The Leftovers c'était, il y a une semaine encore, juste une première saison ayant fortement divisé les téléspectateurs mais ayant globalement eu énormément de fervants supporters, devenus des fans attendant la saison 2 avec grande impatience (j'en fais partie). Problème : la série est une adaptation. Plus précisément, elle est adaptée d'un livre et d'un seul, et ce dernier ne raconte pas davantage l'histoire des Garveys et des Guilty Remnants que celle que nous avions eue la saison dernière. Pourtant, la série a été renouvelée, malgré des audiences certes stables mais juste décentes, HBO ayant en effet fait un pari sur le long terme, ses séries ayant tendance à très bien fonctionner sur la distance. On pouvait donc avoir peur concernant l'intérêt d'une saison 2 et sa cohérence avec l'univers très particulier de la série. Que raconter de plus à Mapleton ? Comment renouveler la série tout en gardant le même univers et si possible à travers des personnages familiers ? Et surtout, que faire de toutes les questions en suspens qui se bousculaient dans nos têtes ?

"Let the Mystery Be" - le nouveau (et magnifique) générique met les choses au clair dès le départ : le mystère restera entier

Damon Lindelof et Tom Perotta semblent avoir trouvé LA solution avec "Axis Mundi". Pendant un long moment, l'épisode joue sur la carte "troublons le spectacteur afin d'attirer son attention", ce qui fonctionne beaucoup. On nous présente en effet un assemblage de scènes dans des lieux et contextes différents, et, un peu à la manière du Pilot de la série, on ne comprend les liens logiques qu'une fois l'épisode bien entamé... quand ces liens logiques existent ! Ce n'est pas toujours le cas, la série abuse en effet des scènes symboliques et des métaphores qui n'ont absolument aucun autre intérêt dans le récit que d'être des symboles. On retrouve ici la patte de Lindelof. Contairement à Lost, où la nature de la série lui imposait moult conditions, le showrunner peut se lâcher dans The Leftovers et partir dans des délires métaphorico-philosophico-religiosco-symbolique (oui tout cela à la fois) qui n'ont quasiment jamais de sens concret, du moins jamais tout de suite...

La première scène, par exemple, nous montre l'aventure d'une femme préhistorique. Elle est enceinte et se retrouve séparée de sa tribu. Elle accouche et doit protéger son enfant, mais se fait mordre par un crotale. Après quelques jours d'errance, elle finit finalement par s'écrouler et ne garde que l'image d'un faucon planer dans le ciel, attendant que sa proie soit sans surveillance. L'enfant sera finalement récupéré par une femme d'une autre tribu, le sauvant d'un charognard qui retourne alors dans le ciel. Bien sûr, la mère n'en saura rien.

Quel était l'intérêt de tout ça, hormis de nous égarer complètement ? Bien sûr, il y a le fait de représenter une période peu vue en télé sur une chaîne qui n'hésite pas à tout montrer (je parle bien sûr de la façon dont on accouchait à l'époque, slurp !). Sérieusement, cette scène sortait complètement de nulle part car elle n'appartient carrément pas au genre de la série TV. Je n'avais en tout cas jamais vu ça nulle part ailleurs. Et donc c'est quasiment déconnecté de son propre récit. Il n'y a pas de propos particulier, aucun dialogue, donc pas de lien avec l'histoire que l'on connaît en 2012... Oh bien sûr, la rivière près de laquelle la femme est morte est ensuite utilisée par les jeunes filles de la ville de retour dans le présent, donc l'introduction aura un certain lien avec l'histoire, mais très léger. Cela reste le strict minimum.

Et malgré tout ça, la scène colle superbement bien à l'univers de la série. Elle est noire, elle est très triste, elle se présente sous les airs d'un conte un peu fantaisiste, et termine à la fois bien et mal. Cet épisode a été extrêmement audacieux pour avoir placé une telle scène en guise d'ouverture. Un coup qui se révèle très intelligent puisqu'il nous permet de nous remettre immédiatement dans le bain de la série, tout en voyant une aventure symbolique, métaphorique, et limite (allez, avouons-le) biblique. Pour moi, il s'agit de l'image forte de la mère qui renonce malgré elle à son enfant, ne sachant pas ce qu'il adviendra, ne le sachant peut-être jamais. Une image déjà présente (même plus particulièrement avec un bébé) dans le magnifique générique de la première saison :

Si l'on compare le bébé aux victimes de la Grande Disparition, et la mère à Ceux qui Restent (les "leftovers"), alors on nous renvoie encore à l'image d'un monde meilleur et d'un paradis, puisque l'enfant est finalement sauvé alors qu'il s'apprêtait symboliquement à "monter au ciel" (comme les plans sur le faucon nous le rappellent). Bien sûr, tout cela dans l'ignorance totale de la mère (ce qui serait le signe de notre ignorance sur les Disparus – et une autre preuve qu'on ne le saura jamais...). Tout cela n'est que mon interprétation, évidemment.

Et ce fait de n'avoir un intérêt que symbolique dans l'immédiat sera finalement le cas pour à peu près 80% de ce qu'il se passe dans l'épisode. Dans ce dernier, une nouvelle famille passe son temps à chercher un criquet dans une maison, un homme a décidé de passer sa vie en haut d'un poteau, le nouveau "Magic Wayne" fait passer de la gouache pour de la voyance, et enfin, des tartes aux pommes apparaissent sur les porches des maisons sans raison.

...

Et je suis supposé faire une critique en me basant là-dessus ??

Impossible.

Il n'y a que deux choses à savoir en regardant The Leftovers. Si on adhère au délire, c'est génial. Si on n'adhère pas, et on a tout autant de raisons de ne pas adhérer, c'est un bordel sans queue ni tête qui semble ne vouloir rien dire. C'est tout.

Moi j'adhère. Tous ceux ayant été jusqu'au bout de la saison 1 adhèrent. Tous ceux ayant commencé cette saison 2 (je suppose) adhèrent. Dans cette série, tout est une question d'interprétation (je vous ai raconté ma vision de la scène post-générique, ce ne sera peut-être pas la même que pour d'autres). Alors l'intérêt n'est pas vraiment de s'étendre sur toutes les qualités de la série, ni ses défauts. Bien sûr pour la forme, je le fais quand même :

J'ai aimé :

• Première scène, première claque télévisuelle
• Musique de malade, la série est en tête de 95% de ce qui se fait à la télévision de ce côté-là
• Réal impeccable, ambiance différente mais toujours aussi oppressante
• La série embrasse de plus en plus son côté symbolique avec des scènes uniquement métaphoriques
• Le concept de la ville Miracle et l'idée de changer de famille pour changer de point de vue et d'approche
• Les éléments intégrés dans le but de nous mettre mal à l'aise ou pour que l'on soit constamment aux aguets
• Nouveau générique, nouveau cadre, nouvelles perspectives...
• Retrouver la série et son ton si propre à elle

De la même façon, il n'est pas non plus des plus intéressants dans une critique d'une série aussi abstraite de citer tous ses défauts. Pour tout vous dire, j'ai hésité au départ à inclure ces deux catégories "J'ai aimé/Je n'ai pas aimé". Mais puisque l'épisode n'était tout de même pas parfait, il est quand même utile de le faire :

Je n'ai pas aimé :

• Quand même énormément de symbolisme et peu d'avancée dans le récit (normal c'est le premiere)
• Le personnage de John ne m'emballe pas des masses, surtout par rapport à Kevin
• En faisant table rase de Mapleton, la série laisse derrière elle quelques opportunités manquées
• Le sentiment que la saison 1 possédait quand même un certain charme d'origine que la saison 2 ne pourra pas égaler

Tout ça présente pour moi peu d'importance, car The Leftovers ne peut pas nous laisser de marbre. Bien sûr cela ne va pas jusqu'à mettre 20 ou 0/20 à chaque épisode non plus. Mais une de ces deux catégories passe à la trappe quasi-complètement quand on regarde le show, que l'on se soit ennuyé à en mourir ou que l'on ait été complètement subjugué par la série. Cela vaut, encore une fois, pour cette saison 2, malgré le changement de cadre (d'ailleurs je suis en train de me dire que si la série fait ça à chaque saison, elle perdra petit à petit une partie de son public chaque année, cela semble inévitable... enfin bref...).

Quoiqu'il en soit, il est clair que si cette reprise est convaincante et aussi bien intégrée à l'univers de la série, c'est aussi en grande partie parce que les Garvey sont toujours là. Car je l'avoue, ce sont surtout eux mes chouchous. J'ai eu un peu de mal au début de l'épisode, et le nom de Matt Jamison avec le visage de ce bon vieux Christopher Eccleston sont ce qui m'a permis ensuite de complètement me projeter dans l'histoire. Avant cela, les deux univers semblaient un peu figés. La preuve, il n'est même pas rendu très explicite le fait que personne ne soit disparu dans la ville. Cela aurait pu être une toute autre série, si les Garvey, tentant d'oublier les événements troublants du passé, n'étaient pas venus dans l'espoir de chercher – comme nous avec cette saison – un nouveau chapitre.

Comme je l'annonçais en début de critique, face à un mur, je pense que les créateurs sont allés dans la meilleure direction possible. En déplaçant leur récit au seul endroit sur Terre où tout semble normal, ils se déplacent en fait au seul endroit sur Terre où une saison 2 pouvait vraiment avoir lieu, sans quoi cela aurait trahi la formidable dernière scène optimiste de la saison 1. Après la noirceur et la tristesse de la saison 1, il fallait absolument lâcher du lest tout en réintroduisant des aspects frais, ce que ce premiere fait parfaitement.

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Résultat : sans que l'on s'y soit attendu, ce premiere nous donne exactement ce qu'il nous fallait pour nous redonner confiance, et ce dont il fallait à la série pour repartir du bon pied.

Ma note* : 13/20.

*de nostalgique de la saison 1, qui a un peu de mal à se faire à la nouvelle ambiance mais qui est quand même très content de retrouver la série et de voir que celle-ci est bien repartie...

L'auteur

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Galax