Le dernier film de Sam Raimi, Le Monde Fantastique d’Oz, est une bouse affreuse (on dirait que Sam a volé la palette graphique de l’affreux Alice au Pays des Merveilles de l’ancien génie Tim Burton), consensuelle et sans aucune personnalité.
C’est dit.
Ça m’a vraiment déchiré le cœur car Sam, avant ça, avant même la trilogie Spiderman (la première avec Tobey Maguire), a été le réalisateur du meilleur film d’horreur du monde, à savoir Evil Dead (et c’est Stephen King, himself, qui l’a dit).
How to Make a Monster
Tourné dans des conditions d’amateurisme total (un tournage qui s’est prolongé sur trois ans avec un budget dérisoire et des bouts de ficelle pour les trucages), par un Raimi âgé de 20 ans, Evil Dead partait d’un scénario tenant sur un timbre poste (des jeunes dans une cabane réveillent par erreur des forces démoniaques) pour proposer un énorme train fantôme horrifique. Il fallait être bien installé, car c’était parti pour une heure et trente minutes de gore, de cris, d’excès, de possessions démoniaques, d’amputations, de décapitations, de litres de sang versés par seaux et du très mauvais goût (un viol végétal), le tout saupoudré d’un humour loufoque à la Tex Avery (cf. l’interprétation halluciné de Bruce Campbell tout en roulements d’yeux et grimaces à gogo). Le cocktail était explosif et faisait sans cesse passer le spectateur du rire au dégout. Puis, semblant de rien, le film innovait dans le paysage des films d’horreur en deux points :
- En expédiant son intro en vingt minutes pour proposer une succession non-stop de scènes chocs, là où avant, les films avaient tendance à offrir au maximum une ou deux scènes d’effroi et à les relier par de longs passages de bavardages parfois inutiles.
- En reversant les clichés inhérents aux films d’épouvante, car ici ce sont les femmes qui agressent les hommes et leur font subir mille outrages.
Et même si les effets spéciaux ont bien vieilli, Evil Dead est toujours à conseiller fortement, rien que pour son énergie et sa folie.
Evil Dead (1981)
S’en est suivi un deuxième acte où l’augmentation du budget a permis de jouer à fond la carte du grand-guignolesque, comme en témoigne la scène (voir le lien) où la main de Ash, possédée, l’attaque et que celui-ci n’a d’autre choix que de la couper. Et de s'installer une tronçonneuse sur le moignon. Puis un troisième épisode très controversé (aucune goutte de sang, Ash poursuivant ses aventures au Moyen Age), une comédie musicale (oui, oui) et enfin, en 2013, un remake qui, s’il reste plus honorable que la triste moyenne actuelle (Poltergeist, Carrie), faisait à mon sens, l’erreur d’un trop grand sérieux. De ce fait, les extravagances n’étaient plus excusées par le second degré et le film flirtait avec l’incohérence, voire la paresse scénaristique (exemple l’exorciste qui guérit miraculeusement une peau brulée au troisième degré).
Evil Dead 3 : Army of Darkness
Et voilà qu'en 2015, Sam Raimi réanime ses créatures sous le format d’une série. Cerise sur le gâteau, Bruce Campbell participe au projet et reprend son rôle de Ash. La bande-annonce m’avait mis l’eau à la bouche et j’attendais avec impatience le pilote. La série allait-elle être une réussite ? Au contraire, n’était-ce pas l’ultime coup de pelle enterrant la saga ?
Trêve de suspense, c’est de la bombe, bébé !
Ash vs Evil Dead
A Date With Elvis
L’histoire est la suite directe des films. On retrouve, de nos jours, Ash, employé d’un magasin d’équipement. Le voilà qui commence à avoir d’inquiétantes visions quand soudain, la mémoire lui revient : lors d’une soirée défonce, pour draguer une fille, il a lu le Necronomicon (aka. le Livre des Morts) et a involontairement réveillé le Mal. Celui-ci ne tarde alors pas à s’en prendre à la ville et à ses habitants.
À partir de là, c’est parti mon kiki et la machine peut se remettre en route.
Inutile de tourner autour du pot, la véritable attraction de ce retour est bel et bien Bruce Campbell. Acteur que j’estime beaucoup (il joue aussi dans le tout bizarre Bubba Ho-tep, où il interprète un Elvis Presley toujours en vie mais septuagénaire, luttant contre une momie décimant les patients de sa maison de retraite), Bruce, en roue libre, reprend son rôle culte et s’éclate comme un fou. Grandiose en gros lourd, dragueur, arrogant, lâche, grossier et légèrement stupide, cabotinant comme un diable sorti de sa boite, maniant l’autodérision avec délectation, son plaisir est jouissif à voir. Et très communicatif. D’autant qu’il est toujours volontaire pour se prendre un maximum de coups dans la gueule pour notre plus grand bonheur.
La magie fonctionne donc, de la première scène où il se torture à enfiler un corset, à la dernière où, la gueule couverte de sang, un fusil à pompe à une main, et une tronçonneuse à la place de l’autre (image ô combien iconique), il lâche son légendaire « Groovy ». Il est content d’être là.
Et moi, je suis heureux comme un gamin le lendemain de Noël.
Look Mom, No Head!
Donc le pilote ne perd pas de temps et les possessions démoniaques font rapidement leur retour. Et soulagement, la série ne recule pas devant le gore, devant les démembrements, les explosions de crânes et les hectolitres d’hémoglobine, mais en retrouvant son humour potache originel. On y décapite, on y tronçonne, on y crève les yeux dans un humour très cartoon, comme un Tom et Jerry, où chaque coup ferait jaillir un geyser de sang.
Et la série prouve aussi, lors de la scène avec les deux flics dans la maison, lors du pilote, qu’elle est capable d’instaurer une vraie tension, une vraie peur. La mise en scène d’un Sam Raimi retrouvé et minimisant les jump scare y est pour beaucoup. On sent bien que lui aussi s’éclate sur ce projet. Et comme il n’a pas son pareil pour créer une atmosphère inquiétante, rien qu’avec une mise en scène, des cadrages décalés et un peu de brouillard, le plaisir est total.
Stay Sick!
Maintenant, car rien n’est parfait dans ce monde, je vais partager mon gros doute sur la série. Si les deux sidekicks de Ash sont assez sympathiques, j’ai du mal à imaginer comment Ash vs Evil Dead va réussir son pari de tenir sur la durée. Le concept est assez mince (des monstres attaquent, Ash les tue, point).
Ne pas se répéter sera un vrai challenge et il faudra développer la mythologie.
Le deuxième épisode, s’il tient encore la route et propose un réjouissant décalage d’Un dîner presque parfait, confirme mes craintes. Par contre, Sam Raimi a eu l’heureuse idée de réduire la durée de l’épisode à vingt-cinq minutes. Ainsi, la série continue d’aller à l’essentiel et d’assurer un rythme infernal. Jusqu’ici donc, tout va (très) bien.
Bref, la recette est simple et funky : prendre plaisir à faire gicler le maximum de litres de sang et d’enchaîner les morts violentes. Alors peut-être cela va-t-il vite s’épuiser, mais rien que pour ce début de saison excellent, jubilatoire, enthousiasmant, fou, régressif, barré, ultra gore, Rock’n'Roll, réjouissant, délirant, drôlatique, orgasmique, groovy (je commence à manquer de qualificatifs), je dis merci, oh oui, merci.
Ça mérite bien une note méga élevée.
J'ai aimé :
- Mon plaisir coupable de voir le retour en grande forme de cette saga.
- Bruce tout puissant.
- Du gore à gogo et de l’humour potache à la pelle.
- Comment ne pas exulter ?
Je doute :
- Comment durer ?
Mes notes : 18/20 pour le pilote, 14/20 pour le deuxième épisode.
Les liens des chansons :
Les titres des paragraphes sont des noms d'albums du groupe The Cramps. Pour plus de détails, voici des liens pour certaines de leurs chansons :
- What's Inside a Girl? (extrait de l'album "A Date With Elvis")
- Eyeball in My Martini (extrait de l'album "Look Mom, No head!")
- God Damn Rock'n Roll (extrait de l'album "Stay Sick!")
- Human Fly (un classique de chez classique, extrait de la compilation "How to Make a Monster")