Il n’y a pas loin à aller pour découvrir où Dana Gould (scénariste entre autres des Simpsons ou du "The Ben Stiller Show") a trouvé l’idée de sa nouvelle série Stan Against Evil. On dirait comme si (notez l’emploi du conditionnel, je n’ai pas envie d’un procès pour diffamation) un soir de beuverie, il était entré chez lui après avoir trompé sa femme avec un mannequin anorexique et pas encore majeure (on est toujours dans le conditionnel, je le rappelle) et comme la cocaïne l’empêchait de dormir, il avait regardé Starz et était tombé sur Ash Vs Evil Dead. Il se serait alors écrié : « Quelle série de maboule ! J’ai trop envie de faire la même chose, c’est trop bien ». Et hop, le brainstorming était en marche. « Même le titre, il est beau. Donc c’est facile, je garde l’idée du prénom (Stan), après on va remplacer le "versus" par un "against", ni vu ni connu. Et je garde le Evil, parce qu’il n’y a pas à tortiller du fion, ça claque dans un titre. Je remplace maintenant les démons par des sorcières, je trouve un acteur sympathique (John C. McGinley de Scrubs) capable de tenir le projet sur ses épaules et en avant Guingamp, il y a trop moyen de gagner de la thune sur ce coup ». S’en serait suivi un rire démoniaque.
Sauf que Stan Against Evil est catastrophique. Pourquoi ? Démonstration point par point, en comparant les deux séries.
Stan vs Ash
La chose qui frappe d’emblée est la ressemblance troublante entre les deux personnages principaux. Ce sont tous deux des personnes d’une cinquantaine d’années, deux hommes ordinaires que rien ne préparait à combattre les forces démoniaques. Stan est un shérif proche de la retraite, père d’une ado et qui vient de perdre sa femme et son job, tandis qu’Ash était, à sa première apparition, un jeune homme parti avec ses amis pour un week-end dans une cabane au fond du bois et qui réveilla par erreur des monstres effrayants.
Et les deux sont égoïstes, prétentieux, grandes gueules, un peu lâches, misogynes et puissamment débiles.
Là, forcement, Ash triche un peu, c’est plus facile, on le connait depuis une vingtaine d’années et on l’a vu survivre à deux nuits infernales puis voyager dans le temps. Il a donc une stature d’icône culte à nos yeux de fans, et c’est seulement réellement à partir du troisième volet de la saga initiale que Sam Raimi développa son caractère, notamment sa bêtise abyssale et son égo surdimensionné. Donc il était d’abord un héros, avant qu’on commence à s’amuser avec (et de) lui.
Stan qui débarque est forcement en position d’infériorité. Sauf que le personnage est tellement pensé pour être drôle qu’il est terriblement lourd. Ses punchlines, ses blagues sur l’homosexualité de Starsky et Hutch tombent à plat. Il est ce copain qui met des coups de coude dans les côtes à chacune de ses blagues pour nous inciter à rire.
Il n’y a donc pas photo, Stan est navrant, tandis qu’Ash transpire la classe, sortant des reparties à la limite de la poésie telles que : « Je vais être comme un ninja qui perd sa virginité : discret et rapide ».
VS
Stan le looser vs Ash le winner.
Les compagnons
Là, je ne vais pas en faire trop, on ne peut pas comparer une série qui n’a eu qu’un pilote pour présenter Evie Barret, soit la nouvelle shérif blondinette et jeune arrivée pour prendre la relève de Stan, avec Pablo & Kelly les Powerful Vagina (*) et acolytes d’Ash.
Mais bon, avouons que le premier personnage ne respire pas le jamais-vu, que ce soit dans son caractère (pragmatique, mais fidèle) ou de son physique. Elle rappelle d'ailleurs beaucoup Amanda, la flic qui traquait Ash dans la saison 1.
Donc pour ce point, je laisse le doute.
VS
Evie contre Amanda. Un petit air de ressemblance ?
L’originalité versus la photocopieuse
Ne cherchez pas, Dana Gould a clairement dégainé le CTRL+C, CTRL+V (ou le papier carbone si on veut une référence qui parlera aux plus anciens). Tout le pilote de Stan Against Evil est un décalquage flagrant d’Ash Vs Evil Dead. Mêmes sociétés redneck des États-Unis en toile de fond, mêmes livres aux pouvoirs surnaturels, mêmes atmosphères nocturnes et brumeuses, mêmes scènes avec un cadrage à l’oblique pour donner une sensation de perte de réalité et de bizarroïde. Même les têtes des monstres sont identiques. Je pose juste la question : où s’arrête l’hommage et où commence le plagiat ?
VS
D'un côté une moche, de l'autre des boobs : Ash toujours devant.
Le rythme
Que tout soit copié est une chose, ce n’est pas la première fois que cela arrive dans le milieu artistique, encore faut-il que Stan Against Evil en ait dans le moteur. Bah justement, pas grand-chose. Là, ça commence à devenir vraiment problématique.
Le point fort d’Ash vs Evil Dead est que les épisodes défilent à cent kilomètres à l’heure et que la tension ne faiblit quasiment jamais. On est dans un train fantôme qui fait des loopings et trimballe les spectateurs dans tous les sens.
Stan Against Evil est clairement moins speed, comme s’il avait un gros postérieur qui l’empêchait d’avancer rapidement. Il se passe des choses (la shérif commence l’épisode ligotée à un poteau dans un cimetière) mais c’est laborieux. Même la construction de l’épisode est chaotique, comme si les scénaristes se rendent soudain compte que la fin des vingt minutes approche et qu’il ne s’est rien passé à proprement parler. Ils décident de balancer une histoire de fille possédée et de baby-sitter décapitée. Le moins que l’on puisse dire est que ça semble tomber carrément du ciel.
Bref, si je prends une métaphore automobile, Ash roule comme un fou et accélère dans les virages tandis que Stan traîne sa remorque dans les montées.
VS
C'est flagrant là, non ?
Le gore
C’est là que ça fait le plus mal. Car aux geysers de sang et aux kilos de barbaque qui recouvrent les personnages dans Ash Vs Evil Dead, en face, il n’y a rien en face, juste quelques giclées de sang, du sang numérique en plus, ce qui est à la fois un sacrilège et très moche. Alors qu’elle avait une carte à jouer (la surenchère), Stan Against Evil se trompe de direction et devient une version light de la série de Sam Raimi.
VS
Les compagnons à la fin de l'aventure. Vous saississez la différence ?
L’état d’esprit
Dès la scène d’introduction de Stan Against Evil, une chose est claire : le second degré sera roi. Ça commence par rigoler des inscriptions brumeuses sur un panneau dans un cimetière, ensuite Stan qui voit une sorcière pour la première fois n’est pas effrayé et se moque de sa "sale gueule". Même les têtes coupées se demandent comment elles arrivent encore à parler. Stan Against Evil joue donc à fond la carte du pastiche, de la parodie. Encore faut-il que ce soit marrant. Perdu. Pour exemple, la scène de l’enterrement qui finit en bagarre a été en effet un jour subversive et drôle, mais c’était dans les années 90. Aujourd’hui, c’est juste embarrassant.
De l’autre côté, Sam Raimi et Bruce Campbell sont des vrais fans du genre horrifique, d'authentiques bisseux. Ainsi, ils poussent juste le concept à l'extrême, le recouvrant d’un esprit cartoon bienvenu et poussent les scénaristes à trouver les idées les plus connes, les plus gores, les plus drôles.
MAIS ils respectent le genre, ils croient en leur histoire. Et ils n’oublient pas que pour que cela fonctionne, les monstres doivent être un minimum effrayants. L’humour ne doit pas venir d’eux, mais du décalage de leur action avec le reste.
Je pense que Dana Gould n’a rien compris à ce point essentiel et commence très mal en se moquant ouvertement des clichés du film d’horreur. Et comme en plus, c’est loin d’être hilarant, on a tout de suite beaucoup moins envie de suivre la suite de la chasse des 171 (!!) sorcières restantes.
« Hé, merde »
- Conclusion 1 : Stan Against Evil est donc un ersatz délavé et javellisé d’Ash Vs Evil Dead, une contrefaçon opportuniste qui copie bêtement son voisin, oubliant l’essentiel et l’essence même d’un tel projet : un amour inconsidéré pour le cinéma bis. Conséquence, la série fonce droit dans le mur et j’ai beaucoup de doutes sur sa pérennité (et son intérêt).
- Conclusion 2 : REGARDEZ ASH VS EVIL DEAD, C’EST EXCELLENT, ZUT ALORS !!
Ash dégommant Stan...
(*) Pour comprendre cette référence, Kelly qualifie parfois Pablo de "my powerful vagina" lorsque celui-ci assure. Mais cela n’est pas une insulte, car selon elle, le vagin est un des muscles les plus puissants du corps humain.