Depuis quelques années, FX s'impose de plus en plus dans le monde du câble américain : poursuivant la voie ouverte par HBO, la chaine produit depuis le début des années 2000 (et plus précisément depuis le succès de The Shield) de plus en plus de quality shows à l'audace indéniable. De Justified à Sons of Anarchy, en passant par la controversée American Horror Story, les exemples sont en effet légion, et The Americans s'inscrit dans la lignée directe de ses aînés.
Synopsis : « Au début des années Reagan, un couple d’Américains mène une vie normale. Qu'il s'agisse d'amener leur fils à la kermesse de l’école ou d'accompagner leur fille pour faire du shopping, les Jennings sont un modèle de famille américaine de la middle class. À une seule différence près : le mari et la femme sont deux agents du KBG infiltrés. »
Pas mal teasé depuis la rentrée par la chaine, la série était donc très attendue : dans ce genre de situations, la règle invite plutôt à la méfiance tant les désillusions ont été nombreuses par le passé. Mais après 69 minutes, on peut le crier avec joie : oui, The Americans est une bonne série, ou semble tout du moins bien partie pour le devenir ! Le pourquoi du comment tient en deux mots, aussi simples qu’élégants : Keri Russell.
Keri Russell et moi
Keri Russell, c’est un peu la synthèse de l’American Dream : repérée très jeune dans l’All New Mickey House Club, gros pourvoyeur de stars dans les années 90, Kerry connait la gloire avec Felicity à une époque où J. J. Abrams était encore un (bon) showrunner. En dépit de sa qualité, le show fait des audiences misérables pendant quatre saisons, et tout le monde s’en fout. Depuis, Keri a disparu des écrans, se contentant d'un vague coucou par-ci ou par-là, et tout le monde l’avait oublié… Tout le monde sauf moi.
Avec The Americans, l’occasion était trop belle pour moi. Le monde entier, hagard, allait enfin savoir ce que je n’avais cessé de crier sur les toits depuis près de 10 ans : Keri Russell est une très grande actrice (et il suffit de revoir le délicieux Waistress pour s’en convaincre) ! La série m’offre enfin cette revanche unique contre tous ces cuistres bien-pensants qui pensent que Friends est la seule bonne série de potes de la fin des années 90 et que J.J. Abrams est le showrunner de Lost.
Car oui, dans The Americans, Keri est tout simplement brillante : instaurant une qualité et une profondeur de jeu que je n’avais pas vues depuis la performance de Claire Danes dans Homeland, elle porte la série à bout de bras en la transformant en leçon d’actor studio. Et pourtant, au vu du sujet, c’était loin d’être gagné !
Mr and Mrs Smith
C’est en effet peu de dire que ce pitch à base d’agents du KGB infiltrés aux USA ne me faisait pas rêver ! Il ne serait d'ailleurs pas surprenant que cette idée soit issue du cerveau fatigué d’un scénariste en manque d’inspiration, un soir qu'il était parti voir le film Salt avec sa femme et ses trois enfants. Sur beaucoup de points, les deux pitchs se recoupent : mais de manière générale, ce type d'intrigue s'inscrit dans une longue tradition de films et de séries à base d’agents secrets dissimulés dans un pays ennemi (ou undercover, quand on tente vainement de se la jouer bilingue). Et la perspective de revoir un sujet rabattu mille fois, dans une rentrée de mi-saison déjà bondée (avec, entre autres, un House of Cards très prometteur et la troisième saison de Game of Thrones), ne me tentait pas vraiment. A deux différences près, toutefois : Keri Russel, bien sûr (vous l’aviez deviné), mais également le fait que le showrunner de la série soit un ex-agent de la CIA.
Seulement on n'est pas dans Hunted, et si l'on pouvait s'attendre à un traitement réaliste du métier d'agent secret, nos espoirs sont rapidement déçus tant les petites incohérences s'accumulent tout au long de l'épisode. Un seul exemple, pour bien vous éclairer : lors d'une scène, la fille de treize ans du couple se fait ouvertement draguer par un homme beaucoup plus vieux qu’elle, devant son père. Ce dernier ne dit rien… avant de revenir chez l’homme en question vingt minutes plus tard pour lui casser joyeusement la gueule. C’est précisément ce genre de séquence stupide à la Dexter qu’il faudra à tout prix éviter par la suite. Inscrite dans un contexte précis (l’épisode fait même une référence au pilot de Miami Vice), la série ne peut pas vraiment se permettre de balancer sa cohérence par la fenêtre. Ou alors, je serai le premier à décrocher. Elle doit au contraire se concentrer sur ce qui fait sa vraie force et qui justifie la haute note que je lui donne : le couple.
Desperate Undercover
C'est en effet lorsqu'elle met de côté l'héritage des films d'espionnage et qu'elle s'intéresse à ses deux personnages principaux que la série devient vraiment pertinente. Et c'est à leur relation que je dois ma première grosse surprise : dans mon esprit étriqué, un couple d’agents sous couverture devait forcément s’aimer pour être crédible aux yeux de tous. Mais ici, il n’en est rien : par petites touches, avant de l’exposer clairement, la série montre que Philips et Elizabeth ne s’aiment pas. Ou plutôt que Philips tente d’aimer une Elizabeth qui le repousse. Ce postulat sera peut-être inversé par la suite - le personnage de Philips restant encore trop brumeux – mais il a en tout cas le mérite d’apporter un intérêt certain à la série et d'appuyer ce qui apparaît déjà comme une de ses principales thématiques, à savoir que chez ces gens, tout n’est au fond que mensonge.
Le show a d’ailleurs l’excellente idée d’adjoindre deux enfants au couple, qui ne savent rien de la réelle activité de leur parents et qui ont été élevés dans la croyance d’une Amérique toute puissante. Entre mensonges et faux-semblants, la relation Philips – Elizabeth donne une véritable ligne de force à la série et relance constamment l’intrigue vers des sommets inattendus. Ainsi, la scène où Philips écoute sur une bande audio sa femme faire l’amour avec un autre homme pour les besoins de sa mission renvoie aux plus belles heures d’Homeland et nous promet beaucoup pour l'avenir de la série. Véritables étrangers l’un pour l’autre et prisonniers d’une relation qu'ils n’ont jamais voulu, les deux époux vont devoir apprendre à se (re)découvrir et à se faire confiance pour survivre.
Niché quelque part entre Desperate Housewives et Mr and Mrs Smith, The Americains réussit donc le délicat exercice du pilot introductif et nous donne envie de poursuivre l’expérience. Si le show continue à se recentrer sur le duo Keri Russell – Matthew Rhys, il risque fort d’illuminer cette saison 2012-2013. Méfions-nous toutefois, car pilot et série sont trop souvent deux choses complètement différentes, comme on l'a déjà vu à de trop nombreuses reprises...
J’ai aimé :
- La promesse de cliffhangers constants.
- Keri Russell. What else ?
- Une ambiance 80’s rafraichissante.
Je n’ai pas aimé :
- Le personnage de Philips, trop flou pour être intéressant, trop peu écrit pour être crédible.
- Un manque cruel de personnages secondaires.
- Une absence totale de ligne scénaristique pour la suite.
Ma note : 14/20.