Voyage temporel
En 2077, la crise de la dette a poussé les gouvernements à accepter l'argent de consortiums privés qui ont lentement pris le pouvoir sur les états eux-mêmes. Quelques mouvements de rébellion commencent à se mettre en place, mais la système a mis au point un groupe d'élite très efficace, les gardiens, chargés de faire régner l'ordre en arrêtant tous les dissidents. Keira Cameron est l'une d'entre eux, se retrouvant à la prison de Vancouver pour assister à l'exécution de sept membres importants de la rébellion. Jusqu'à ce qu'un accident la projette elle et les prisonniers au travers d'une faille spatio-temporelle jusqu'en 2012.
Résumé de la critique
Un épisode plaisant que l'on peut détailler ainsi :
- une mythologie bancale, mais plutôt intéressante
- une héroïne classique avec un certain potentiel
- une intrigue dynamique et bien rythmée
- un pilot plaisant, mais pas encore convaincant
Un avenir au stade d'ébauche
Série canadienne ambitieuse et disposant de gros moyens, Continuum se place sur le terrain de la science-fiction populaire avec son héroïne venue de l'avenir jusqu'en 2012, à la recherche de rebelles échappés du futur. Sept hommes qui ont pour mission de corriger le passé pour empêcher la mise en place d'un pouvoir oppressif établi par des grands groupes financiers suite à la crise financière. L'idée de tirer parti de la situation géopolitique actuelle est assez bonne et l'aspect assez simpliste de cette mythologie permet assez vite de s'immerger dans un univers qui va jouer la carte de la facilité.
Trop rapide, la mise en route de l'épisode multiplie les rebondissements, craignant visiblement le décrochage du spectateur en quête d'action, perdu dans un univers futuriste qui se doit de jouer sur des clichés manichéens. Malgré cela, l'ensemble reste plaisant avec l'introduction de l'héroïne et de sa mission, à savoir attraper un groupe de rebelles pour les empêcher de tuer les futurs dirigeants de l'ordre mondial. Lorgnant du côté de Terminator pour le pitch et des livres de Richard Morgan, Continuum propose une héroïne au caractère bien trempée, possédant pour l'aider des implants nanotechs qui lui permettent d'augmenter sa force et ses performances.
Seulement, à la différence des films classiques d'anticipation, la série prend le parti étonnant du système contre la rébellion, l'héroïne étant chargée d'empêcher les fuyards de réussir leur opération. Une originalité surprenante qui risque de poser des difficultés à l'équipe créative, mais ouvre aussi des perspectives permettant de remettre en cause la vision assez manichéenne de l'avenir que le pilot nous propose. Une question morale qui permettra de faire évoluer une héroïne encore très monolithique, laissant apparaître un vrai potentiel concernant l'évolution du personnage.
Une héroïne plutôt réussie
Mais un des bons points de ce pilote réside dans ses personnages, même si l'héroïne risque de diviser par le choix des auteurs d'en faire un personnage froid et monolithique. Un caractère brut auquel Rachel Nichols peine à donner de la nuance, ne parvenant pas à exister réellement avant sa rencontre avec Alec Sadler. Un duo à la fois improbable et très classique qui permet à Kiera de s'exprimer un peu plus, de trouver une oreille attentive qui accepte de communiquer avec elle et de lui permettre de reprendre pied après son expérience déboussolante de voyage dans le temps.
Pourtant, l'agent Cameron est indéniablement un bon moteur pour la série, sa lançant dans le danger avec une inconscience et une détermination réjouissante. Dotée d'une multitude de gadgets futuristes, elle montre une vraie volonté d'en découdre, celle d'une héroïne décidée et qui fait avancer l'intrigue, s'imposant comme le centre de gravité du show. Assez charismatique dans les séquences d'action malgré quelques cascades plutôt maladroites, la comédienne est un bon choix de casting, donnant une crédibilité forte à une intrigue qui paye une réalisation assez maladroite.
C'est sur ce point que Continuum montre ses limites, avec une mise en scène qui abuse des effets tape-à-l'oeil et manque de maîtrise, donnant un côté assez kitsch à certaines scènes. Heureusement, ces quelques fautes de goût ne nuisent pas à la sensation de divertissement, faisant Continuum un guilty pleasure plutôt réussi. Encore en quête d'un équilibre dans ses effets dramatiques, la nouveauté de Showcase possède un charme certain, donnant une série pop plutôt sympathique.
Une femme, sept hommes, une seule possibilité
Disposant de peu de temps pour mettre en place sa mythologie, Continuum ne fait pas dans la dentelle et fonce dans le tas, installant les différents personnages qui feront le coeur de la série. Il y a d'abord Eric Sadler, un jeune geek sur le point de fabriquer dans sa grange la technologie qui va marquer le siècle à venir, devenant par accident le témoin privilégié des aventures de Kiera. Un individu qui se substitue au spectateur, servant à nous familiariser avec une héroïne peu communicative tout en apportant une dimension comique réussi avant de devenir le lien inattendu entre les deux époques.
Le second allié de la jeune femme est un policier, l'inspecteur Fonnegra, joué par un Victor Webster assez bon qui hérite du rôle de la conscience de l'héroïne. Il est au centre la partie investigation du récit où Kiera va devoir stopper le groupe de rebelles qui n'hésitent pas à s'en prendre directement et violemment à la police locale. Portant un regard en décalage avec elle, il est la caution morale du show, son but se limitant à assurer la sécurité des citoyens de Vancouver, devenant une forme de contre-pouvoir par le regard qu'il porte sur les actions de Cameron.
Si ces premiers personnages sont intéressants, l'ensemble parait un peu mince avec des vilains trop clichés et assez peu convaincants malgré la présence au casting de Roger R. Cross de 24. Donner du sens à cette révolte, remettre en cause la position de l'héroïne et la pousser à découvrir l'usage du libre arbitre, voilà la difficile tâche qui attend les auteurs de Continuum, transformant la série en une description de l'éveil de la conscience. Une base intéressante pour un show doté d'un vrai potentiel, mais qui ne parvient pas à convaincre sur sa capacité à l'exploiter correctement.
Un pilot plaisant
Qui dit voyage dans le temps dit paradoxe et la série s'en tire bien avec une scène finale ingénieuse qui laisse apparaître l'idée que ce voyage dans le passé de Kiera n'a rien de très accidentel. Il est amusant de retrouver l'homme à la cigarette de X-Files, montrant la volonté des auteurs de s'inscrire dans un mélange entre l'originalité d'un univers de départ à développer et une intrigue plus classique sur le principe de l'affrontement entre gentil et vilain. Manichéen en apparence, le show possède un potentiel certain s'il parvient à donner du sens au but poursuivi par des rebelles, obligeant ainsi l'héroïne à remettre en cause sa mission.
Pour une première incursion dans l'univers de Continuum, l'impression est globalement positive, le show de Simon Barry se révélant plutôt agréable à suivre, divertissement léger et amusant. Une série à la réalisation certes maladroite et légèrement kitsch, mais à la construction efficace sans réel temps mort. Seulement, l'épisode à venir risque d'être décisif car 2077 est désormais loin, plaçant les auteurs devant la tâche difficile de conserver ce rythme rapide pour éviter tout sentiment de surplace.
J'aime :
- un récit dynamique et entraînant
- des personnages assez intéressants
- un potentiel indéniable ...
Je n'aime pas :
- ... mais qu'il reste encore à exploiter
- des vilains moyennement convaincants
- une réalisation assez moyenne
Note : 13 / 20
Série de science-fiction canadienne à gros budget, Continuum est avant tout un bon divertissement, offrant une intrigue dynamique et intéressante reposant sur un concept simple de chasse à l'homme. Malheureusement, le manque de charisme des vilains et l'aspect assez confus du monde d'origine sont à souligner, ainsi que la position morale d'une héroïne qui, pour une fois, s'affiche comme une gardienne d'un régime oppressif, contre le libre arbitre.