Critique : The Invaders 1.01

Le 22 mai 2011 à 20:56  |  ~ 7 minutes de lecture
Créée en 1967 par Larry Cohen, The Invaders est une des rares séries qui semble incapable de vieillir, tant son concept de départ s'avère étonnamment fort. Au programme, un homme seul David Vincent, qui se bat contre lui-même et le reste du monde, assailli par la pire des angoisses : le doute.
Par sephja

Critique : The Invaders 1.01

~ 7 minutes de lecture
Créée en 1967 par Larry Cohen, The Invaders est une des rares séries qui semble incapable de vieillir, tant son concept de départ s'avère étonnamment fort. Au programme, un homme seul David Vincent, qui se bat contre lui-même et le reste du monde, assailli par la pire des angoisses : le doute.
Par sephja

Pitch colonisation 

 

Après avoir conduit plus d'une journée et s'être égaré à la recherche d'un hôtel, David Vincent est convaincu d'avoir aperçu une soucoupe volante se poser devant lui. Très vite, il aperçoit des signes et des preuves qui lui démontrent que l'invasion a déjà commencé, sans pour autant empêcher ses proches de le croire fou. Dès lors, sa vie ne sera dédiée qu'à un seul objectif : les démasquer où qu'ils soient. 

 

 

 

L'importance de redécouvrir The Invaders 

 

Le récit d'un cauchemar qui refuse de s'arrêter, voilà ce que raconte Les envahisseurs, le mauvais rêve d'un homme qui, trop fatigué après une longue journée au volant, pense avoir été le témoin d'un évènement hors du commun. En racontant l'histoire du point de vue de Vincent, la série joue perpétuellement sur cette impression que tous les événements qui nous sont narrés ne sont que les émanations de son esprit. Piégé entre rêve et réalité, le héros de The Invaders tente juste de s'extraire de ce cauchemar en cherchant à révéler l'ampleur de la machination qu'il a découverte. 

Le vrai problème pour David Vincent vient de sa solitude, son seul ami Alan Landers (James Daly, un acteur prolifique de l'époque) ne goûtant que peu à des élucubrations qui sont clairement celle d'un homme qui a perdu l'esprit. Fréquemment, le héros perd conscience, pour se réveiller dans le même rêve, incapable de se convaincre de sa propre folie, tant la peur d'avoir raison l'empêche seulement de retrouver une vie normale. Le spectateur est d'ailleurs placé à une distance particulière, car le narrateur de l'histoire n'est pas David Vincent, mais plutôt la voix de sa propre conscience qui nous le présente avec une froideur clinique. 

Héros tourmenté, David est surtout une page blanche, un être sans passé et sans avenir, pris au piège d'un fantasme qui a toutes les apparences de la réalité. Car hormis cet ami et son travail d'architecte, nous ignorons tout de la vie et de l'existence passée de Vincent, si bien qu'il devient lui-même l'équivalent d'un rêve sans passé, ni avenir. Interprété par un Roy Thinnes remarquable, ce personnage est un mystère bien plus grand que la menace intérieure qu'il dénonce, celle de ces êtres semblables à nous que seule une déformation de la main permet de reconnaître. 

 

 

 

Une direction artistique superbe

 

Série vieille de plus de quarante ans, The Invaders me surprend à chaque fois par sa capacité à être l'une de celles qui ont le mieux vieilli, tant l'épisode possède une rigueur d'écriture et de réalisation bien supérieure aux autres créations de l'époque. L'épisode pilote, tourné par Joseph Sargent, est une vraie merveille de mise en scène, avec un travail sur l'image vraiment surprenant, les déplacements des personnages traçant comme des lignes géométriques parfaitement bien organisés. 

Loin d'être désuete ou ridicule, la série possède une atmosphère bien à elle, totalement asphyxiante. Nous sommes piégés à l'intérieur de l'esprit du héros ou du cauchemar de la réalité. En effet, pour Vincent, tous les personnages sont "eux", des traitres qui veulent le discréditer, l'endormir pour mieux se débarrasser de lui. Convaincu qu'il est le seul à savoir, le héros est le seul à même de percer leur secret, découvrant cette menace de l'intérieur typique de l'Amérique de la fin des années soixante qui commençait à être en proie au doute sur sa nature et sur l'American Way of Life.

Même la base secrète des extra-terrestres ne paraît pas du tout kitsch, assemblement d'objets étranges au but totalement inconnu. Car si David Vincent a raison, alors la menace est de plus en plus pressante, la colonisation gagnant petit à petit chaque cité, chaque village et toutes les maisons. Même ses plus proches amis deviennent ses ennemis, surtout après qu'il ait découvert que les plus anciens envahisseurs apprennent à masquer leur anomalie au niveau des doigts. 

Rien ne permet de les différencier de nous, et ils peuvent être n'importe qui, entraînant David Vincent dans une course sans fin dont le prix à payer sera la disparition de la dernière personne à lui faire confiance. Seul, le héros perd lentement tous ses repères, incapable de faire confiance à qui que ce soit, obligé de courir encore et toujours. Une descente en enfer, rythmée par la musique superbe de Dominic Frontiere dont voici un extrait, parfait exemple de l'ambiance stressante du show.

 

 

 

 

Un héros peut-il être juste un homme ?

 

The Invaders est un concept show, présentant dans chaque épisode un mélange entre mythologie de la série et mission du jour, David Vincent étant comme Jarod seul pour se battre contre des forces mystérieuses. La principale différence et force de la série repose sur le principe que Vincent ne possède aucune qualité particulière, aucun pouvoir ni talent particulier. Le héros n'en est pas vraiment un et cette ambigüité forme l'ossature de la série dans une Amérique bercé par Superman et tous les super-héros. 

A l'heure où les vengeurs masqués connaissent une grande popularité, Roy Thinnes incarne un homme démuni qui se débat contre lui-même et le reste du monde. Totalement isolé, il ne possède que le spectateur comme témoin de ces agissements, apportant un charme troublant et une humanité désarmante à son personnage. Un héros peut en effet être juste un homme, mais alors il ne connaître que la solitude et la peur, terrifié par l'ampleur de la menace qui s'approche de lui. 

 

 

 

Pris au piège de la conspiration 

 

Très sombre, The Invaders ne laisse aucun moment de respiration, David Vincent n'ayant pas la possibilité de baisser sa garde, fuyant sans cesse la conspiration qui s'étend partout. Loin de présenter sa lutte comme un élément de noblesse, la série ne cesse de nous placer comme simple témoin des actions du héros, avec un petit décalage qui nous donne assez de distance pour se poser la question. Représentation très réussie d'une Amérique aux portes de la paranoïa, convaincu que l'ennemi est parmi eux, The Invaders dresse le superbe portrait de la puissance du sentiment le plus terrible qui soit: le doute. 

Vrai petit bijou, la série est un feuilleton anxiogène, vieillissant particulièrement bien malgré un sujet totalement en accord avec son époque, celle d'avant les grandes crises, celle de la conviction que le grand péril est à venir. Redécouvrir les Envahisseurs sert avant tout à voir l'histoire se répéter, à l'heure où les fantasmes conspirationnistes tendent à remplacer l'information par le biais d'Internet, laissant toute une population en proie au doute. Regardez David Vincent, c'est voir comment on perd petit à petit le fil de la réalité, tout en profitant d'un feuilleton ambitieux incroyablement passionnant au style quasiment Kafkaïen. 

 

J'aime : 

  •  une direction artistique superbe 
  •  Roy Thinnes simplement colossal
  •  la narration rapide et efficace 
  •  la série qui vieillit le mieux 
  •  un concept remarquable 

 

Je n'aime pas : 

  •  certains aspects un peu "bout de ficelle " de la production 

 

Note : 14 / 20 

 

Certes, mon petit doigt me dit que beaucoup verront mon intérêt pour The Invaders comme l'expression d'une adoration du passé. Peut-être en effet, mais si le doute vous gagne alors suivez mon conseil et tentez l'aventure, vous serez surpris. 

L'auteur

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