Critique : The Expanse 1.01

Le 23 décembre 2015 à 11:54  |  ~ 9 minutes de lecture
Et si Syfy tenait avec The Expanse sa première vraie série de science-fiction depuis un bout de temps ?
Par arnoglas

Critique : The Expanse 1.01

~ 9 minutes de lecture
Et si Syfy tenait avec The Expanse sa première vraie série de science-fiction depuis un bout de temps ?
Par arnoglas

Depuis la fin de la très riche Battlestar Galactica en 2009, la chaîne américaine Syfy se cherche une nouvelle série de science-fiction majeure dans l’espace. S’il y a bien eu des nouveautés plus ou moins réussies depuis comme Defiance (désormais terminée après sa saison 3), Ascension (mini-série en trois épisodes qui n'aura pas droit à une suite) ou encore Dark Matter et Killjoys cet été (renouvellées pour des saisons 2), aucune n’a atteint le niveau de complexité – et d'excellence – de BSG. Syfy tente encore de relancer le space opera avec ce projet ambitieux mais chargé, dans un futur où l'humanité a colonisé le système solaire : The Expanse. Après visionnage de ce premier épisode, il est clair que le network pourrait bien toucher au but, après quelques saisons loin du genre à préférer les productions fantastiques (Z Nation, 12 Monkeys).

 

Miller, Avasarala et Holden sont les héros de The Expanse

 

Alors que la SF cartonne au cinéma (Star Trek, Les Gardiens de la Galaxie, Interstellar, Star Wars), la télé américaine cherche encore à donner une seconde jeunesse au genre. Adaptée des romans éponymes de Daniel Abraham et Ty Franck (James S. A. Corey, de leur nom de plume commun), cette histoire – très chargée – se déroule plus de deux cents ans dans le futur. Les humains ont colonisé le système solaire, et trois grandes forces s'opposent : la Terre, dont les ressources sont asséchées, Mars, planète indépendante et riche, et la ceinture d'astéroïdes, où s'entasse un peuple miséreux et surexploité. La recherche d'une jeune femme par un détective, Joe Miller (Thomas Jane), et un officier de vaisseau spatial, Jim Holden (Steven Strait), donnera naissance à un récit assez riche, entre conspiration, crise sociale, polar noir et thriller scientifique.

 

 

Un récit complexe et attrayant

 

Difficile de synthétiser en quelques mots l'intrigue lancée dans ce pilote, mis en ligne le 23 novembre, à trois semaines de sa diffusion sur SyFy. The Expanse porte bien son nom. Partant d'un point de départ a priori simple – une jeune femme se réveille dans un vaisseau en perdition et découvre un phénomène paranormal terrifiant – c'est un univers extrêmement vaste qui se dessine sous les yeux du spectateur. Un univers tenu par trois intrigues principales : celle de Miller, celle de Holden et celle d'une politicienne terrienne, nommée Chrisjen Avasarala (Shohreh Aghdashloo). Nous sommes donc plongés au cœur d'une conjoncture politique tendue, proche du drame intergalactique, qui ne peut pas cacher ses ambitions pour le moins dantesques. Celles-ci font plaisir à voir dans un show estampillé SyFy, en particulier quand on sait que ce dernier a obtenu les moyens nécessaires pour donner vie à son univers et ses personnages.

 

Julie Mao, la jeune femme qui a disparu

 

The Expanse nous introduit ainsi différentes figures qui se retrouvent malgré elles impliquées dans une affaire qui va rapidement les dépasser – un détective sur une station spatiale, une politicienne sur Terre, l’équipage d’un vaisseau de forage... Le pilote prend son temps pour installer ce dont il est question dans le synopsis, à tel point que les personnages principaux ne se sont pas encore rencontrés à la fin de l’épisode – il est clair que cela ne se produira pas avant une poignée d'épisodes. Cela dit, on ne s’ennuie jamais et les premières tensions politiques et sociales se font rapidement sentir, que ce soit sur la terre ferme ou dans l'espace. Notamment, à la fin de l'épisode, personne ne semble encore réaliser ce qui est en train de se passer. Il faut dire que, même du point de vue du spectateur, il est quelque peu difficile de réellement appréhender où la série veut nous embarquer, ce qui renforce l'envie d'en savoir plus.

Avec son casting solide, la série s’ouvre en introduisant cette affaire de disparition, sans que l'on sache comment cela les réunira. Une chose est sûre, les scénaristes ont une idée précise de la direction qu’ils veulent suivre et on ne peut qu’espérer que cela sera toujours le cas dans quelques épisodes. En d'autres termes, The Expanse est un mélange de polar noir aux accents sociaux, de space opera à influence fantastique, et d'anticipation politique – en particulier quand on voit ce qu'il se passe sur Terre. De quoi tenir plusieurs épisodes, voire saisons, si les scénaristes (Mark Fergus et Hawk Ostby, auteurs du scénario du film Les Fils de l'Homme de Alfonso Cuarón) parviennent à ne pas se laisser submerger par les pistes narratives et les possibilités qui s'offrent à eux. Il leur faudra aussi apprendre à gérer leur temps, à assembler habilement les récits et les univers, pour l'instant riches et hétérogènes.

 

 

Dans une galaxie lointaine, très lointaine

 

Il y a de bonnes raisons de se laisser porter par ce pilote qui semble déterminé à placer la série aux côtés de monuments tels que Babylon 5 et Battlestar Galactica. Deux célèbres références qui s’imposent naturellement aujourd’hui dans un genre aussi étendu. Le souci est qu’une certaine confusion s’amorce dès les premières minutes et ne se dissipe pas par la suite. Nous pourrions craindre un récit aussi décousu que complexe lorsqu'on voit tout ce que le pilote cherche à installer en seulement quarante-cinq minutes. Il n’est pas évident de placer les personnages dans cette histoire de guerre inévitable, mais il est facile de s’investir au minimum dans l’une des trois intrigues – celle menée par Steven Strait paraît la plus aisée à suivre – ce qui offre une accroche suffisante pour vouloir en découvrir plus. D'autant plus que le show pourrait bien être celui que l’on attend de voir depuis un moment déjà sur Syfy, et que l'écriture de la deuxième saison a déjà commencé avant même que celle-ci ne soit confirmée par la chaîne.

 

L'équipage du vaisseau de forage Canterbury

 

Pour le moment, il est surtout question de poser les décors, les rapports sociaux, culturels et poliques qui régissent l’univers de la série, et d’introduire ses principales figures. Si cela n’est pas forcément fait avec un maximum de clarté, on peut souligner la beauté visuelle du show. Les effets spéciaux sont réussis, et la réalisation n'hésite pas à appuyer sur les conditions de vie dans l’espace. C'est donc la promesse excitante et inquiétante de ce pilote, celle de délivrer un show ambitieux et rempli de bonnes intentions. On y trouve de tout, entassé en si peu de temps : de l'élégance, de l'action, de la poésie, de l'enquête, de la politique. Le problème étant que le pilote a souvent du mal à équilibrer le tout, si bien qu'il aurait peut-être fallu plus de temps à l'épisode pour faire exister l'ensemble et surtout les personnages. Miller est un flic brutal et corrompu mais humain et touchant. Holden est un jeune héros, couragreux et fort, mais préfère ne pas avoir trop de responsabilités. Avasarala est une femme politique pacifiste, bien décidée à défendre la Terre même par la torture. Au détour de l'épisode, on peut apercevoir une foule de messages sociétaux (les habitants de la ceinture, ouvriers traités comme du bétail), écologistes (la Terre se porte mal) et humains (dans l'espace, la haine et les discriminations sont encore plus vifs).

Cette impression de pilote surchargé empêche d'être certain sur la qualité de l'écriture du show, qui pourtant est d'un niveau largement au-dessus du reste du genre actuel à la télévision. Dans ses meilleurs moments, The Expanse rappelle l'excellente Battlestar Galactica, dont elle paraît être la légitime descendante, mais le compte n'y est pas encore. Les comédiens sonnent juste mais manquent légèrement de charisme. Les effets spéciaux sont corrects, si l'on met de côté une ou deux scènes en images de synthèse un peu moches qui font mal aux yeux. Les intentions sont indéniablement louables devant un tel niveau d'écriture et de beauté visuelle. On y voit l'envie de raconter une histoire profonde, humaine, complexe, qui ne peut être que réjouissante. Mais il faudra que le show calme un peu le jeu pour que l'on puisse véritablement juger de sa qualité. En revanche, si elle ne fait pas le tri dans tout ce qu'elle veut raconter, si elle insiste pour avancer sur autant de choses à la fois, sa complexité narrative pourrait bien lui être fatale et le spectateur pourrait rapidement se perdre.

 

SyFy a effectué un retour triomphal vers la véritable SF dans l’espace grâce à The Expanse, qui se présente comme étant la série qui a le plus de potentiel pour conduire la série dans cette nouvelle ligne éditoriale. Son pilote est évidemment trop chargé et la mise en place de son univers va clairement nécessiter quelques épisodes et ajustements en plus. Néanmoins, la série a suffisamment de qualités pour devenir une des plus grandes surprises du genre. Il y a donc tout ce qu’il faut pour continuer à suivre le show et pour apprécier les ambitions ô combien immenses des scénaristes.


J'ai aimé :

 

  • Un univers riche et intriguant
  • Un casting solide et convaincant
  • Un mélange des genres bienvenu
  • Une série à la beauté visuelle étonnante
  • Un récit qui sait équilibrer les points de vue

 

Je n'ai pas aimé :

 

  • Un pilote surchargé qui frôle l'incohérence
  • Une galerie de personnages sympathiques mais explorés en surface
  • Un déséquilibre des intrigues regrettable

 

Ma note : 15/20.

L'auteur

Commentaires

Avatar Taoby
Taoby
Merci du conseil, je vais m'envoyer ça dans les jours à venir.

Avatar Koss
Koss
"Un pilote surchargé qui frôle l'incohérence" Je n'ai pas vu l'incohérence. Je l'ai peut-être raté. Tu te souviens de ce que c'est Arnoglas ?

Avatar arnoglas
arnoglas
Avis modéré par la rédaction de Série-All.

Image The Expanse
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