Critique : American Horror Story 5.01

Le 12 octobre 2015 à 17:32  |  ~ 17 minutes de lecture
Cette année, American Horror Story vous ouvre les portes de l’Hôtel Cortez, un lieu "sympathique" où se rencontrent junkies, cannibales et sodomites.
Par Cail1

Critique : American Horror Story 5.01

~ 17 minutes de lecture
Cette année, American Horror Story vous ouvre les portes de l’Hôtel Cortez, un lieu "sympathique" où se rencontrent junkies, cannibales et sodomites.
Par Cail1

Dire que cette nouvelle saison d’American Horror Story était attendue serait un doux euphémisme…

Si la série a pour habitude de susciter des attentes, jamais celles-ci n’avaient été aussi grandes que cette saison.

Il faut dire que les annonces entourant ce cinquième volet de la saga horrifique avaient de quoi entraîner si ce n’est de l’intérêt, au moins de la curiosité. Entre le départ de Jessica Lange, figure emblématique de la série depuis ses débuts, et l’arrivée de Lady Gaga comme tête d’affiche de ces nouvelles aventures, les craintes étaient toutes aussi nombreuses que les espérances.

La série allait-elle parvenir à se remettre du départ de son actrice principale ?

Quel serait le personnage campé par Lady Gaga ?

La pop star allait-elle parvenir à faire oublier la génialissime Jessica Lange ?

Si nous n’avions pas encore de véritables réponses, nous avions au moins des promesses, notamment celle d’assister à quelque chose de complètement différent de ce que nous avions pour habitude de voir dans la série. Certains allant même jusqu’à parler de cette cinquième saison comme celle de la réinvention. Après deux saisons assez décevantes (surtout la troisième) et alors que la série semblait être devenue légèrement paresseuse au fur et à mesure des années, cette nouvelle arrivait à point nommé et avait de quoi réjouir la plupart d’entre nous… Si on ajoute à cela les teasers plus que réussis de cette cinquième saison, on peut même affirmer que tout avait été mis en place pour faire saliver d’impatience les fans les plus fidèles du show.

Maintenant que l’Hôtel Cortez a officiellement ouvert ses portes, il est temps pour nous de commencer à analyser ce que vaut vraiment cette fameuse cinquième saison et vérifier ce que donnent toutes ces belles promesses. Voici donc les six commandements de l’hôtel.

 

 

Commandement n°1 : Excessive et trash tu seras

 

Parmi toutes les promesses qui avaient été faites concernant cette cinquième saison, il en est une dont je me serais bien passé : celle concernant l’effusion de sexe, de drogue et de sang. Malheureusement, c’est aussi cette promesse qui a été la plus respectée à l’issue de ce premier épisode.

Tous les fans le savent : American Horror Story a toujours été volontairement excessive dans sa manière de mettre en scène l’horreur. Viol, torture, meurtre sanglant… En quatre ans, la série ne s’est quasiment rien refusé, prête à tout pour choquer toujours un peu plus ses spectateurs avides de frissons et d’émotions fortes.

Pour autant, la série était jusqu’ici parvenue à maintenir un certain équilibre pour ne jamais tomber dans le trash. La plupart des scènes choquantes présentes durant les quatre premières saisons avaient presque toujours une raison d’être et surtout elles étaient suffisamment dispersées dans le temps pour ne jamais devenir totalement dérangeantes. D’autant plus que ces scènes « gores » font partie intégrante de l’identité de la série et qu’il paraît donc impossible de passer à côté.

Seulement voilà : trop c’est trop !

Dans ce season premiere, la série tombe dans la surenchère. En seulement une heure, elle enchaîne à un rythme effréné et avec beaucoup de maladresses des scènes toujours plus provocantes :

  • Un homme défiguré et dans un état de décomposition sort d’un matelas.
  • Un homme dépourvu de yeux et de langue se retrouve cloué à un lit, le pénis collé à sa défunte maîtresse.
  • Une jeune fille se fait dévorer par des enfants cannibales.
  • Un junkie a le droit à une petite séance de sodomie improvisée et très explicite.
  • Deux jeunes filles se retrouvent prisonnières d’une cage en attendant de boire une mixture composée d’ingrédients bien ragoûtants.
  • Une petite partouze qui s’achève dans un bain de sang.

 

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Voici en gros le programme de ce premier épisode qui, à force d’être intense, prend des allures de grand fouillis. En une heure, on a un peu l’impression d’assister à un grand mélange des scènes les plus marquantes de la série. Cela aurait pu être sympathique et intéressant si au moins il y avait de la cohérence. Ici, certaines de ces scènes semblent avoir été intégrées juste pour le plaisir de déranger le spectateur, et par là même créer une ambiance plus malsaine que jamais.

Seul petit souci : tout cela se fait au détriment du scénario et des personnages qui se retrouvent noyés par cette succession de scènes gores aux effets visuels toujours plus marqués. À force de vouloir trop en faire dans l’horreur, la forme prend le pas sur le fond et la série se retrouve comme vidée de son âme. American Horror Story est ici rattrapée par les limites de son concept, et ce qui était l’une de ses plus grandes qualités devient progressivement son plus gros défaut, comme si la série n’était finalement plus que l’ombre d’elle-même. À défaut de surprendre, Ryan Murphy a décidé de choquer et marquer la mémoire de son spectateur en misant tout sur l’horreur. Pas certain que ce programme soit suffisamment pertinent pour convaincre sur le long terme.

 

 

Commandement n°2 : Les références gratuitement tu enchaîneras

 

Comme il est de coutume depuis sa première saison, American Horror Story multiplie une fois de plus les références au cinéma d’horreur. Cette « intertextualité » est sans doute l’un des aspects les plus attrayants de la série depuis ses débuts. Chaque année, c’est toujours un plaisir de rechercher ici et là les différentes références qui ponctuent les épisodes. Autant le dire tout de suite : ce plaisir a un peu disparu avec ce season premiere.

 

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Comme avec les scènes choquantes, la série a apparemment perdu de sa finesse, et elle ne se donne même plus la peine de dissimuler ses références. Par conséquent, ces dernières deviennent soit trop faciles, soit trop gratuites, soit trop explicites… Qui dit hôtel dit forcément Shining et qui dit vampirisme dit forcément Nosferatu. J’ai connu les scénaristes plus inspirés et moins paresseux. La série est tombée dans une forme de suffisance et de facilité assez dérangeante et qui n’augure rien de bon pour la suite.

 

 

Commandement n°3 : Tes personnages tu déshumaniseras

 

Les personnages ont toujours été l’un des principaux atouts d’American Horror Story. Chaque année, la série nous réserve son lot de protagonistes étranges, curieux, fascinants et effrayants. En principe, c’est toujours une réussite et c’est même d’ailleurs l’une des choses qui permet à la série d’échapper à une certaine forme de platitude. C’est peut-être aussi ce qui pourrait sauver « Hotel »… c’est en tout cas ce à quoi peut faire penser ce premier épisode.

Comme d’habitude, les personnages présentés dans ce season premiere sont suffisamment intrigants pour donner envie de s’intéresser un minimum à eux et donc à leur devenir. C’est le cas surtout du couple formé par Lady Gaga et Matt Bomer. À la fois touchant et effrayant, ce duo fonctionne plutôt bien et donne à voir des espèces de vamps sexys et modernes.

Si les autres personnages sont tout aussi troublants, ils ne sont pas aussi percutants. La faute à cette sensation de « trop plein » que j’ai déjà évoquée précédemment. Pour le moment, la majorité d’entre eux ne sont réduits qu’à leur concept et manquent de profondeur. C’est le cas notamment d’Iris qui semble n’être là que pour mettre mal à l’aise les différents clients de l’hôtel. Si Kathy Bates fait le job, j’aurais aimé un personnage plus nuancé, à l’image de la comtesse capable de douceur et de cruauté. Il faut attendre un flash-back en toute fin d’épisode pour découvrir le personnage dans une dimension plus humaine.

 

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De la même manière, la junkie Sally reste un « personnage concept » en ce sens qu’elle n’est là que pour nourrir l’atmosphère recherchée par Murphy sans véritablement lui offrir davantage d’intensité. Pourtant, Sarah Paulson est une fois de plus excellente et surprenante. Dans la même logique, on pourrait également évoquer le personnage de travesti incarné par Denis O’Hare. Ces protagonistes donnent l’impression de n’être que des produits ou des matériaux dont on se sert uniquement pour mettre en place une ambiance particulière et faire briller Lady Gaga. Ce défaut, il était déjà présent dans les autres saisons d’American Horror Story, mais jamais de manière aussi marquée.

C’est fort regrettable car le casting fait une nouvelle fois des merveilles et contribue grandement à l’intérêt que l’on peut avoir envers le show. N’oublions pas cependant qu’il ne s’agit que d’un premier épisode et qu’il est toujours possible que les choses s’arrangent par la suite. Après tout, nous sommes face à American Horror Story, une série où toutes les surprises – bonnes ou mauvaises – peuvent arriver. Quoi qu’il en soit, le problème de ce premier épisode est loin de venir du casting. Il vient surtout de son écriture inaboutie et qui ne parvient jamais à sublimer la performance de ses actrices et de ses acteurs qui pourtant mettent du cœur à l’ouvrage.

 

 

Commandement n°4 : Faire oublier Jessica Lange tu devras

 

Il faut le dire : l’une des principales attractions (j’insiste sur ce mot) de cet épisode, c’est quand même Lady Gaga. La pop star connue autant pour ses clips étranges que pour ses tenues vestimentaires douteuses, ses frasques et ses débordements, a la lourde tâche de succéder à la sublimissime, génialissime et gigantissime Jessica Lange. Avec l’emploi de ces superlatifs, inutile de vous préciser à quel point je suis fan de la dame et à quel point je ne suis pas du tout objectif quand il s’agit de parler d’elle.

Pour moi, Jessica Lange c’était un peu le cœur de cette série. Grâce à elle, je pouvais presque tout lui pardonner, autant ses écarts que ses erreurs de mauvais goût. Est-ce que cela signifie que son absence va jouer un rôle dans la perception que je vais avoir de cette saison ? Peut-être… En tout cas, elle va modifier considérablement mon rapport à la série et cela se ressent dès ce premier épisode. Là où j’avais pris pour habitude de m’accommoder de certains aspects dérangeants de la série spécialement pour avoir le plaisir de voir jouer Madame Lange, j’ai eu cette fois plus de mal à passer outre certains défauts qu’il est inutile de rappeler.

Le célèbre proverbe dit « Quand le chat n’est pas là, les souris dansent ». C’est exactement ce qui se passe ici. Sans Jessica Lange, les scénaristes semblent se libérer et se lâcher complétement, allant toujours plus loin dans le sexe, la violence et les effusions de sang. De là à croire que l’actrice les empêchait de franchir certaines limites, il n’y a qu’un pas…

 

 

Commandement n°5 : Ta nouvelle créature tu présenteras

 

Si miss Gaga apporte quelque chose avec son air mystérieux, elle est déjà elle-même un concept qui vient se greffer dans un autre concept. Dès lors, ce que la série perd en naturel et en finesse, elle le gagne en superficiel et en artifice. Lady Gaga est déjà un personnage préfabriqué de toutes pièces, et cette saison se présente surtout comme le délire d’un fan à qui on aurait offert l’occasion de mettre en vedette ce personnage déjà hyper connu et reconnu.

 

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Il est clair que la star crève l’écran et parvient immédiatement à s’imposer. Même si elle se fait attendre un long moment lors de ce premier épisode, son apparition occulte tout le reste… Les autres acteurs sont alors quasiment traités comme des pions dont l’unique but est d’alimenter l’univers un brin décalé de la star. Ils ne sont plus que les monstres de la « Mother monster » et nous ne sommes pas loin du « Lady Gaga Show ».

Personnellement, j’aurais aimé davantage de surprises dans la manière de mettre en scène la star. Si je trouve son personnage intéressant et fascinant, j’aurais aussi aimé la découvrir là où on ne l’attendait pas… Cette fois, c’est sûr : cette saison, les scénaristes ont apparemment fait le choix de la facilité. Si les fans de Lady Gaga seront ravis de la direction prise par la série, les autres devront malheureusement faire avec (ou pas). Du reste, la star interprète magnifiquement bien son rôle et certains y verront là l’essentiel.

 

 

Commandement n°6 : Ton ambiance tu soigneras

 

D’un point de vue esthétique, la série n’a pas perdu de sa superbe, et une fois de plus un travail minutieux a été apporté aux décors et aux costumes. Ce travail aurait été encore plus impressionnant s’il n’était pas parfois enseveli sous des effets visuels trop débordants et pas toujours utiles. L’ensemble reste cependant impressionnant et nous rappelle à quel point la série est toujours aussi bien produite.

 

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Pour ce qui est du décor, l’hôtel Cortez est l’endroit idéal pour parfaire une ambiance angoissante. Avec un hall immense et des couloirs plus étriqués, l’organisation spatiale de l’hôtel installe presque immédiatement une sensation de malaise et d’inconfort. Cet effet est accentué par les figurants (enfants morbides, adultes dépravés et autres énergumènes) qui hantent les lieux et les chambres de l’hôtel. À ce propos, les pérégrinations des personnages dans les couloirs valent largement le coup d’œil. On se demande ce qui peut bien se passer derrière chaque porte et le climat devient très vite oppressant.

Pour ce qui est des costumes, nous nous souviendrons surtout de ceux de Lady Gaga bien entendu, mais aussi de ceux de Sarah Paulson et Denis O’Hare. Quasiment méconnaissables, les deux comédiens surprennent dans la peau de ces deux personnages loufoques. Dommage que cela soit une nouvelle fois noyé au milieu de plusieurs artifices.

 

Si pour certains, Hotel signe un retour aux sources de la saga, pour moi cette saison sonne le glas de la série. Ce premier épisode tombe dans la surenchère et dans la facilité. Trop de gore, trop de sexe, trop d’artifices, trop d’effets visuels… Les scénaristes sont sans retenue et semblent prêts à tout pour effrayer et mettre à mal à l’aise leur spectateur, au risque d’en faire toujours trop. Comme Glee, autre création de Ryan Murphy, American Horror Story est rattrapée par son concept et finit par se contenter de ce qu’elle sait faire sans se soucier d’une quelconque cohérence et sans même chercher à surprendre davantage. Si le casting reste solide, l’ambiance bien travaillée, les décors et les costumes soignés, l’impression de trop plein prend finalement le dessus et finit par occulter totalement le scénario et les personnages. Si cette saison s’annonce donc intense et jouissive, elle se présente aussi comme un fouillis qui on l’espère sera un minimum organisé.

 

J’ai aimé :

 

 

  • Le casting toujours aussi solide
  • Les décors et les costumes toujours aussi soignés
  • Les pérégrinations dans les couloirs étriqués du Cortez Hotel
  • Le climat oppressant
  • Le générique toujours aussi glauque
  • La musique est plutôt bien choisie dans l'ensemble

 

 

Je n’ai pas aimé :

 

 

  • L’impression de surenchère qui habite cet épisode
  • Le manque de prise de risque
  • Le traitement parfois haché de certains personnages
  • Quand « American Horror Story » devient presque « The Lady Gaga Show »
  • Un scénario encore très brouillon et étouffé par l’ambiance générale (typique de la série)
  • Les effets visuels pas toujours utiles
  • L’absence de Jessica Lange :’(

 

 

Ma note : 12/20.

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