How to Get Away With Murder est à mon avis une série conçue comme un one-shot, qui balance du lourd mais qui est très fragile voire bancale. Elle accumule les effets de manche, les rebondissements en chaîne, les différentes intrigues en parallèle pour embrouiller le spectateur jusqu’à lui griller le cerveau pour l’impressionner. Et c’est ce qui fonctionne si bien. Sauf que tout cela est censé laisser des traces dans une série feuilleton à suivre comme celle-là. Alors quand vient l’heure de relancer le jeu du chat et de la souris la saison suivante, la série est extrêmement peu regardante sur la continuité. Le meurtre de Rebecca en cliff pour choquer en fin de saison 1, résolu en deux-deux dès le premier épisode de la deuxième saison, en est une preuve. La série réutilise parfois des éléments de son passé, mais souvent ce qui l’arrange.
Dans cette reprise, il est difficile d’imaginer qu’il n'y a pas si longtemps, l’intrigue tournait autour de la relation conflictuelle Nate/Annalise (toujours copains comme cochons malgré toutes les saletés qu’ils se sont faites), du passé d’Annalise avec Wes ou Eve (inconnue au bataillon ici), du procès de Caleb et Catherine ou d'un certain Philippe. Qui se souvient vraiment de l’issue de tous ces points pourtant clés ? Qui pourrait expliquer comment les personnages en sont arrivés à l’état d’esprit dans lequel ils sont en retraçant les détails ? Probablement personne, car il ne faut pas chercher trop loin. Il faut juste retenir qu'ils en ont bavé et qu'ils semblent voir une échappatoire, c'est tout. La continuité dans la série est donc bancale. Cette saison, comme à chaque fois apparemment, "on efface tout, et on recommence", ou plutôt "on efface tout ce qui nous arrange, et on recommence". Dans ce premiere, il y a une scène au début très claire où Annalise et Wes – les deux personnages qui ont pris le plus cher dans la précédente saison – vont au mileu des bois pour hurler un bon coup, pendant que Frank, à l'origine du meurtre du père de Wes (apparemment) se rase complètement et s'éclipse. Ellipse. Deux mois ont passé. Il fait beau et tout va "bien". Comme si nos personnages s'étaient littéralement libérés de leurs poids qui traînaient encore des événements de la saison précédente. Pas le temps pour un aftermath dans How to Get Away With Murder. Bien sûr, la réalité est toute autre, mais le symbole est là.
Un joli sourire en apparence, mais...
How to Get Away With Murder est parfois clairement dans l’improvisation d'un fil rouge à un autre, et c’est pour cela qu’elle ne pourra jamais prétendre à être d’un niveau régulier ou même d’être bien maîtrisée de A à Z. Mais tout ça, c’est normal ! C’est un thriller sur ABC, ça ne peut pas être Breaking Bad. Cela peut être frustrant de voir que ce season premiere réutilise la même formule que d’habitude : une affaire judiciaire du jour, un retour à une vie normale, qui bien évidemment est tout de suite ironisé par un flashforward nous réservant un autre drame – la mort d’un personnage clé cette fois – etc.
Je ne vais donc pas dire "cette année, How to Get Away With Murder est différente et c’est mieux". Non, ce serait plutôt : "cette année, How to Get Away With Murder est toujours la même, mais cette fois elle sait davantage où elle va". Disons en tout cas que le programme me tente plus. En effet, je trouve que dans la première partie de saison 2 – et donc sa majorité –, la série tentait de faire trop d’effets de style pour imiter le scénario de la saison 1. Or, vu la nature de la série, il semblait très compliqué de pouvoir faire mieux que le premier fil rouge. Et en effet la saison 2, saison "1 bis", avait pas mal de soucis au commencement et était en demi-teinte. La deuxième partie de saison héritait de certains aspects du début, le fil rouge notamment, mais là, un cap était passé : la série arrêtait de vouloir imiter le style scénaristique du début, se concentrait plus sur les personnages en particulier, et les quelques rebondissements – qui restaient pourtant la marque de fabrique de la série – fonctionnaient ainsi beaucoup mieux que noyés au milieu d’une ribambelle de twists.
Je suis dès lors plus que ravi de voir que c’est dans cette optique que la saison 3 aborde la suite des événements. Les relations Connor/Oliver et celle Laurel/Wes sont clairement des exemples de moments où la série se pose pour faire évoluer ses personnages qu’elle a pris soin d’approfondir antérieurement. Forcément, on se sent beaucoup plus impliqués dans leurs histoires. Certes, cela relève d’un genre de drama assez "pur jus", limite soap sans rien derrière, ou du moins, cela serait le cas si on n’était pas dans How to Get Away With Murder. Mais dans cette série, les intrigues personnelles des "Keating 5" (les assistants d’Annalise) peuvent clairement se lire à travers le filtre "“des gens qui essayent d’être bons mais qui se font emporter par le mal autour d'eux".
Ah ben là ça représente clairement plus la direction de la série à l'heure actuelle !
Car oui, encore et toujours, on retrouve cette spirale de mauvaises choses qui tombent sur tous nos personnages – appelez-ça le sort, le karma ou la loi de Murphy –, c’est tout le propos de la série qui se retrouve donc partout. Et je ne m'en lasse pas, car cela reste bien fait. Ce premiere nous offre pas mal de petits moments qui appuient là où il fallait : on a par exemple Michaela qui balance à Annalise "tout le monde ne doit pas être comme vous" (faisant réponse à ce qu'elle dit en entrant dans son cours : "vous allez enfin être moi"...). Cela souligne encore une fois tout l’aspect "les étudiants tentant de ne pas ressembler à Annalise" déjà présent la saison précédente. Mais le retour à la réalité est brutal : cette reprise nous le montre en mettant en avant beaucoup plus souvent que d’habitude la fac de droit. Ainsi, Annalise est rétrogradée pour son comportement, se fait traiter de tueuse, et nos Keating 5 sont tous dans le "bottom 10%" de leur promotion. Parce que l’inverse aurait juste été irréaliste. La série choisit ici, pour le coup, de garder une continuité avec les précédentes saisons en nous pointant du doigt les retombées, puisque cela permet d’appuyer son propos, toujours le même : on ne récolte que ce que l’on sème.
Et en parallèle, Laurel essaye de faire le premier pas face à un Wes qui la rejette parce qu'il voit en elle le fantôme de Frank, qui l'a traumatisé. Asher a des problèmes d'argent, Michaela des problèmes dans ses études... Et surtout, Oliver ne se reconnaît plus et met fin tragiquement à sa relation avec Connor qui reste sans voix. Une scène qui fait franchement peine à voir sachant qu'Oliver était un peu devenu la mascotte préférée du groupe. Bref, en mettant ainsi l'accent sur ses personnages, même si la série n’est pas très pointilleuse sur les détails de continuité, on comprend bien d’où vient tout ce que l’on voit : la précédente saison n’avait semé que le chaos et au moment de rebâtir, nos personnages sont à nouveau tirés vers le bas. Quoi qu’ils fassent. Les voir tenter de s’en remettre, les voir tenter de se persuader eux-mêmes que tout va bien en ignorant tous les signes (Annalise ignore les menaces et dit elle-même "We’re good now [= titre de l'épisode]... Tell yourselves that until you believe it."), bref, les voir essayer de faire ressortir quelque chose de bon de tous ces drames, en étant destinés à échouer, ça a quelque chose de purement tragique. C’est comme s’ils essayaient de lutter contre quelque chose qui les dépasse, comme dans une série à complot. La différence c’est que dans How to Get Away With Murder, ce sont nos personnages qui ont tout lancé…
Et attention : How to Get Away With Murder n’est pas une série manichéenne où nos gentils héros luttent pour ne pas passer du mauvais côté. De façon évidente, la ligne de la morale, si elle existe, ils l’ont croisée et re-croisée des taaaaas de fois. Suffisamment pour s’entraîner les uns les autres et déteindre sur leurs entourages (Oliver, Asher qui n’avait pas les mains sales au début mais qui a quasiment tout perdu). Annalise est bien évidemment plus corrompue que les autres réunis. Quand elle explique dans cet épisode qu'"elle n’est pas une assassin", on ne peut s’empêcher de grincer des dents… mais aussi d’éprouver de la pitié pour elle. Ce genre de scènes où on lit entre les lignes et où on ne sait pas bien où se placer, sont encore nombreuses dans la série, et c'est très bien fait.
Viola Davis est toujours au top.
D’autant plus qu’en un sens, Annalise a raison : le seul crime dont elle était coupable au début, c'était de couvrir les erreurs d’autres. Avec le temps cela s’est aggravé, bien évidemment, les mauvaises choses se cumulent d’une saison à l’autre. Si la série joue bien ses cartes, quand tout va péter, TOUT va péter.
Alors certes, la formule est identique, le propos est identique (Annalise essayait déjà de convaincre ses assistants que tout allait bien en début de saison 2), la forme comme le fond n'ont rien de révolutionnaire... Néanmoins, puisque la formule est efficace et qu’elle est au service d’un scénario plus prometteur (car centré sur les personnages) et plus maîtrisé à l’échelle d’une saison, pourquoi pas ? La série ne pourrait jamais tenir le rythme si elle ne nous racontait qu’une longue descente aux enfers inévitable qui arrive à son niveau le plus tragique lors de la toute fin. Encore une fois, la série n’est pas une Breaking Bad. Au lieu de ça elle fonctionne plutôt par phases/par cycles : tout va bien, puis la tension monte, puis ça pète dans un finale/mid-finale, puis ça retombe. C’est dans son contrat de network, c’est presque autant une contrainte imposée que de se farcir quelques affaires judiciaires standalones un épisode sur deux. Petit aparté là-dessus : celle de cette semaine n'était pas mauvaise et montrait un aperçu du système de l'immigration américaine super strict, avec le petit message qui fait mal à la fin "Justice is the exception". Message sans grand rapport avec le propos de la série, et évidemment pas assez développé pour vraiment être complet, mais toujours un petit truc qui ajoute de l'épaisseur à la partie standalone de l'épisode. Du "remplissage utile", en gros.
"Really ?"
Quoi qu'il en soit, oui, il est évident que cette "phase" de début de saison 3 est extrêmement similaire à celle de la 2 dans le fond. Les personnages essayent de sortir la tête de l’eau après l’été et l’année précédente riche en rebondissements, mais ne parviennent toujours pas à mener une vie normale, et semble déjà semer à nouveau des mauvaises graines et en ignorer les effets, ce qui leur ressortira en pleine figure tôt ou tard à coup sûr (Frank, l’université, Laurel/Wes, Oliver…). Tout semble se diriger au même point de chute que l’année dernière : une fin tragique. Encore. Et encore.
Tout ce déjà-vu dans le propos et dans la forme pourrait gêner… mais pourtant je suis confiant, cette fois. Qu’est-ce qui fait la différence ? Et bien, c’est ce point de chute justement, matérialisé par le flashforward de fin d’épisode. Il nous montre Annalise se lamentant sur un cadavre, et cette fois ça n'a pas l'air d'être une arnaque. Oui, la personne sous le drap est VRAIMENT morte. C’est déjà tout de suite plus crédible qu’Annalise qui se prend une balle, ce qui ne pouvait conduire qu’à ce que la série se défile. Cette fois, j’ai l’impression que la série va vraiment commencer à mettre ses "menaces" à exécution pour nos personnages.
Murder sans cliffhanger, ça ferait peur, poil au... coeur ?!
Attention, il faut rester méfiant. Le cadavre pourrait très bien n’être qu’un personnage pas encore introduit (ce qui serait décevant). Ou, plus crédible et satisfaisant : Annalise pourrait bien jouer la comédie dans sa lamentation, exprès pour faire en sorte que les passants et la police puissent attester de sa réaction… alors que ce serait elle à l’origine de la mort, ou du moins, elle serait au courant de ce qui s'est passé ! En tout cas, je suis quasiment sûr qu’il y aura un coup fourré comme ça. Tout comme la balle qu’a reçue Annalise en saison 2… qui provenait en fait d'une requête d’Annalise elle-même. Il y a toujours un loup dans la série. Simplement, on peut indéniablement voir que la maison d’Annalise a brûlé, que la police a trouvé un corps, et que manifestement c’est un personnage connu. Tout cela rassure quant à la suite de la série. Elle a maintenant deux mois dans son récit pour repartir dans son tourbillon d’événements plus instoppables les uns que les autres et arriver jusqu’à ce climax qui, je l’espère, saura capitaliser sur tout ce qui s’est passé depuis le début de la série pour littéralement exploser comme un volcan.
On connaît déjà la fin de l’histoire. Pourtant, How to Get Away With Murder réussit toujours à rester captivante et à donner l’impression d’un récit maîtrisé, tandis que je suis certain que c’est bien le bordel dans la salle des scénaraistes. Exactement comme pour nos personnages en fait, qui réussissent à donner l’impression que tout va bien, quand on sait déjà que tout va mal. Ce season premiere réutilise tous les procédés connus de la série, ses bons comme ses mauvais, et relance à nouveau la machine infernale avec toujours le même propos en arrière-plan.
Finalement, si vous avez été lassé du show et que vous cherchez du différent, vous pouvez passer votre chemin. En revanche, si cela vous plaît toujours de voir nos héros tenter de lutter contre ce qui les dépasse et repousser l’inévitable alors que l’étau se resserre de plus en plus à chaque fois, malgré les procédés un peu usés de la série, alors il y a de bonnes chances pour que cet épisode vous plaise et que la future saison vous intéresse. En espérant que la série continue de mettre l'accent sur ce point : les personnages face à leurs actes.
J’ai aimé :
- Nouvelle saison, nouveau départ, nouvelle chute à venir.
- Rythme plus posé, personnages plus mis en avant au détriment du rebondissement incessant.
- Le retour à la réalité mieux souligné notamment avec l’université. Il y avait même pas mal de blagues vraiment bien et qui ont un sens (Annalise et Nate en train de se "masser", la photo d'Annalise "au moins je suis bien dessus").
- Bonne gestion des personnages (Bonnie fait de la figuration mais ce n’est pas plus mal).
- Le flashforward !!!
- Le propos de la série, je ne me lasse toujours pas de voir un feuilleton aussi tragique même quand en apparence tout va bien.
Je n’ai pas aimé :
- Toujours les mêmes ficelles.
- Mes souvenirs des anciennes saisons qui s'effacent et la continuité pas tip top qui va avec.
- La peur d’une arnaque, quand même.
Le Coin Spéculation :
- Qui est sous le drap ? Je mise sur Nate, et vous ?
- Annalise est-elle vraiment surprise ? Pour moi non, c’est une aussi bonne actrice que Viola Davis...
- Est-ce la fin de Conoliver ? Je dis : no way ! :(
Ma note : 14-15/20 (on va se laisser un point de marge au cas où la personne sous le drap soit vraiment une arnaque).