La plateforme de vidéos à la demande VODD, qui s'est mise il y a peu de temps aux séries (rappelez-vous de la critique de Don't Ever Wipe Tears Without Gloves), a réitéré avec la websérie Coming Out. Et cette fois-ci, c'est la talentueuse Altair qui a eu la chance de la visionner en exclusivité !
Retrouvez le premier épisode, visionnable sur VODD, à la fin de la critique.
Abonnés aux seconds rôles et aux représentations stéréotypées, les homosexuels sont souvent mal représentés dans les médias mainstream. Coming Out est une websérie québécoise débutée en 2013 écrite, produite et réalisée par un jeune talent nommé Mathieu Blanchard, qui espère pouvoir faire changer un peu les choses. La série est disponible dès aujourd'hui sur la plateforme de vidéo à la demande VODD. En vingt-quatre épisodes de treize minutes, Coming Out propose de découvrir le quotidien de plusieurs personnages évoluant dans la communauté homosexuelle de Montréal.
Tout gravite autour de Mat, interprété par Mathieu Blanchard, jeune gay de Montréal bien dans sa peau et photographe reconnu. Son ex est victime d'une attaque homophobe. Une de ses amies essaie de réinsérer socialement un jeune gay camé qui tapine pour payer ses doses. La sœur de cette amie est mariée à un homme qui n'ose pas lui avouer qu'il est gay et couche avec son meilleur ami... Tout ce petit monde s'entremêle dans une histoire chorale parfois soapesque, parfois militante, parfois érotique. Le tout enrobé d'un accent québécois irrésistible. :)
Je n'ai regardé que les cinq premiers épisodes de la série – et j'ai très envie de voir la suite car la qualité va croissante... – mais, bien que très sympathique, ce début n'est pas sans défauts.
Mat, personnage central de Coming Out
Des personnages définis par leur homosexualité... au moins au début
Interviewé par le Huffington post Québec sur ses intentions quant à sa websérie, Mathieu Blanchard déclarait :
En regardant la version américaine de Queer as Folk, où les personnages principaux sont tous gais, je me suis dit que la télé québécoise présentait encore beaucoup de clichés sur les homosexuels et qu’ils n’avaient jamais le premier rôle [...]. J’avais envie de montrer c’est quoi être gai en 2012 et banaliser ça dans la tête des gens. Par exemple, ce serait agréable que l’on arrête de nous définir selon notre orientation sexuelle. Moi, ce n’est pas ma job d’être gai. Je suis dix millions d’autres choses dans la vie.
Je suis 100% d'accord avec cette affirmation : les personnages homosexuels sont généralement définis par leur homosexualité dans les fictions, et c'est l'un des gros problèmes que pose la représentation des homosexuels à l'écran. Du coup, j'avoue, quand j'ai regardé le premier épisode de cette websérie, j'ai été assez déçue qu'il tombe précisément dans ce gros travers, alors qu'il était censé l'éviter.
Par exemple, quasiment tout ce que l'on voit du héros est qu'il repense en permanence à sa soirée très très chaude dans une boîte gay la veille. On voit également qu'il est photographe, mais il n'en parle pas, c'est juste du décorum qui, dans cet épisode, sert essentiellement de prétexte à échanger des regards équivoques avec un beau mannequin venu poser pour lui.
De la même manière, on a droit au "mec marié qui n'ose pas avouer à sa femme qu'il est gay", au "jeune camé prostitué gay chassé de chez lui par ses parents", au "gay qui se fait tabasser"… autant de personnages dont la raison d'être dans cette série tourne autour de leur orientation sexuelle.
Paradoxalement, les personnages féminins fonctionnent mieux : ainsi, on a le temps d'apprendre à connaître et à s'attacher à Caroline, la travailleuse sociale qui cherche à venir en aide au jeune camé, avant d'apprendre quelques épisodes plus loin qu'elle est elle aussi homosexuelle. Dans son cas, l'homosexualité est présentée comme une part importante, mais non essentielle du personnage. Tandis que les personnages principaux sont présentés avant tout comme étant homosexuels. Cela dit, leur portrait s'affine dans les quatre épisodes suivants et j'ai bon espoir qu'ils s'éloignent peu à peu des stéréotypes dans la suite de la série.
Caroline (<3) essaie d'aider Téo malgré lui
Un sujet important
Cela dit, on ne peut pas juger une websérie comme on le ferait avec une série américaine à gros budget. Forcément, les moyens ne sont pas les mêmes... et on peut saluer le fait que le côté "cheap" soit finalement rarement visible, grâce à une structure narrative chorale assez ambitieuse et une réalisation bien fichue. Et ce que la série n'a pas en "polish", elle le compense en sincérité et en authenticité.
On sent que le sujet tient à cœur à son auteur – et si on pourrait reprocher le côté un peu trop démonstratif des passages mettant en avant l'homophobie, il faut saluer le fait que la série aborde le sujet de manière frontale – c'est un sujet important et hélas toujours d'actualité, et il est important de le rappeler. Des adolescents homosexuels chassés de chez eux, il y en a encore beaucoup – des homosexuels qui se font tabasser à cause de leur orientation sexuelle aussi. Quant à la difficulté de faire son "coming-out", elle est bien réelle.
L'imaginaire érotique homosexuel
Un autre aspect important de la série est son érotisme – la série ne se cache pas de ce point de vue, puisqu'elle est produite par "Sans tabou Productions" (sic) et qu'elle commence quasi-directement par une scénographie de bar gay toute en lumière rouge et jeunes éphèbes partiellement dénudés.
Dans Coming Out, on voit tous les personnages au lit à un moment ou à un autre
Je suis un peu partagée par ces scènes – mais là c'est plus une question de goût personnel. J'apprécie énormément les scènes érotiques quand elles s'insèrent naturellement dans le scénario (cf. mon article sur le slash) mais j'ai beaucoup de mal avec les scènes de cul gratuites – qu'elles soient hétéros ou homosexuelles. Là, par moments, enfin surtout au début, j'ai eu l'impression de regarder la version gay des téléfilms érotiques qui étaient diffusés sur M6 et que je matais en secret de mes parents (oui la vie était dure avant l'arrivée d'Internet :) ). C'est un spectacle cliché et kitsch, pas désagréable en soi, mais qui jure un peu avec le reste de la websérie.
Mais en même temps, on sent que Mathieu Blanchard se fait plaisir avec ces scènes, à mettre son imaginaire érotique en images. Et on doit se farcir les fantasmes des mecs hétérosexuels tellement souvent qu'au moins, ici, ça a le mérite de changer de la routinière scène de cul hétérosexuelle made in HBO.
Pour conclure, Coming Out est une série attachante, un peu bancale au début mais qui s'améliore au fil des épisodes, et qui compense en sincérité les quelques maladresses qui la parsèment. Je n'ai eu accès qu'aux cinq premiers épisodes et j'étais frustrée de ne pas pouvoir voir la suite, ce qui est généralement bon signe !
J'ai aimé :
- Hostie de criss de câlice de tabarnak qu'l'accent québécois, c'est bon à entendre, là !
- Des histoires d'homosexuels racontées par des homosexuels, ça change !
- Le ton très libre employé.
- La structure chorale de la série.
- Les personnages féminins.
- La sincérité du projet.
J'ai moins aimé :
- Un premier épisode assez cliché, qui risque d'en rebuter certains.
- Des personnages définis par leur homosexualité au début – mais cela s'arrange un peu dans les épisodes suivants. Maintenant, il faut voir sur la suite de la série comment ce point évolue.
- Des scènes érotiques pas toujours totalement justifiées par le scénario.
- Un personnage principal moins attachant que les personnages secondaires.
Ma note : 13/20. (Message subliminal : à ce propos, si vous n'avez pas encore vu cette merveille de film québécois qu'est C.R.A.Z.Y., courez-y !)
Merci à VODD pour leur confiance, et à Altair pour sa critique.