Si vous me pardonnez cette sentence lapidaire en guise d’introduction, Dany Boon est quand même un sacré trou du cul. Et oui. Primo, il a gâché son talent en se fourvoyant dans le mercantile insipide. Secundo, il a engendré une tonne de poncifs sur les habitants du nord de la France. Étant en un, je veux corriger quelques faits :
- On ne mange pas de maroilles au petit déjeuner, je ne connais personne qui fait ça.
- Il n’y a pas systématiquement une cafetière en train de chauffer dans tous les foyers pour accueillir d’éventuels invités.
- On n’a pas d’accent. En tout cas, quand on discute entre nordistes, on ne le remarque pas.
- Il ne fait pas toujours mauvais chez nous. C’est faux. Je connais même une personne qui connait une autre personne dont le voisin a vu le soleil une fois, en vrai dans le ciel.
Voilà, c’est fait, je peux commencer la critique.
Est-ce que t'as pas vu la bande ?
Un matin, dans un petit village près de Boulogne, dans le Nord Pas de Calais, une vache est retrouvée morte, avec à l’intérieur le corps découpée d’une femme. Le commandant de gendarmerie Van Der Weyden et son adjoint Carpentier mène l’enquête. En parallèle, Quinquin et sa bande de pote, profite de l’agitation pour sortir de l’ennui.
Bruno Dumont est un artiste français, né à Bailleul (ch’est d’min coin), qui a réalisé sept films. Il est le doppelgänger de Dany Boon, son double maléfique. Car là où Dany Boon polit ses œuvres pour rendre une carte postale aseptisée du Nord, prête à passer sur TF1 en prime, Bruno Dumont met les mains dans le cambouis, fouille dans les entrailles de l’Humanité. Ce qu’il en ressort ne sent pas la rose.
Dans son premier film la Vie de Jésus, il était question de crime raciste. Dans L’humanité, une fille de 12 ans était retrouvée tuée et violée. Dans Twentynine Palms, un road trip se terminait en agression sexuelle. On ne peut donc pas dire que les films de Dumont prêtent le flan à la gaudriole. Jusqu’à P’tit Quinquin.
Car comme veut l’adage, c’est toujours parmi les plus grands austères que se trouvent les plus grands déconneurs. Regardez Pol Pot et Pinochet. Non, autre exemple, regardez Lars Van Trier. A-t-il jamais été aussi passionnant que dans sa drôlissime série « l’Hôpital et ses Fantômes » ? Qui a pensé un jour qu’il nous plierait en deux avec une caméra cradingue et des personnages complètement allumés ? Le parallélisme entre les deux séries n’est pas gratuit. Les deux partent d’un point de départ conventionnel (qui d’un hôpital hanté, qui d’une enquête policière) pour créer un univers décalé, perturbant, peuplé de personnages bizarres et parfois inquiétants. Mais, aussi, les deux sont ouvertement drôles.
Car, je n’insisterai jamais assez : P’tit Quinquin est drôle à se pisser dessus.
Ah c’qu’il a l’air bête !
Burlesque, non sens, situations grotesques, dialogues saugrenus, sens du détail (les deux gyrophares), l’humour poétique à la Deschiens, tout y passe. Et en ce sens, la scène de l’enterrement restera comme un sommet de loufoquerie rarement vu à la télé française, dix minutes de pure folie. Le « priez pour nous et pour nos pêcheurs » me fera passer l’hiver au chaud.
Et comme toute bonne série, il faut un personnage bigger than life. Trouvé en la personne du Commandant Van der Weyden ! Les cheveux ébouriffés, passant l’épisode à gueuler sur son adjoint et sur chaque enfant qu’il croise, s’annonçant en tirant en l’air avec son pistolet, ce cabotin funambule est désopilant. Rien que l’entendre brailler « Carpentier ! » provoque chez moi l’hilarité.
Ça va…ça vient...
Fidèle à son habitude, Brunot Dumont a fait tourner des comédiens non professionnels. Le problème est que je pense même que certains sont carrément non comédiens. Conséquence, la justesse du jeu s’en ressent parfois, et certains sont à la limite du jouer faux. C’est très perturbant au début. Mais, à la longue, cela crée une ambiance, une unité à la série qui renforce son étrangéité. On assiste alors à un défilé de « gueule », dans le sens Michel Simon du terme, de physiques atypiques : des grands tout sec, des gros poilus, des oreilles décollées, des sans dents. C’est simple, on croirait le casting d’un Sergio Léone version frites-fricadelles.
Et au milieu de cette galerie, impossible de ne pas évoquer l’extraordinaire jeune acteur qui joue Quinquin. Si niveau diction, il n’est pas toujours sur la corde juste, il possède une présence indéniable à l’écran. Ce gamin impressionne la pellicule et nous tient en haleine. Bien joué, tchiot biloute.
Donne un zô
De plus, contrairement à Dany Boon, Bruno Dumont est un vrai metteur en scène. Il n’a pas son pareil pour filmer et sublimer les paysages du Nord Pas de Calais. C’est simple, certains plans sont si beaux qu’on dirait du Renoir. Mais on n’est pas là pour philosopher.
Enfin cerise sur la tarte au maroilles, Dumont arrive à nous émouvoir au détour d’une scène d’accolade entre deux personnages. Salopiot va !
La coupe de bière est pleine.
Dans la famille ultra formaté et ennuyeuse de la télé fiction française, si Braquo ou Engrenage étaient les premiers grands frères turbulents, P’Tit Quinquin est le dernier né, l’Enfant Fou, le gamin dégénéré qui court dans la maison et renverse les chaises.
Audacieux, drôle, dérangeant, P’Tit Quinquin est à ne pas manquer.
Hein !
Note : 17/20.
J’aime :
- L’audace et le ton inédit
- L’atmosphère délirante
- La scène de l’enterrement
Je n’aime pas :
- Certains acteurs jouant « limite »
- L’enquête qui avance à pas de fourmis.