Si la série de Donald P. Bellisario était un film, "Aux cœurs des ténèbres - l’apocalypse d’un metteur en scène " en serait le titre. Le documentaire réalisé entre autre par Eleanor Coppola revient sur les conditions difficiles de tournage d'Apocalypse Now. En 1976, Francis Ford Coppola demande à son épouse de suivre son équipe aux cœurs des Philippines, une équipe sans cesse confrontée aux typhons, aux maladies, aux doutes, à l'angoisse, voir même aux drogues.
Un concept innovant :
Les années 80 sont synonyme de prospérité pour Donald P. Bellisario. En effet, le producteur de Tequila et Bonneti est l'heureux créateur d'une série à succès : Magnum. A l'image de l'industrie hollywoodienne toujours prompte à fructifier inlassablement son « produit », Donald P Bellisario tente de développer un projet ambitieux autour de l'aviation, une de ses plus grandes passions. Car la mode n'est plus aux supers héros mais aux justiciers qui rétablissent l'ordre à l'aide de la technologie. Ainsi, toujours fort de son succès chez CBS grâce à la popularité de Magnum, le showrunner américain n'éprouve aucune difficulté à vendre sa nouvelle série au plus grand network des États-Unis. L'épisode pilote de 90 minutes obtient une place exceptionnelle dans la grille des programmes, il est diffusé après la finale du SuperBowl. Résultat : les audiences sont excellentes ce qui permet à Bellisario d’obtenir les fonds nécessaires pour le tournage coûteux des épisodes à venir.
A bord de son super-hélicoptère, puissamment armé et à la rapidité sans égal, Stringfellow Hawke apporte son aide chaque fois qu'il le peut. Profondément marqué par la guerre du Vietnam, il a pour compagnon d'armes l'expérimenté Dominic Santini qui l'assiste dans toutes les missions.
Airwolf (son titre en anglais) est à la fois futuriste, avant-gardiste et dramatique. L’hélicoptère utilisé pour la série est un Bell 222, construit par la société Bell Helicopter. Il possède aussi son propre graveur de CD, encore inexistant dans les années 80. Ces avancées technologiques lui permettaient d'analyser la puissance des assaillants. Toutefois, les téléspectateurs ne verront pas cet engin high-tech évoluer dans un décors urbain puisque Airwolf ne survolait uniquement que les pleines désertiques. La raison ? Les producteurs n'ont pu obtenir l’autorisation de tourner au dessus des villes .
En ce qui concerne le côté dramatique du programme, la storyline imaginée par les scénaristes de Supercopter est plus que convenue pour l'époque : Ici, l'Amérique est face à ses propres démons. Que faire d'un militaire traumatisé par les horreurs du front ? La série de Bellisario nous dresse le portrait d'un soldat brisé par les conflits géopolitiques. Stringfellow Hawke est un héros sombre, amateur d’art, torturé par la guerre et la disparition de son frère au combat. On y évoque le traumatisme donc post Vietnam. A l'instar de Michael Knight dans K2000, Hawke est un ersatz du cow-boy solitaire dont les missions menées au quatre coin du monde n'ont jamais détruit son cœur rebelle. Mais, l'intérêt s'arrête là malheureusement.
Un schéma narratif épuisant :
Bien qu’elle propose un concept innovant, la série de Donald P. Bellisario reste une œuvre très classique. Les intrigues n'offrent aucune surprise aux téléspectateurs et la mise en scène peine à se renouveler. Nos confrères du site le magazine des séries ont établis une liste de règles que suit à la lettre l'équipe de Hawke. Une liste qui illustre bien évidemment cette monotonie ambiante. Voici ce que les membres du magazine des séries ont observé :
Tout d'abord, il faut savoir que les ennemis de Supercopter doivent toujours avoir un avion ou un hélicoptère. On préfère hélico contre hélico plutôt que vélo contre hélico. Cela facilite les combats. Il est également nécessaire de toujours garder en mémoire que la guerre froide est d’actualité dans les épisodes (du moins en 1984…). Car les antagonistes sont très souvent des fidèles du mouvement communiste. Enfin Airwolf doit toujours être parqué dans sa cachette secrète en plein désert ( « Valley of the Gods », Monument Valley, Arizona). En effet, car quiconque autre que Hawke, Dominic ou Caitlin qui désirerait voir l’hélicoptère devait avoir ses yeux bandés tout au long du chemin. Question de précaution.
Et finalement le déclin....
La deuxième saison est un succès toutefois les bonnes audiences n'empêcheront pas la chute de Airwolf. En 1985, Bellisario met un terme à sa collaboration avec CBS. Le créateur de Supercopter ne supporte plus les interventions et les modifications incessantes apportées par le network à la série. Deborah Pratt rend aussi son tablier, devenue la femme entre-temps du showrunner. Autre problème à gérer : Jan Michael Vincent. Il faut dire que l'acteur américain a l’alcool mauvaise. Il fait très souvent la Une de la presse people pour ses frasques à l'extérieur ainsi qu'à l'intérieur du studio. Les querelles avec sa femme Joane lui vaudront entre autre un bras cassé, en plein tournage d’un épisode. Ses « épreuves » pousseront la chaîne à modifier l'intégralité du programme en oubliant l'essence même de l’œuvre. Une honte. La troisième saison propose des histoires sans relief, très basiques. Les nouveaux scénaristes choisissent de se focaliser sur les liens familiaux du héros, délaissant les missions. Dans un mépris total, CBS ne prend même pas le soin de clore la troisième saison sur un « cliffhanger », toujours très apprécié par le public.
Airwolf n'est plus qu'une épave...
Le calvaire continue pour l’œuvre de Bellisario. En effet, les studios poursuivent leur plan de destruction en revendant les droits du programme au groupe Atlantis (USA Network). Le casting d'origine est remercié. Les Vincent, Borgnine et Alex Cord sont remplacés par des visages inconnus du grand public. St-John, (incarné par Barry Van Dyke) le frère de Hawke, est ainsi retrouvé, Archangel est assigné ailleurs par l’Agence et remplacé par Jason Locke (Anthony Sherwood). Jo Santini, nièce de Dominic Santini (Michelle Scarabelli) fait office de quota féminin. Enfin, pour réduire les coûts de production, l'équipe de tournage émigre au Canada. Cet exil entraîne une baisse de la qualité des scénarios. Il n'est question que de néfastes petites amies, de menaces nucléaires et de kidnappings. Inutile de s’épancher sur le jeu plus que douteux des nouveaux acteurs.
La production touche le fond lorsque le groupe Atlantis décide de vendre l'hélicoptère, principale attraction du programme pour faire des économies. Imaginez K 2000 sans voiture, cela n'aurait aucun sens. Durant les 24 derniers épisodes de la série, le fidèle téléspectateur a du supporter le remontage grossier de scènes issues des précédentes saisons. Ainsi, il reverra à plusieurs reprises les mêmes explosions, les mêmes looping, les mêmes tirs de roquettes puisqu'aucune nouvelle prise n'a été faite.
La sentence est annoncé en août 1987. Airwolf est annulée. Dans un ultime hommage, les fans de la série refuseront de considérer cette quatrième saison comme faisant partie du show créé par Bellisario. Ils la désigneront en effet comme un mauvais spin off. La saison portera d’ailleurs le nom Airwolf II. Cette saison sera également boudée par la France. Les 22 derniers épisodes ne seront diffusés qu'une seule fois, en septembre 88. Suite à l’arrêt de la série, Supercopter fût revendu a une agence allemande, Hubschrauber-Sonder-Dienst, qui retira les modifications apportées pour la série . Utilisé dans le domaine hospitalier, l'appareil s'écrasa le 9 juin 1991, victime d'un orage. Bilan : 3 morts dont une fillette qui devait être rapatriée.
Certes, Airwolf ne brillait pas par le jeu de ses acteurs, ni par ses intrigues dominées pas le nationalisme américain mais, la série de Donald Bellisario restera à jamais une des pierres angulaires de la culture sérielle des années 80.