Deux minutes
Il est 18h50, je viens de faire les courses et la question que je me pose c’est qu’est ce que je vais bien pouvoir faire avant de manger ? Ah mais si tiens, je sais, je n’ai qu’à regarder le pilot de la nouvelle série d’AMC, The Killing, il faut que j’en fasse la critique de toute façon, autant le faire de suite. Pas de sous-titres français ? Tant pis, je vais regarder avec un transcript VO, ça devrait le faire…
19h00, je commence l’épisode. Une femme fait son jogging dans les bois. Paf, la nuit, les bois, une jeune femme crie. Elle aussi court et semble suivie par quelqu’un. Retour de jour, notre joggeuse continue son parcours. Nuit, la jeune fille court entre les arbres, la lampe torche de son agresseur la poursuit. Elle est faiblement vêtue et tente de se cacher de son assaillant. De nouveau le jour puis la nuit, la joggeuse et la jeune fille semblent suivre le même parcours. La lampe torche finit par rattraper la jeune fille ; elle s’échappe mais chute. La joggeuse arrive au bord d’un lac : un corps sur la plage. Elle s’approche : ce n’est qu’un animal...
Deux minutes d’introduction. Deux toutes petites minutes qui donnent le ton de tout le reste. À peine deux minutes pour mettre l’ambiance et pour réussir à m’accrocher, alors que je regardais juste la série comme ça, par curiosité. Deux minutes à peine et je fais une première pause pour chercher un oreiller, couper MSN et m’installer correctement.
Parce que ces deux petites minutes traduisent tout ce qui va se passer ensuite. L’ambiance est là, sombre, humide. On sent l’automne et le froid. On sent toute de suite que la série ne va pas être une franche partie de rigolade. Et la jeune fille qui tente de fuir confirme cette ambiance de malaise, cette ambiance un peu glauque : qui est-elle ? Qui est à ses trousses ? Pourquoi ? Elle tombe puis la joggeuse découvre un corps. Et l’on fait tout de suite le rapprochement : c’est la jeune fille !
Perdu, ce n’est pas elle et il faudra attendre encore un peu...
Des personnages en avant
Après ces deux minutes, on entre vraiment dans le premier épisode. Notre joggeuse est en fait un agent de police de la brigade criminelle de Seattle. C’est son dernier jour à la brigade et on lui demande d’aller, avec son remplaçant fraîchement débarqué, enquêter sur une découverte dans un bois : un pull plein de sang a été retrouvé avec une carte bancaire au nom de Stanley Larsen.
Ceci aura duré dix minutes. Dix minutes pendant lesquels on suit notre enquêtrice dans son quotidien. Dix minutes pendant lesquels on la voit en action dans sa vie de tous les jours, dans ces rapports avec les autres. Ce n’est pas un cowboy comme le sont les « experts » ou autre agents du FBI. C’est juste quelqu’un de banal en somme, rien d’extraordinaire. On notera toutefois qu'elle semble plutôt discrète et ne parle que si elle a quelque chose d'intéressant à dire...
Et l’on change ensuite de point de vue. On suit désormais Stanley Larsen dans ses activités, puis avec sa femme avant qu’il ne reparte travailler. Là encore, on suit les deux personnages pendant plusieurs minutes, le temps de les épier dans leur quotidien.
Parce que oui, on les épie. Depuis le début, très peu de plan large si ce n’est pour montrer l’immensité de la ville. On est proche des personnages, on est des témoins de ce qui se passe. Dans le coin d’un mur, dans l’entrebâillement d’une porte, derrière une portière ou juste à côté d'eux, on est un peu comme des étrangers qui suivraient ce qui se passe, sans jamais pourtant prendre parti, en gardant une certaine distance. Mais on est là, à les suivre dans leur intimité, au plus proche d’eux.
On alterne ainsi entre plusieurs personnages au fil du premier épisode, tous se croisant à un moment donné, tous étant liés par la même chose : Rosie Larsen. Au fur et à mesure, on découvre que Rosie, que ses parents croyaient chez une amie, a disparu et reste introuvable. Camarade de classe, policiers, parents, politiciens, tous commencent à enquêter pour la retrouver, chacun de son côté. La tension monte et malaise et angoisse s’installe progressivement chez les personnages que l’on suit tour à tour. Jusqu’à la scène finale de l’épisode ou l’on découvre le corps de la disparue, scène on en peut plus réussie (et ne dites pas que je vous ai spoilé, si la série s’appelle The Killing, c’est qu’il y a une raison !).
Tout ces personnages sont communs, tous plus ou moins vu au moins une fois, que ce soit au cinéma ou dans une autre série. Tous sont simples en apparence mais semblent avoir quelque chose à cacher, quelque chose à dire, son rôle à jouer. On pourra trouver qu'ils ont déjà été utilisés jusqu'à l'usure. Je trouve au contraire que c'est ce côté déjà vu qui les rend plus poignants et attachants et qui risque de nous tromper plus d'une fois. Il y a clairement de quoi faire derrière chacun d'eux, une piste à creuser et cela s'annonce très bon pour la suite.
Une ambiance particulière
Clairement, la série n’est pas une série comique. Comme dit précédemment, on est dans une ambiance très noire, très sombre, limite glauque. On ne voit que très peu le soleil (il fait d’ailleurs un temps de chiottes la plupart du temps) et les pièces sont de moins en moins éclairées au fil de l’épisode, comme si la luminosité diminuait avec l’approche de la terrible conclusion.
Les différents points de vue adoptés sont clairement la vraie valeur ajoutée de la série. Du détachement des enquêteurs à l’angoisse des parents en passant par les calculs d’un politicien en campagne électoral, toute ceci apporte un vrai plus à l’histoire qui s’étoffe de ce fait très rapidement. Clairement, ce sont les personnages qui créent l’histoire et pas l’inverse.
Et cela se voit tout au long de l’épisode. Pas de grosses technologies, pas de trucs bling-bling. Un ou deux petits détails qui rappellent l’époque (une petite référence à facebook, des écrans plats, …) mais la série pourrait se dérouler au début des années 2000 que ça serait exactement pareil : on est sur quelque chose de plus profond et c’est nettement plus agréable.
Alors on pourrait se dire que passer d’un point de vue à l’autre, rester s’attarder sur les personnages serait ennuyant : que nenni ! L’histoire est suffisamment travaillée pour lancer progressivement des pistes, poser de petits rebondissements qui font que l’on ne voit pas le temps passer. Certes, sur ce premier épisode il n'y a que peu de surprises et l'on se doute du final mais les quelques rebondissements servent une fois de plus au personnage. Chaque rebondissement les affecte, et notament les parents qui passent de l'angoisse au soulagement avant de sombrer dans le désespoir et c'est d'autant plus intéressant que c'est crédible.
Toujours est-il que la série est vraiment au point, tant du point de vue de l’histoire que des acteurs. Tous sont vraiment en harmonie avec le reste, pas des forcément des champions toute catégorie mais suffisament juste pour que cela sonne vrai .Certaines scènes sont vraiment poignantes, notamment la dernière scène de l’épisode 1 liée à la découverte du corps: ils arriveraient presque à faire décrocher une petite larme (mais je ne vous en dit pas plus).
Alors bon, je suis conscient que cela ne va pas plaire à tout le monde. C'est une série qui prend son temps : c'est sa force et sa faiblesse principale. Pour le moment, je dois dire que c'est une bonne surprise et que cela me plait énormément. Moi qui suit assez fan de ce genre d'histoire et d'ambiance, je suis bien servi. Reste à savoir si cela va continuer...
Conclusion
Au final, moi qui avais décidé de regarder la série comme ça, pour voir, sans réelle attente, je peux dire que j’ai été agréablement surpris. On se croirait dans un bon polar et je dois dire que c’est vraiment une grande claque dans la tronche, probablement l’un des meilleurs pilots qu’il m’a été donné de voir depuis un moment. Cela m’a clairement envie de regarder la suite et de continuer les critiques de la série, si je trouve des amateurs pour me lire !
J’aime
- L’ambiance, digne des meilleurs polars
- Les différents points de vue, permettant de mettre en place des jeux de pistes et de sortir de la routine
- L’histoire, qui semble vraiment maitrisée (pour le moment du moins) et qui risque de tenir un moment en haleine
J'ai moins aimé
- La musique est peu trop présente parfois (mais c’est pour chipoter)
- Le manque de réel suspense sur cet épisode (mais bon, ce n'était pas le but)
Note : 17/20 (parce que je m'y attendais pas et que c'est vraiment une excellente surprise)