Après une première saison aux critiques mitigées, Aaron Sorkin avait pris la décision de renouveler intégralement son pool de scénaristes pour la suite de la série, en demandant même par la suite un délai supplémentaire pour restructurer son début de saison. On pouvait se demander si ces décisions drastiques allaient avoir un véritable impact sur la série ou si cette dernière allait rester prisonnière des tics d'écriture de son showrunner. Verdict ? Comme souvent, le résultat est entre les deux.
Ce bon vieux Sorkin
Déjà, les personnages n'ont pas changé et sont caractérisés de la même façon : Will a toujours son fameux flegme, Sloan est toujours la geekette économiste sexy et Jim a toujours le beguin pour Maggie. Malgré une ellipse entre les deux saisons pour coller à l'actualité, les relations entre les personnages sont les mêmes, et leurs motivations restent similaires. Ce qui n'est pas une mauvaise chose en soi, mais en tout cas l'écriture des personnages ne semble pas avoir changé.
Il en est d'ailleurs de même concernant l'écriture des personnages féminins, qui, sans vraiment illustrer à la lettre des stéréotypes mis à part Sloan, se comportent toutes de manière un peu plus compulsive que les hommes. C'est Maggie qui change de coupe de cheveux au début de l'épisode, c'est Sloan qui répète la même phrase à Will pour le convaincre, et c'est l'avocate du début qui lance à haute voix un «fuck me» d'énervement. Bon, j'extrapole peut-être un peu, mais il semble véritablement y avoir une différence entre le calme à toute épreuve des hommes face à la nervosité des femmes.
Au niveau structurel, rien de bien neuf à l'horizon, comme souvent le récit commence par une scène au présent servant de teaser à l'épisode, se déroulant donc au passé. On a ici en sommes la même structure que le film Social Network, scénarisé par Aaron Sorkin. Pas de gros changement donc à ce niveau-là, ou en tout cas pour cet épisode. Pourtant, un peu de vent frais dans la manière de raconter les événements serait probablement bénéfique à la série, et rajouterait par la même occasion un peu de tension.
Car le problème de cette série est également là : les dialogues sont maniés avec brio, mais il n'y a pas grand chose d'autre, ou en tout cas pas ce qu'il devrait y avoir. Alors qu'est-ce qu'il devrait y avoir ? Un peu de tension, comme je l'ai dit plus haut. Non pas de la tension au sens thriller, mais un peu d'imprévisibilité, de surprise. En effet, par sa structure en flashbacks et par sa tendance à régler les problèmes dans le meilleur des mondes possible, il est difficile de réellement s'intéresser à ce qui arrive aux personnages, puisque de toute façon on sait que la situation va s'arranger et que les journalistes prendront la bonne décision. Finalement, il n'y a guère que dans les relations sentimentales où on ne sait pas trop comment cela va se passer, même si l'issue reste plus ou moins prévisible.
L'autre manque qui me gêne, c'est la réflexion sur le travail des journalistes. Le parti pris qu'avait choisi Sorkin pour sa série était pourtant intéressant à la base, en amenant un recul sur l'actualité qui aurait permis des questionnements intelligents sur le traitement des informations, et même sur la société. Le problème, c'est que ce recul a été utilisé pour en faire une série didactique, en montrant comment cela aurait dû se passer au lieu de montrer comment cela aurait pu se passer, quitte à modifier un peu la réalité du cours des événements. Cet épisode de reprise en est une preuve supplémentaire, en nous montrant très rapidement un extrait d'un débat mené par Will, d'une part sans nous expliquer auparavant un minimum de quoi il est question, et d'autre part en évoquant tout juste un problème éthique sans l'approfondir par la suite. Ce qui est dommage, car avec une approche différente, la série pourrait être passionnante.
Nouvelle équipe pour une nouvelle vie ?
Néanmoins, tout n'est pas à jeter dans ce season premiere, loin de là. Déjà, comme je l'ai dit plus haut, les dialogues sont toujours aussi drôles et bien ficelés, et on ne s'ennuie pas des 52 minutes malgré la narration répétitive. Le tout grâce notamment à Will McAvoy, un personnage intéressant, plutôt bien écrit, et qui est responsable à lui tout seul d'une bonne partie des quelques questions d'éthique posées dans la série.
J'ai également souligné au-dessus l'écriture un peu particulière des personnages féminins. Malgré tout, ceux-ci ont le mérite de représenter autre chose que les stéréotypes habituels, et existent par eux-mêmes sans avoir besoin nécessairement d'hommes autour d'eux pour leur servir de faire-valoir. Bon, cela est peut-être vrai pour Maggie, qui ne semble être là que pour servir le triangle amoureux avec Don et Jim. Mais encore une fois, la rupture entre elle et Don dans cet épisode est plutôt atypique pour ce genre de scènes. En effet, pour une fois la femme n'est pas la pauvre victime du «connard» qui l'a trompé, il n'y a pas non plus de malentendu malencontreux qui donne suite à une grosse dispute où les deux partis crient l'un sur l'autre. La série, quitte à donner une image parfois peu flatteuse des femmes, donne ainsi à voir autre chose que ce dont on a l'habitude de voir dans d'autres séries télévisées, où d'ailleurs le nombre de personnages féminins est souvent bien inférieur.
Malheureusement, niveau structure et arcs narratifs, ce n'est pas avec cet épisode que la nouvelle équipe de scénaristes vont nous montrer leur volonté de changement, bien que cette partie de la série n'ait finalement pas été tellement critiquée. De même, concernant les questionnements sur le journalisme, l'épisode nous donne très maigrement à réfléchir, et ce n'est pas l'intrigue assez naïve avec Occupy Wall Street qui va nous prouver le contraire pour l'instant. Dans ce season premiere, cela peut encore passer justement parce qu'il s'agit de l'ouverture vers un nouvel arc narratif, mais il va falloir que le pool créatif se remue les méninges pour essayer de sortir un peu de leurs sentiers battus.
Ah oui, et le nouveau générique ressemble enfin à un vrai générique adapté à son époque, et ça fait du bien.
J'ai aimé :
- Le nouveau générique
- Plus de sobriété dans les relations personnelles
Je n'ai pas aimé :
- Pas vraiment de questionnement sur la société
- Un côté didactique toujours présent
Ma note : 12/20