La première saison d’une série est une étape cruciale : elle sert généralement à présenter les personnages et à poser quelques bases narratives pour une éventuelle suite. La deuxième saison d’une série, lorsqu’elle est commandée, est une étape tout aussi décisive et compliquée à gérer : elle permet de confirmer ou non la place de cette série dans le paysage télévisuel actuel. Une tâche souvent ardue pour les scénaristes qui, dès lors, doivent prouver que leur succès n’était pas dû au hasard et qu’ils ont encore de quoi tenir en haleine leurs téléspectateurs. On ne compte plus le nombre de séries qui après une première saison convenable, sont parvenues à atteindre le stade de la deuxième saison pour finalement s’y casser les dents. Vous l’aurez compris : la deuxième saison, c’est presque comme le moment de vérité…
Cette année, Penny Dreadful, au même titre que d’autres séries, est confrontée à cette étape fatidique.
Vanessa Ives et ses acolytes sont de retour pour dix nouveaux épisodes...
Souvenez-vous : Il y a presque un an, cette nouvelle série faisait son apparition à la télévision américaine sur la chaîne câblée Showtime (Dexter, Homeland, Ray Donovan…). Son histoire : celle de quatre individus – Vanessa Ives (Eva Green), Sir Malcolm Murray (Timothy Dalton), Ethan Chandler (Josh Hartnett) et Victor Frankenstein (Harry Treadaway) – unis pour combattre ensemble les forces du mal. Sa particularité : mélanger les grandes figures et monstres issus de la littérature fantastique et horrifique dans une seule et même histoire.
Au cours des 8 épisodes composant sa première saison, Penny Dreadful a déjà mise en scène Mina Murray issue du Dracula de Bran Stocker, Dorian Gray (Reeve Carney) ou encore le docteur Frankenstein et sa créature. La série ne s’arrête pas là, puisqu’elle à nous a également donné à voir un loup-garou, une femme possédée par le diable ou encore des vampires… un aspect apparemment fourre-tout qui n’a pas plu pas à tout le monde, mais qui pourtant n’a pas empêché la série de recevoir un accueil public et critique plutôt positif dans l’ensemble.
La création de John Logan, scénariste de Sweeny Todd ou de Skyfall entre autres, réussira-t-elle lors de cette deuxième saison à consolider ses qualités tout en affirmant son succès ? Ce season premiere nous offre déjà un début de réponse…
Une ville au cœur d’acier
C’est une évidence : la grande force de Penny Dreadful au cours de sa première saison résidait principalement dans son esthétique et le soin apporté au moindre détail, aussi bien pour les décors que pour les costumes. Selon moi, il s’agissait alors d’une série dont le principal attrait reposait essentiellement sur son ambiance et son atmosphère plus que sur son scénario lui-même, assez classique dans l’ensemble et souvent maladroit.
S’il y a bien une chose qui frappe aux yeux lorsque l’on découvre ce premier épisode, c’est que ce travail esthétique est toujours si minutieux. Si l’effet de surprise et le plaisir qui en découle sont beaucoup moins grands que lors de la découverte du pilot de la série, force est de constater que la magie opère toujours et que l’on est très vite replongé dans cette ambiance gothique qui faisait le charme de la première saison (pour en savoir plus, je vous invite à relire ma critique du pilot). Difficile d’imaginer que quelqu’un puisse penser le contraire et rien que pour cela, la série vaut vraiment le coup d’œil et reste toujours aussi agréable à regarder.
À ce travail esthétique minutieux quasiment irréprochable, il faut souligner l’effort de contextualisation historique et mythologique de la série. Cette saison encore, la série semble toujours vouloir autant s’ancrer dans l’époque qui est la sienne, c’est-à-dire l’époque victorienne. Cette contextualisation, elle passe par les décors et les costumes bien évidemment, mais elle passe aussi par certains dialogues souvent bien écrits. En seulement un épisode, des allusions sont ainsi faites à l’industrialisation de la ville de Londres (les bâtiments en bois qui deviennent des bâtiments en brique) ou encore au musée de cire de Marie Tussaud. Toutes ces petites références participent clairement à la mise en place de cet univers gothique dont les téléspectateurs raffolent tout en permettant à la série de devenir plus crédible.
Dans Penny Dreadful, Londres est aussi effrayante que les personnages qui y vivent
Si un tel effort est apporté aux décors et à l’atmosphère générale de la série, c’est parce que dans cette deuxième saison, la ville de Londres devient peu à peu un personnage à part entière. En tant que tel, l’industrialisation de la ville devient un ennemi tout aussi redoutable que le reste pour ces personnages en quête de rédemption. Ce n’est pas un hasard si Sir Malcolm Murray hésite à revenir dans sa demeure londonienne, ce n’est pas un hasard non plus si Ethan Chandler, qui vient de découvrir son état de loup-garou, aspire à quitter Londres. Enfin, ce n’est pas un hasard non plus si la créature du docteur Frankenstein redoute le « steel heart » (cœur d’acier) de cette ville. En tant que monstre en quête d’humanité et d’amour, la mécanisation progressive de Londres représente pour lui et les autres un obstacle de taille.
Un scénario plus élaboré
Comme il en a déjà été fait mention plus haut, le scénario de la première saison de Penny Dreadful n’avait pas vraiment joué en sa faveur. Non seulement il était classique, mais en plus il était bourré de maladresses et de raccourcis grimaçants. La recherche de Mina Murray, fil conducteur des huit premiers épisodes de la série, n’était pas vraiment convaincante et cette intrigue avait été bâclée de manière un peu trop maladroite selon moi. Très souvent, il fallait chercher du côté des intrigues secondaires pour trouver des éléments intéressants. Je pense notamment aux intrigues mettant en scène le docteur Frankenstein et sa créature ou bien encore la possession démoniaque de Vanessa Ives.
Dès lors, il semble important de préciser que l’un des principaux atouts de Penny Dreadful, en plus de son ambiance et de ses décors, c'était ses personnages souvent complexes et torturés. Chacun d’eux apportait son lot d’ambiguïtés et d’interrogations et permettait d’aborder des thématiques chères à la littérature fantastique comme le double, la maladie, le bien contre le mal, la mort, la religion et j’en passe. La plupart des personnages étaient bien écrits et pouvaient en plus compter sur l’interprétation nuancée et souvent juste de comédiens talentueux pour leur conférer une véritable profondeur. À dire vrai, la force de certains protagonistes alliée à la force esthétique de la série finissait par faire oublier les quelques défauts qui pouvaient venir gâcher la narration de cette première saison.
Cette saison, la discrète Mme Kali risque fort d'occuper le devant de la scène
Dans ce season premiere, seuls quatre personnages sont réellement mis en valeur : Vanessa Ives, le docteur Frankenstein et sa créature, ainsi que Mme Kali. Pour eux, cette deuxième saison s’annonce comme étant dans la continuité de la précédente. Vanessa Ives n’en a pas fini avec le mal et après avoir été possédée par le diable en personne, elle va devoir maintenant affronter les Nightcomers, un groupe de sorcières dont les intentions sont encore un peu floues à l’issue de ce premier épisode. On sait juste que Mme Kali, la voyante de la première saison dont le rôle était jusqu’ici très mineur, pourrait bien devenir la nouvelle grande méchante de la saison. C’est elle qui est à la tête de ce groupe de sorcières et il semblerait qu’elle soit bien décidée à mettre la main sur Vanessa afin de l’offrir en cadeau à son ami Lucifer. Rien que ça ! Pour le moment, cette intrigue en est qu’à ses débuts, mais je peux déjà affirmer que cela se révèle plus prometteur et élaboré que la recherche pas toujours intéressante de Mina l’année dernière. Il faudra néanmoins attendre les prochains épisodes pour se faire une idée un peu plus précise de ce que pourrait donner cette histoire sur la durée.
La créature du docteur Frankenstein nous offre toujours de beau moment d’émotion
Pour ce qui est de l’intrigue du docteur Frankenstein et de sa créature, elle était déjà ma préférée la saison passée et ce premier épisode ne fait que confirmer mon amour envers eux. C’est souvent grâce à ces deux personnages torturés et à leur relation complexe créateur-créature que la série parvient à délivrer des scènes émotionnellement fortes et souvent justes. Cette nouvelle salve d’épisodes ne semble ne pas vouloir déroger à la règle et c’est bien leur partie que j’ai trouvé la plus intéressante ici. Les concernants, j’ai relevé trois grands moments :
- La découverte du musée de cire par la créature, une idée pleine de promesses et qui amène des réflexions intéressantes sur l’appropriation du mal et sa mise en scène.
- La rencontre entre la créature et la fille aveugle de son nouvel employeur, une scène très touchante au cours de laquelle elle lui touche le visage pour mieux le connaître
- Victor Frankenstein qui offre à sa créature une compagne monstre en la personne de Brona Croft, la servante atteinte de tuberculose et qui avait servi de maîtresse à Dorian Gray et à Ethan Chandler dans la première saison.
Pour les autres personnages, il est difficile de vraiment donner son avis tellement leur histoire ne fait qu’être effleurée et ne demande qu’à être développée davantage. Aussi, j’ai hâte de découvrir comment Ethan Chandler va apprendre à vivre avec son monstre intérieur et comment la relation entre Sir Malcolm Murray et Vanessa Ives va évoluer. Dommage d'ailleurs que le personnage interprété par Timothy Dalton n’ait que très peu de scènes dans cet épisode et qu’il soit obligé de se contenter d’apparitions, certes convaincantes, mais assez anecdotiques au final.
En ce début de saison 2, la série semble finalement avoir réussi à poser des bases suffisamment solides pour continuer à nous proposer un spectacle qui soit à la hauteur de nos attentes et de nos exigences.
Parce que la perfection n’existe pas…
Vous l’aurez compris : ce premier épisode m’a plutôt convaincu et dans l’ensemble, il n’y a pas réellement de fausses notes. Pour autant, il n'est pas dénué de défaut non plus. Le principal reproche que je pourrai lui faire concernerait surtout son rythme. En tant que season premiere, Fresh Hell ne résiste pas à l’envie de reposer les bases de son récit et de ses personnages avant de développer davantage son propos. Cela donne une première partie d’épisode assez laborieuse dans laquelle la série semble vouloir résumer un peu la situation de chaque personnage après les péripéties de la première saison. Ils ne se passent donc pas grand-chose de nouveau durant les 20-30 premières minutes dont le but est surtout de relancer peu à peu les intrigues. Heureusement, la deuxième partie de l’épisode se révèle plus intéressante et met en place un certain nombre d’éléments qui pourront se montrer réellement pertinents par la suite. Je ne reviendrai pas ici sur les différents points soulevés dans le paragraphe précédent.
Autre gros défaut de cet épisode : l’absence de Dorian Gray. Ce personnage pourtant fascinant était déjà l’un des grands oubliés la saison dernière. Souvent relégué au second plan et n’apparaissant qu’à certaines occasions, le personnage n’a jamais vraiment été exploité malgré son potentiel énorme. Son absence dans ce season premiere me fait craindre le pire pour lui et j’espère sincèrement que la série ne va pas faire que le survoler encore une fois.
C’est bien beau d’hurler sur des affiches Mr Gray, mais si vous pouviez nous faire l’honneur de votre présence, ce serait encore mieux !
Enfin, si je devais émettre une dernière réserve sur cet épisode, il concernerait l’aspect physique des créatures. Les Nightcomers lorsqu’elles apparaissent sous leur apparence monstrueuse sont légèrement ridicules. Les effets visuels ne sont pas nécessairement jolis et c’est assez regrettable pour une série qui mise avant tout sur son esthétique. L’attaque de la diligence où se trouvent Ethan et Vanessa n’est pas des plus convaincantes et c’est typiquement le genre de scène un peu nanardesque qui nuit à la qualité générale de la série. À côté de ça, le bain de sang de Mme Kali est certes moins spectaculaire mais plus déstabilisant, angoissant et efficace.
Penny Dreadful fait son grand retour avec un épisode plutôt bon qui a au moins le mérite de nous donner envie de se replonger une fois de plus dans cet univers sombre et passionnant. Maintenant que la série a l’air d’avoir bien défini son identité, il apparaît néanmoins évident que ceux qui n’auront pas accroché dès la première saison n’accrocheront pas non plus cette année. Pour les autres, Penny Dreadful demeure un beau spectacle dont on aurait vraiment tort de se priver. Si ce premier épisode n’est finalement qu’une mise en bouche, c’est avec un plaisir certain que je viendrai dévorer les neuf prochains épisodes. De là à dire que la série est déjà parvenue à franchir l’étape décisive de la deuxième saison, il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas… Ce qui est certain, c’est que la qualité est belle et bien là et que si le public est lui aussi au rendez-vous, il y a de forte de chance pour que Vanessa Ives et ses amis continuent de hanter nos nuits et nos télévisions pendant un petit moment encore.
J’ai aimé :
- Retrouver cette magnifique ambiance gothique de la série.
- Le travail toujours aussi minutieux sur les décors et les costumes.
- Les passages mettant en scène le docteur Frankenstein et/ou sa créature.
- Cette impression que le scénario est plus élaboré et moins fourre-tout.
Je n’ai pas aimé :
- Le rythme laborieux au début de l’épisode
- L’absence de Dorian Gray
- La mise en retrait de Sir Malcolm Murray
- L’aspect visuel des Nightcomers