS Julian Assange, Edward Snowden et les drones.
La série n'aurait pas eu de break, je ne serais sans doute pas en train d'écrire ces lignes, car je n'aurais probablement jamais regardé cette neuvième saison (j'ai décroché 24 après la catastrophique saison 6). Le temps a fait du bien à l'ami Bauer. Mieux, il l'a bonifié. En 2001, la série faisait figure d'avant-garde totale dans le paysage sériel. En 2014, tout a mal vieilli et c'est précisément ça qui est très plaisant. Il aura fallu treize ans pour – enfin ! - transformer 24 en ce qu'elle tentait de fuir depuis tout ce temps : un beau et magnifique nanard. La Rolls-Royce du guilty pleasure de compétition. Le must absolu en matière de divertissement stupide. Le panard totale.
Mieux encore, la série se permet désormais des envolées lyriques assez extraordinaires. Les Démocrates siégeant désormais à la Maison-Blanche, l'ennemi est encore plus interne qu'autrefois. C'est Jack qui le dit lui-même dans une scène d'anthologie, située dans le second épisode :
Chloé : Au moins, je fais quelque chose pour combattre ce système.
Jack : Comment ? En dévoilant des informations classifiées ? Des secrets militaires ? Les gens sont dehors. Ils meurent sur le terrain, Chloé.
Chloé : Les agences gardent les secrets, car ce qu'ils font est criminel.
Jack : (rire nerveux) Tu es plus intelligente que ça...
Et hop ! Emballé, c'est pesé. En deux épisodes de 42 minutes, la série tape exactement sur les deux plus grosses failles d'Obama : les fuites de Wikileaks et les drones (le show montre qu'il est très facile de prendre le contrôle à distance d'un drone). Du bon boulot de la part des scénaristes. Well done Fox. Well done.
Jack VS 12
Au fond le plus gros changement, c'est celui qui est imperceptible dans ces deux épisodes (qui se déroulent à la suite) : la série ne va se tenir qu'en douze épisodes. Et, c'est probablement la nouvelle la plus réjouissante de ce retour. Très tôt, la série a été plombée par son format. Je pense même que 24 n'a jamais été adaptée pour 24 épisodes. C'est Howard Gordon (producteur inamovible du show) qui le dit dans le livre du critique américain Alan Spinwall (« The Revolution was Televised ») :
It's like driving at 65 miles per hour on the highway and you're building the highway as you're driving […] We wrapped in May and started shooting in July. You can't plot 24 episodes in that time.
Résultat, qu'est ce qu'on a eu ? Kim qui se fait courser par un cougar en saison 2 (l'intrigue bouche-trou par excellence de la série) et Jack qui fait du mal à un bébé en saison 7 (True Story). Douze épisodes vont au moins permettre aux scénaristes de 24 de pouvoir mener trois intrigues de front sans se risquer à l'exercice délicat de la divergence. C'est déjà ça de gagné.
Jack Baeur dispose donc d'encore dix heures pour vous convaincre de l'utilité de son retour. Après juste deux heures, je suis – pour ma part – déjà emballé. Plus court et plus serré, je t'aime comme ça, 24h chrono.
J'ai aimé :
- Le petit frisson à la réapparition du timer sur l'écran .
- Jack Bauer silencieux pendant les trente premières minutes du season premier. Rep a sa Hodor.
- Le retour des deux personnages les plus intéressants de la série : Audrey Raines et son père.
- Kieffer Sutherland dans le rôle de sa vie. A jamais et pour toujours, le seul et l'unique Jack Bauer.
Je n'ai pas aimé :
- Chloé Sullivan tentant le cosplay de Lisbeth Salender de Millénium
- La faiblesse de l'intrigue des drones.
- Des personnages têtes à claques dont on se fout déjà. T'étais mieux dans The Wire, Gbenga Akinnagbe.
Mes notes :
- 1er épisode : 13/20.
- 2nd épisode : 12/20.