« Et si...? » doit être la question la plus fréquemment posée lorsque l'on rencontre un network pour pitcher sa série. Il existe un attrait spécial pour les choses qui ne se sont pas passées, mais qui auraient pu. L'effet papillon est fascinant et parfaitement adapté pour le mode de storytelling qu'utilisent les séries.
The Man in the High Castle repose sur ce postulat. Adaptation très libre du livre de Philip K. Dick, la série estampillée Amazon possède un pitch absolument dément : et si les Allemands avaient gagné la Deuxième Guerre mondiale ? Et si le nazisme avait triomphé de la coalition des Alliés ?
Il n'y a pas à dire, cela donne envie. N'ayant pas lu le livre, je ne pourrai me transformer en mec insupportable, vous comparant sans cesse la série au bouquin. Je jugerai donc The Man in the High Castle pour la série, et la série seulement. Voici donc son premier épisode, qui prend le temps d'installer un univers riche au détriment de ses personnages.
Un univers foisonnant et extrêmement intéressant
Le gros gros point fort de The New World réside dans son univers, parfaitement installé dès les premières minutes. Les États-Unis ont été séparés en trois zones : la côte Est appartient à l'Allemagne nazie, la côte Ouest aux Japonais – dans le cadre d'une alliance décidée par le Führer – et enfin une zone neutre entre les deux. L’action commence en 1962, alors que le Führer est gravement malade, ce qui laisse planer une ombre sur la coopération entre Allemands et Japonais.
Que ce soit dans l'ancien New-York ou l'ex-San Francisco, on sent les dégâts de la guerre. Au niveau de l’esthétique, The Man in the High Castle fait fort. On a réellement l’impression d’être dans des villes allemandes ou japonaises. Il règne sur ces dernières une atmosphère résolument triste, comme si tout espoir avait été perdu le jour de la défaite des Alliés. La vie continue désormais, mais ce n’est plus la même chose. De nombreux jeunes gens n’ont connu que cette réalité-là, celle où les libertés sont limitées, où la police a tous les pouvoirs et où la Résistance tente tant bien que mal de s’organiser.
La violence fait également partie de l’univers de The Man in the High Castle. Qu’elle soit symbolique – la domination des Japonais sur l’ex-San Francisco –, suggérée – le fait de brûler des cadavres et de rejeter le tout dans l’atmosphère – ou parfaitement assumée et montrée – la scène de torture, les scénaristes ne renient pas cet aspect-là et c’est tant mieux. Il est normal qu’un tel univers baigne dans la violence, la haine et le racisme, notamment du côté des plus âgés, ceux qui ont combattu pour leur monde libre, une notion qui n’a plus vraiment de poids aujourd’hui.
Tout va peut-être changer avec l’introduction d’un personnage mystérieux, « l’Homme dans le haut-château » – qui donne son nom à la série – qui distribue des films de propagande montrant les Alliés gagnant la guerre. Et si on nous avait menti ? Et si les Alliés avaient en fait gagné la guerre ? Le pilote pose bien plus de questions qu’il n’apporte de réponses, posant les bases d’un mystère aussi complexe qu’intrigant.
Des personnages qui manquent cruellement de profondeur
The New World est un pilote extrêmement compétent pour ce qui est de nous plonger dans son univers. Les scénaristes n’ont cependant pas la même réussite concernant leurs personnages. Un pilote a généralement la mission – toujours compliquée – de nous présenter à la fois l’univers de sa série, les intrigues qui vont être développées par la suite, et les personnages. Ici, les deux premières sont remplies, mais l’univers est tellement prédominant que les personnages passent un peu à la trappe.
Je m’en suis rendu compte lorsque j’ai eu du mal à me souvenir des noms des différents protagonistes de l’intrigue. Cela n’aide évidemment pas qu’il y en ait un nombre conséquent. Les deux personnages principaux sont Joe Black (Luke Kleintank) et Juliana « Jules » Crain (Alexa Davalos). Il vit dans la partie nazie et veut s’engager dans la résistance. Elle vit dans la partie japonaise, apprend l’aïkido et semble se satisfaire de sa vie avec son petit-ami Frank (Rupert Evans). Une série d’évènements va les amener à se rencontrer, et l’on peut imaginer que c’est leur relation qui va alimenter la principale storyline de la série. Je ne suis pas fan des deux acteurs principaux, trop lisses pour être réellement crédibles. En tous les cas pour l’instant.
C’est déjà plus intéressant dans les hautes sphères du pouvoir. Hitler étant mourant, une course au pouvoir commence à se mettre en place, et les Japonais ont des raisons – autres que leur oracle – d’être inquiets. Il va probablement se mettre en place un véritable jeu de dupes entre Allemands et Japonais, qui pourrait rapidement ouvrir des opportunités à la Résistance. On n’en est néanmoins pas là pour le moment. Ce que l’on peut dire en revanche, c’est que les deux puissances possèdent chacune son moyen d’obtenir des informations. Obergruppenführer John Schimdt – sérieusement ? un Allemand qui se nomme Schmidt ? – représente le plus gros danger pour le moment, Rufus Sewell jouant parfaitement le rôle du sadique intelligent. L’inspecteur Kido (Joel de la Fuente) est son pendant japonais, même s’il se révèle moins violent.
Il est néanmoins dommage que la lutte pour la libération et le triomphe de la Résistance ne possède pas autant d’intérêt que celle pour le pouvoir. Si The Man in the High Castle réussit à trouver un équilibre entre ces deux luttes, elle a le potentiel d’être extrêmement réussie.
Le pilote de The Man in the High Castle prend ainsi son temps pour nous introduire à son univers. C'est extrêmement intéressant et divertissant, puisque l'on sent que les scénaristes maîtrisent l'histoire qu'ils souhaitent nous raconter. Il faudra néanmoins approfondir les personnages pour que l'on rentre définitivement dans la série. En tous les cas, le cliffhanger de fin promet beaucoup. C'est décidé, je me fais toute la saison !
J'ai aimé :
- L’univers de la série, parfaitement bien amené dans le pilote.
- Une ambiance triste.
- Des promesses de manipulations et de coups dans le dos. Cela donne toujours de la bonne télévision.
- La série ne recule pas devant la violence.
Je n'ai pas aimé :
- Les deux personnages principaux sont encore trop lisses pour réellement intéresser.
- Le rythme de l’épisode est tellement lent qu’il n’y a jamais de moments de tension, même lorsqu’il devrait y en avoir.
Mise(s) en garde :
- Les personnages. L'univers dans lequel ils évoluent peut bien être génial, si jamais on ne s'investit pas en eux, la série ne décollera pas.
- La lenteur. Là encore, Amazon nous donne tous les épisodes en une fois, mais attention à ne pas trop prendre son temps. Quelques fois, il faut savoir accélérer la cadence.
Ma note : 15/20.