Critique : Show Me A Hero 1.01

Le 01 septembre 2015 à 14:25  |  ~ 6 minutes de lecture
Show Me a Hero, la tant attendue nouvelle série de David Simon, est enfin arrivée. Quel verdict pour ces deux premiers épisodes ?

Critique : Show Me A Hero 1.01

~ 6 minutes de lecture
Show Me a Hero, la tant attendue nouvelle série de David Simon, est enfin arrivée. Quel verdict pour ces deux premiers épisodes ?
Par Antofisherb

Dire qu’une mini-série d’HBO créée par David Simon était attendue est un euphémisme. Si en plus elle donne la réplique à Oscar Isaac et est réalisée par Paul Haggis (réalisateur de Collision, et créateur de Crash, la série tirée du film), qui a su montrer son talent pour filmer les liens complexes entre plusieurs communautés, c’est encore mieux.

Show Me a Hero prend ainsi place en 1987 à Yonkers, une ville de l’État de New York. Pourquoi ce lieu et cette époque ? Car c’est là qu’il y eut une importante crise économique et politique, due à l’ordre fédéral de faire construire des logements sociaux dans des quartiers blancs. Qui dit changement dit donc préjugés, conditions sociales, peur, violence et paradoxes politiques. Tout un "beau" programme, dont le créateur a l’habitude et a su traiter par le passé avec le brio que l’on connaît.

Mais le pari est-il pour autant réussi au cours des deux premières parties sur les 10 prévues ?

(Attention, je reprécise que cette critique porte sur les deux premiers épisodes.)

 

Une série sociale

 

Il apparaît rapidement que Show Me a Hero sera principalement une série sociale, avec le recul du temps et des faits historiques comme base narrative solide. La deuxième scène du premier épisode rappelle d’ailleurs le générique de Boss, série politique récemment annulée particulièrement pessimiste, qui montrait une ville grise, urbaine et presque vide.

Pour autant, ce n’est pas « Satan, your kingdom must come down » qui résonne dans nos oreilles, mais une chanson de… Bruce Springsteen. Un morceau beaucoup plus optimiste et joyeux, très américain, mais qui possède aussi un certain côté mélancolique. Une atmosphère qui fait davantage écho à l’intro du film Philadelphia dans son mélange urbain de belles habitations et de logements plus pauvres.

 

Show Me a Hero 1.1

 

Cet optimisme, c’est Nick Wasicsko (Oscar Isaac), un ancien flic en train de concourir pour la mairie, qui l’incarne ici. Jeune, séduisant et plein de bonnes intentions (et fan de Bruce Springsteen !), il va peu à peu déchanter devant la complexité politique et sociétale de sa fonction. Colère des uns face à l’appréhension ou indifférence des autres, l’opportunité politique face à la justice, le racisme comme problème face à l’évolution sociale, tant de dilemmes et conflits dramatiques qui vont être plus ou moins au centre de cette mini-série, et déjà dans ces deux premiers épisodes.

Néanmoins, la série possède pour le moment un problème de traitement assez important. En effet, en parallèle du quotidien de Wasicsko devant les tribunaux et les journalistes, sont montrés celui des populations WASP blanches des beaux quartiers et celui des populations pauvres issues de l’immigration des quartiers populaires.

Ambition narrative exemplaire et très intéressante, c’est certain. Sauf que, d’un côté les populations aisées sont représentées en lien direct avec le conflit, s’interrogeant sur les débats à la télévision ou vociférant avec rage contre les politiciens, et de l’autre nous suivons les populations pauvres dans leur simple quotidien. Ils luttent. Contre la misère sociale, les conflits familiaux, la réussite professionnelle, mais de manière très indépendante au reste de la série. Du coup, si nous suivons avec intérêt les réflexions horribles ou plus nuancées des premiers car impliquant directement la vie du personnage principal, les deuxièmes sont pour l’instant sans grand intérêt.

Cela pose du coup un sacré problème lorsque la série traite justement de l’impact d’une réforme immobilière et sociale très importante sur des milieux sociaux... alors qu’elle ne montre véritablement cet impact que d’un côté. Peut-être que Simon a un plan narratif sur un plus long terme, mais dans tous les cas suivre un quotidien à la Treme ne peut tout simplement pas convenir à une série comme Show Me a Hero, très limitée dans le temps et existant historiquement.

 

Une série politique

 

Mais limiter la nouvelle création d’HBO à une série sociale serait une erreur, même s’il faut bien avouer qu’il s’agit sans doute du cœur du sujet et que la partie politique n’est parfois qu’un prétexte. Pour autant, cette partie est bien présente, et n’est guère plus réjouissante que la première.

En effet, David Simon profite de cette crise d’il y a trois décennies pour traiter à nouveau de la sphère politique des États-Unis et ses paradoxes. Non pas à la manière d’un Boss impitoyable prêt à tous les moyens pour réussir, mais à celle plus réaliste d’un gouvernement ayant relativement de bonnes intentions mais se heurtant à la justice, ses citoyens, ses problèmes économiques et les convictions de ses membres.

 

Show Me a Hero 1.2

 

Ainsi, les épisodes alternent scènes absurdes face aux juges, dialogues de sourds face aux citoyens, discussions désabusées entre vieux de la vieille et jeunes désireux de changer les choses ou encore questionnements intérieurs du jeune Maire. Comment faire avancer un pays et même une ville lorsque tous ces éléments se confrontent, se contredisent et se neutralisent mutuellement ? C’est cette question sans réponse que la série semble poser sans cesse aux spectateurs, montrant obstacle après obstacle une vision de la politique peu reluisante et avec peu d’espoir d’amélioration.

En cela, on voit bien que les créateurs n’ont pas perdu leur talent passé, donnant à voir des échanges complexes et parfois difficiles d’accès, mais toujours avec ce sens du rythme organique, presque magique, faisant que l’on ne s’ennuie pas une seconde.

 

En un mot, Show me a Hero ne tient pas encore toutes ses promesses, mais elle reste sans aucun doute une création à voir ou en tout cas à tenter. Efficace, ambitieuse et très solide, elle ne demande qu’un petit coup de pouce d’harmonisation pour devenir un événement de 2015.

 

J’ai aimé :

  • Les acteurs impeccables, Oscar Isaac en tête
  • Le rythme
  • Le propos de la série, mélangeant politique et social de manière intelligente

 

Je n’ai pas aimé :

  • Un traitement inégal et surtout mal géré des deux populations

 

Ma note : 13/20.

L'auteur

Commentaires

Avatar MembreSupprime2
MembreSupprime2
Intéressant ! Je comptais de toute façon la voir mais tu m'y incite encore plus... ^^ Par contre, c'est vraiment une mini-série de 10 épisodes ou, s'il y a succès, il se peut qu'il y ait une saison 2 ? (c'est ce que j'avais cru lire je ne sais plus où...)

Avatar Antofisherb
Antofisherb
Ah je ne sais pas, comme c'est basé sur des événements réels ça me paraitrait bizarre que ça continue au-delà de ce qui est prévu, mais pourquoi pas...

Avatar MembreSupprime2
MembreSupprime2
Ouais donc en tout cas, le 10ème épisode servirait de véritable fin quoi...

Avatar MAFALDETTE
MAFALDETTE
Effectivement, comme pour the Wire et Treme, il faut du temps, de la patience et même de la pugnacité pour se laisser totalement submerger par l'univers de Simon. Les mises en place sont certes laborieuses mais on n'est jamais déçus. Show me a hero prend la même voie, avec toutes ses promesses comme tu l'indiques, c'est pour cela que je suis confiante sur la narration à deux niveaux (aisés/pauvres) dans ces deux premiers épisodes. Il ne faut pas être pressés, du lien va se faire mais on perdu l'habitude de ses séries qui savent prendre le temps d'installer tous les éléments nécessaires . Pour sûr, après visionnage des 10 épisodes, la narration aura été une fois de plus limpide et déroulée avec maestria .

Image Show Me a Hero
14.75
14

Derniers articles sur la saison

Aucun article similaire.