Comme le dit Galax, une partie simple, voire un peu plus faiblarde que les précédentes, est sauvée par la spontanéité qui se dégage de l'écriture et des performances. La malice de Sarah Jane et Four, le flegme du Brigadier (qui ne semble pas du tout affecté par la capture du Docteur), le Duc qui est un personnage cliché, mais au casting parfait, les Zygons qui sont des ennemis assez génériques mais au visuel mémorable... Terror of the Zygon est un petit modèle de ce que Doctor Who peut proposer de mieux dans son grand classicisme, avec un petit côté désuet très plaisant.

SARAH: Why do I always get the dirty jobs ?

Un épisode qui n'est pas pour les enfants... et non je ne parle pas de cette citation, mais bien de la violence de certaines scènes, notamment Sister Lamont, figure rassurante de l'infirmière ici complètement flippante qui marche dans la lande le bras recouvert de sang (une vision extrêmement rare dans Doctor Who) et qui tue un soldat de UNIT avec une pierre, sous nos yeux.

Cet épisode est un poil moins intéressant que les deux premières parties pour la raison principale que les Zygons sont un peu moins mis au centre, mais il compense cela par plus de lore et de folklore écossais, avec un vrai jeu entre les personnages et les spectateurs, qui m'a beaucoup plu.

Pour les Zygons : ce sont toujours des ennemis cools, pas de doute là-dessus. Mais il semblerait presque que l'entièreté de leurs gimmicks ait été présentée dans la seconde partie, ce qui fait qu'il leur reste ici peu de choses à faire à part mettre à exécution leur plan et se faire inévitablement contrés par le Docteur. Et puis, laisser Sarah dans la salle près du passage secret menant vers leur vaisseau, on a vu pire comme facilité scénaristique mais c'est un peu concon. Malgré tout, je trouve ces ennemis toujours autant réussis, et même si certaines de leurs caractéristiques sont un peu bidouillées (le machin bip bip qui contrôle le Skarasen, bof bof), je les trouve bien caractérisés et assez charismatiques avec le peu de répliques qu'ils ont :

CABER: Soon we shall revert to our normal form.
LAMONT: Good. I loathe this abomination of a body.

Malgré le budget de la BBC qui continue d'être déplorable (ils n'ont même pas pu tourner vraiment en Écosse !), l'épisode compense toujours le tout par sa mise en scène efficace. Le vaisseau spatial à la fin n'est pas trop mal fait, en définitive. Le château écossais est un très bon lieu de tournage, les décors sont toujours autant crédibles. Le mystère du Loch Ness est aussi bien mis en avant avec un zoom sur le folklore et comment la présence du Skarasen pendant tout le siècle a influencé les mythes du coin. L'idée d'un Skarasen cyborg n'est pas mal non plus et justifie même pourquoi les mouvements de la créature ont l'air si peu organiques.

FORGILL: Half these books are devoted to the subject of the monster. There've been reported sightings since the Middle Ages. Now you're saying that aliens have been living under the loch for centuries?
DOCTOR: Yes, I'm saying exactly that.

Sarah Jane qui tire la langue, c'était trop choupi. Oui ça n'a l'air de rien, mais c'est cool. C'est rare des trucs si décomplexés et sûrement issus des acteurs, qui arrivent dans le montage final, à l'époque. Les personnages sont naturels et dans leur environnement. De manière générale la dynamique entre les personnages fonctionne à fond. Le Brigadier et le Quatrième Docteur, c'est toujours aussi fluide et fun, Nicholas Courtney a le talent de passer pour le meilleur pote de tout le monde avec son côté décalé et si dévoué, ce qui marche toujours autant.

Malgré le sérieux de l'épisode et la violence de certaines scènes d'action, il y a un aspect très burlesque apporté par les réactions des personnages qui se taquinent entre eux histoire de savoir qu'ils ne sont pas des clones. C'est un aspect plutôt bien géré dans l'histoire puisqu'on voit que les Zygons bernent sans problème les soldats et villageois crédules, mais nous savons bien que notre quatuor ne se fera pas capturé et ils se jouent de ça entre eux. C'est d'ailleurs une très bonne idée d'exploiter le sexisme un peu lourdingue mais caractéristique d'Harry, lorsqu'il prouve son identité à Sarah malgré lui en la prenant pour une gourdasse et en l'appelant "old girl". Elle qui venait le délivrer. Mais je ne serai pas trop méchant avec Sullivan qui, pour une fois, a fait quelque chose d'utile au début de l'épisode puisqu'il sauve le Docteur de la créature en gênant ses géôliers Zygons. Les compagnons sont donc globalement très en forme dans cet épisode. Idem, voir Tom Baker imiter le Duc de Fargill avec son accent ecossais et ses idées bien arretées, juste pour le fun, c'est très drôle. On sent à nouveau qu'une part d'improvisation a été laissée aux acteurs et c'est pour le mieux !

FORGILL: Improbable? It's utterly, totally absurd. Aliens?
BRIGADIER: I know exactly how you feel, sir. Before I joined UNIT, I was highly sceptical about these things.

En plus d'être une histoire classique d'invasion terrestre aux ennemis ma foi très originaux et à la mise en scène impeccable, brumeuse et glauque, l'épisode est aussi assez drôle avec son Docteur rieur, ce qui détend toute l'atmosphère et créé des contrastes de ton très appréciables, rendant cet épisode "terrestre" bien plus divertissant, varié et mémorable qu'il ne devrait.

Et pourtant comme je l'ai dit, l'histoire garde ses moments sérieux. Ici il est clairement établi par le Docteur et les Zygons qu'ils n'ont commencé à causer des problèmes aux humains que depuis que des plateformes pétrolières sont venues s'installer sur le lieu de vie du Skarasen... une couche de background supplémentaire aux motivations des Zygons assez bien vue.

FORGILL: There is no limit to human credulity, Miss Smith.

Il y a globalement dans cet épisode un vrai jeu entre le spectateur (forcément anglo-saxon, à l'époque) et ses attentes sur le folklore écossais. On trouve un propos sur notre crédulité à croire à ce qui se déroule sous nos yeux. C'est une bonne idée que d'intégrer des mythes dans Doctor Who : ça ne date pas d'hier, on a déjà abordé par exemple des explications sur l'Atlantide ou les Yétis entre autres.

Mais la différence ici c'est que les légendes écossaises sont vraiment totalement intégrées à l'ADN de la réalisation de l'épisode et à son ambiance si particulière. Et d'un point de vue purement méta, ça rejoint un peu notre suspension d'incrédulité sur certains éléments du récits... le monstre, au hasard. Je m'explique : on a envie de croire au Skarasen, tout comme on aime croire aux légendes urbaines. Donc, on pardonne son costume cheap justement parce qu'on a un peu envie de croire au monstre du Loch Ness et aux récits de son existence...

Finalement, certes ce n'est clairement pas voulu que ses apparitions soient si cheap, mais n'est-ce pas bizarre que comme par hasard, la créature qui justement semble toujours apparaître de façon floue, cheap et peu crédible dans les tabloïds et les légendes d'Écosse, soit également aussi peu crédible dans la série ? Cela tombe plutôt bien finalement.

L'épisode étant déjà bon sans compter le Skarasen, cette vision assez intéressante des mythes de notre peuple l'élève au rang d'histoire assez irréprochable pour ma part.

Terror of the Zygons, a l'air de ne pas exceller sur aucun plan... et pourtant elle est toujours portée par quelques points extrêmement forts, que ce soit sa mise en scène dans les premières parties, ses Zygons dans la seconde ou sa rupture subtile du quatrième mur avec ses attentes sur les mythes ici. C'est juste un sérial toujours aussi propre, constant et agréable, très représentatif de tout le charme de la série et de sa créativité dans les moments les plus classiques.