Plan séquence d'une heure et même si c'est pas un film d'action et que donc y'a moins de risque de ratés, c'est tout de même une putain de prouesse donc déjà bravo !
J'avoue que c'est impressionnant. Tellement d'ailleurs que j'ai franchement du mal à y croire, malgré tous les articles que j'ai lu et qui affirment que tout a été filmé en une fois. Mais c'est tellement millimétré et cela dès le début avec la caméra qui s'envole de la voiture de police à la maison où on retrouve les deux acteurs du début que c'est, bah, un peu trop incroyable pour mon esprit cartésien.
Le grand exploit de ce pilote n'est pas qu'il soit tourné en temps réel et un seul plan séquence. Si, j'abuse, la performance est époustouflante, mais cette idée finit par nuire à l'efficacité de l'épisode car déjà j'ai passé mon temps à guetter les éventuels raccords entre les différentes séquences ou à me demander comment techniquement telle scène a pu être tournée, et par conséquence décrocher émotionnellement à ce qui se passait à l'écran. De plus, cela donne un rythme indolent et certains moments m'ont paru interminables. D'ailleurs, par peur d'ennuyer les spectateurs, la caméra se fait flottante, notamment lors de la scène de l'interrogatoire, s'approchant des visages puis s'en éloignant. Alors certes, la performance technique est bluffante, mais du point de vue réalisation et langage cinématographique, cela n'apporte rien, c'est juste de l'esbrouffe et de la poudre aux yeux, un argument publicitaire avant tout.
Non, le véritable défi que se lance ce pilote est de tenter de repousser au plus tard possible la raison de l'arrestation de Jamie. Pourquoi ? On ne sait pas trop. En tout cas, cela donne aux personnages des réactions un déconcertantes, comme les parents qui ne semblent à aucun moment soucieux de savoir pour quelles raisons la police a débarqué en mode GIGN pour arrêter leur fils de 13 ans au petit matin. Idem, je n'ai jamais fait de formation d'avocat et je n’en ai jamais vraiment rencontré. Donc peut-être que la stratégie de l'avocat de Jamie de lui faire répondre "no comment" fonctionne, mais personnellement, j'ai trouvé cela très con et très frustrant, comme si la série voulait jouer à la maligne, consciente qu'il va falloir étirer le suspense, car elle n'a pas grand-chose à dire.
Je trouve aussi que ce concept de temps réel finit par se retourner contre le show et crée une étrange temporalité. En effet, le meurtre a eu lieu à 22h30 et Jamie a été arrêté à 7h du mat. Et durant ce court laps de temps, la police a eu le temps d'identifier le gamin, choper les images vidéo, mobiliser une équipe d'intervention et interroger les professeurs de Jamie (surement à 3h du mat), tandis que les experts ont travaillé d'arrache-pied pour trouver des preuves. Clairement la police la plus efficace du monde. Au moins que ce soit le scénario qui soit très con ? Cette deuxième hypothèse pourrait expliquer aussi la scène du début, à savoir cette arrestation hyper-musclée. Ok pour appréhender un terroriste armé jusqu'aux dents, mais pour un adolescent, ce n'est pas disproportionné ? Si, mais la scène est efficace et permet de lancer Adolescence. Et donc une première fois, on place l'efficacité avant la cohérence narrative.
En fait, la seule scène saisissante est la dernière lorsque le père et le fils se retrouvent à deux, le seul moment où les personnages semblent prendre chair et exister pour de vrai. Et aussi le seul moment où la caméra se pose et arrête de gigoter partout dans la pièce, comme de par hasard.
Bref, pour résumer, bravo à l'équipe technique et aux acteurs et actrices, il y a du boulot derrière. Par contre, j'ai le sentiment que l'histoire racontée n'intéresse pas du tout les créateurs du show et qu'il y a beaucoup de pose et de crânerie pour un sujet si important. En tout cas, ce pilote m'est sorti par les trous de nez, la grosse hype autour n'a pas aidé et m'a gavé. Je pense que beaucoup de choses se joueront dans l'épisode 3, celui de la confrontation entre l'ado et la psy, on verra ce que la série a vraiment dans le ventre et si tout cela est plus qu'un impressionnant, mais vain, tour de passe-passe.