J’imagine que certains ont pu être déçus par cet épisode. Après tout, il y avait beaucoup d’action dans le précédent, et on aurait pu penser qu’ils continueraient sur cette lancée. Que le fil rouge allait prendre (enfin, diront les mauvaises langues) de l’importance… Eh bien non, raté.
Quoique… à bien y réfléchir il se passe tout de même pas mal d’évènements autour de Nucky, et Jimmy franchit un pas important. Mais en fait, on s’en rend à peine compte. Parce qu’après avoir vu l’épisode on ne se souvient que de Margaret. Et de l'Irlande.
Depuis Tyrion Lannister, les nains ont la cote à HBO
Ze pitch
La TSF fait une arrivée remarquée dans les foyers américains (ambiance). Margaret va à New York pour revoir sa famille qu’elle n’a plus revue depuis des années. Pendant ce temps là, l’agent Van Alden se retrouve avec un bébé sur les bras, la jeune génération des gangsters commence à passer à l’action, et une enquête officielle est ouverte sur Nucky, qui voit décidément la liste des ses amis réduite à peau de chagrin…
Femme des années 20 ayant réussi l'amalgame de l'autorité et du charme
Bon, il faut bien faire un jour son coming-out : alors voilà, je l’avoue. Margaret, je t'aime.
Tu étais de loin mon personnage préféré dans la première saison, et j’étais frustrée que tu sois devenue aussi transparente dans la deuxième. Jusqu'ici.
Pourquoi t’aime-je ? Tout simplement parce que tu as l’originalité d’être un personnage à la fois complexe ET de sexe féminin.
Et quand on y pense, c’est rare dans les œuvres de fiction, notamment dans les séries américaines : les femmes y sont le plus souvent réduites à des archétypes (la vierge, la putain, la femme fatale, la femme de tête, l’épouse aimante et/ou volage, etc…), c’est à se demander si nous autres femmes sommes capable d’avoir des sentiments complexes (autres qu’amoureux...) comme les hommes. Ruth et claire de SFU étaient des personnages inoubliables pour cette raison : rarement femmes de fictions m’auront semblé plus humaines. Tu ne les égale certes pas, Margaret, mais ton personnage est malgré tout passionnant.
Nous avons appris à te connaître petit à petit dans la première saison. Immigrée irlandaise, femme battue et mère de deux enfants, tu nous étais présentée comme étant une femme intelligente, sérieuse, opiniâtre, féministe et engagée. Bref une véritable icône à la droiture morale évidente. Mais au fur et à mesure que la saison avançait nous avions découvert des nuances très intéressantes.
T'es-tu unie à Nucky par amour ? Par désir d’ascension sociale ? De vie luxueuse ? Pour tes enfants ? Sans doute un peu de tout ça, mais ce qui est admirable c’est que tu n’as jamais perdu ton aura de dignité et de respectabilité malgré ton nouveau statut dévalorisant de femme entretenue. C’est ça aussi que j’aime chez toi : tu sais être belle sans être sexy, être désirable sans être séductrice.
Owen face à Margaret... on ne dira jamais assez à quel point BE est une série magnifiquement réalisée. Regardez-moi ce travail sur la composition de l'image et la lumière !
Mais depuis le début de la saison 2, tu végétais. Ton attirance pour le bel Owen Sleater (qui se comprend, soit dit en passant) présageait une intrigue de roman de gare indigne de Boardwalk Empire, et ton rapprochement familial s’annonçait ennuyeux au possible. Tout du moins le croyais-je. Mais cet épisode vient à point remettre les pendules à l’heure puisque tu y retrouves ton aura.
Oui. Margaret est un peu LE personnage qui est là pour nous rappeler ce qu’était la condition des femmes au début du XXème siècle. On sent qu’elle a besoin d’indépendance mais que la société l’oblige à dépendre des hommes. Elle a échappé de peu à l’enfer des couvents irlandais pour « filles perdues », les tristement célèbres couvents de la Madeleine (les "Magdalene sisters") pour avoir été enceinte hors mariage. Elle dit avoir fait une fausse couche à l’occasion, mais je suis prête à parier qu’elle a en fait avorté. Elle a voulu chercher la liberté en Amérique, pour tomber sous la coupe d’un mari abusif qui la bâtait, etc… raconté comme ça ça peut sembler faire beaucoup pour une seule femme, mais les scénaristes de Boardwalk Empire sont suffisamment talentueux pour que ça passe tout seul, et qu’on ressente de l’admiration pour cette femme moderne dans un monde rétrograde vis-à-vis des femmes.
L’Irlande est un pays formidable
Grâce à wikipedia, je sais désormais que ce n'est pas un hasard si on parle tant de l'Irlande dans cette saison de Boardwalk Empire puisque 1921, l’année où se déroule son intrigue, est une année charnière pour l’Irlande : en effet, la fin de l’année verra la signature du traité de Londres, qui marqua le début de l’indépendance du pays, après 2 ans de guerilla de l’IRA contre la police anglaise. Puisque l’immigration irlandaise au XIXe siècle constitua une forte proportion de la population américaine, il est tout naturel que les évènements politiques d’Irlande aient des répercutions jusqu’aux états-unis.
Boardwalk Empire revient régulièrement sur les racines irlandaises de l’Amérique : on se souvient de l'épisode mémorable de la St-Patrick en saison 1 (episode 5), et l’importance que revêtent les origines irlandaises de Nucky et Eli dans leur identité familiale. On sait par ailleurs que Nucky donne de l'argent aux indépendantistes. Dans cette saison, et notamment dans cet épisode, l’Irlande revêt une importance particulière à travers deux personnages : Margaret, donc, et Owen (que je trouve d'ailleurs de plus en plus beau, pas vous ? *sifflote*)
Déjeuner de famille... ambiance, ambiance...
Margaret se rend donc à Brooklyn, pour revoir son frère et ses sœurs qu’elle n’avait pas vus depuis plus de 10 ans : depuis son départ d'Irlande en fait (à tel point que sa plus jeune soeur lui est inconnue). Cette rencontre est remarquablement bien écrite : on y sent la prééminence du frère ainé sur sa famille, et du père avant lui, son pouvoir total sur ses sœurs qui en souffrent, même si au fond ce n’est pas un mauvais bougre. On sent toute l’ambiance étouffante que Margaret a voulu fuir, l’interdiction tacite des sœurs de Margaret de trop lui parler. On y fait allusion aux couvents de la Madeleine, à la pauvreté de ces émigrants, mais à leur fierté et leur intégrité aussi. Bref, tout un portrait, complexe et complet, d’une famille irlandaise catholique émigrée aux états-unis. Du grand art.
Mais être irlandais émigré, ça peut aussi être comme Owen Sleater : être un indépendantiste extrêmiste de l’IRA venu chercher refuge temporairement aux états-unis, mais qui reste fondamentalement un patriote fanatique sous sa carapace de gendre idéal au sourire complètement craquant (*soupir*). J’aime de plus en plus ce personnage : il a peu de présence à l’écran mais est présent dans tous les épisodes, et les scénaristes arrivent par petites touches à nous faire apprécier petit à petit ce personnage charismatique et ambigü.
On savait dès son apparition qu’il se passerait quelque chose avec Margaret, et j’étais plus que dubitative sur ce nouvel arc cousu de fil blanc… mais depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et leur scène finale nous parait désormais totalement naturelle. Cette scène est d’ailleurs magnifique, avez-vous noté le travail sur la lumière, la composition des plans ? C’est peut-être la midinette en moi qui parle, mais j’ai trouvé cela tout simplement beau.
Le commodore a rajeuni, ou bien... ?
Et Jimmy et Nucky dans tout ça ?
Autant Nucky était le centre de quasiment toutes les intrigues en saison 1, autant depuis le début de la saison 2 il reste très nettement en retrait. Clairement, tous ses démêlés judiciaires ne sont qu’un moyen scénaristique de le faire patienter pendant que Jimmy prend du galon. Ce qui est dommage c’est que du coup les scénaristes peinent à rendre sa trame intéressante. Et ce d’autant plus que la série nous parle de plus en plus des années 20 aux US en général et non pas seulement de la naissance du grand banditisme comme en saison 1. Et le héros de la trame « gangster » restante est clairement Jimmy désormais, et non plus Nucky.
Jimmy, que l’on retrouve à la place du Commodore, plus pour faire plaisir à sa mère que par ambition personnelle, d’ailleurs. La jeune génération est désormais réunie, y compris Al Capone, et à défaut de parler d’une seule et même voix tant leurs tempéraments sont différents, ils commencent à vouloir travailler ensemble, et à faire le ménage dans le haut de leur hiérarchie. Jimmy franchit ainsi un pas très important dans cet épisode. J’ai adoré d’ailleurs la façon dont est dépeinte sa conscience qui le travaille et sa conversation finale avec Nucky.
Je me trompe peut-être, mais j’ai l’impression que la fin de la saison va être sanglante…
J’ai aimé :
- Un épisode centré sur Margaret, impériale
- Charlie Cox (*soupir*)
- Jimmy, toujours aussi bon
- Lucy est peut-être bien partie !!! *croise les doigts*
J’ai moins aimé :
- La trame de Nucky qui peine à intéresser
En résumé, petit coup de coeur sans doute pas totalement rationnel pour cet épisode centré sur mon personnage préféré.
Note 17/20