DOCTOR: But you can't rule a world in hiding. You've got to come out onto the balcony sometimes and wave a tentacle, if you'll pardon the expression.

En termes de scénario cette dernière partie est probablement la plus faiblarde, comme on s'y attendait. C'est le simple dénouement et rien de vraiment extrêmement ingénieux n'est fait : course-poursuites, combats entre le méchant et le héros et explosions sont de mise. Ça reste bien sûr plaisant même si de manière générale, sans l'effet de découverte qui ne fait que décroître, le sérial doit trouver des alternatives pour divertir.

Le duel final Docteur/Zygon est tout de même un bon exemple d'un passage que j'appelerai "bout de ficelle", où on tire sur le monstre qui s'effondre dans les cartons. Idem, on tripote un peu le vaisseau des Zygons pour le détruire, mouarf. Même si j'ai bien aimé cette scène que j'ai trouvé globalement convaincante, avec le fait de mettre à profit les vrais humains enfermés. L'explosion finale du vaisseau Zygon est d'ailleurs franchement convaincante et prouve à nouveau que malgré son manque de budget sur le Skarasen, l'épisode s'en sort tout à fait bien sur le plan technique.

A noter tout de même que le Skarasen, s'il est mal incrusté, n'est pas aussi mal fait que les fans veulent le faire croire. Je le trouve même relativement passable dans la tamise à la fin, en tout cas plus que dans la lande du Loch Ness. Son utilisation est discrète et elle fonctionne bien. J'ai particulièrement aimé que la fin d'épisode laisse cette bête finalement innocente retourner dans le Loch Ness, faisant perdurer le mystère de Nessie... L'épisode joue sur l'existence présumée ou pas du monstre, et la crédulité des humains à y croire, avec l'épilogue qui nous révèle que l'affaire a bien entendu fait parler d'elle mais que les politiciens l'ont étouffée. Beaucoup d'épisodes historiques de la nouvelle série reprendront d'ailleurs un peu ces idées, notamment Thin Ice qui a un thème très similaire.

Pour la quatrième fois consécutive, je risque de me répéter mais : Tom Baker est tout bonnement génial et à nouveau le savant mélange de l'alien, de l'ami et du pitre.

BROTON: You admire our technology, human?
DOCTOR: Well, I'm not human, and I've seen better.

DOCTOR: Where are we?
FORGILL!ZYGON: You like asking questions.
DOCTOR: Well, it's the only way to learn.

Malgré la simplicité de la résolution, et à nouveau le fait que les Zygons en apparence veulent juste mettre en esclavage les humains et dominer la planète, leurs motivations et leur plan se tiennent bien et laissent apparaître de vrais messages assez engagés. Après les plateformes pétrolières qui les ont sortis de leur silence, voilà que le commandant Zygon explique texto qu'ils comptent préparer la Terre pour le reste des réfugiés Zygons, et que le réchauffement climatique et la fonte des glaces seront une aubaine puisque la montée des eaux qu'ils provoquent constitue un superbe environnement de développement pour les Skarasen ! Des éléments vraiment bien vus.

La teinte politique ne s'arrête pas là puisqu'on déplace le climax de l'intrigue vers la capitale à la fin, en mettant au centre la problématique de l'énergie. Ou encore, on a ce passage où le Brigadier reçoit un coup de fil mystère du premier ministre... qui est une femme. Le Brigadier terminant par répéter ses mots :

BRIGADIER: Yes, madam. Discreet action. Discreet but resolute.

Thatcher n'était pas encore première ministre à l'époque, mais elle était déjà à la tête du parti conservateur et je pense que son ascension a pu être prévue ? Quoiqu'il en soit j'aime assez, c'était une impro de Nicholas Courtney d'ailleurs.

BRIGADIER: The Cabinet's accepted my report and the whole affair's now completely closed.
FORGILL: You mean it never happened.
BRIGADIER: Well, a 50-foot monster can't swim up the Thames and attack a large building without some people noticing... but you know what politicians are like.

Globalement le fait que l'épisode semble totalement achever son histoire aux deux-tiers, avant de la relancer pour un dernier tour de piste à Londres, c'est tout de même assez bien vu ! On sent ici les résidus de ce qui aurait dû être le final de la saison 12 en six parties, et non quatre. J'avoue qu'une fin à base de complot politique et d'infiltration de Nessie dans la Tamise, ça me fait saliver. Mais tel quel, c'est déjà un changement d'enjeux final très appréciable.

De plus, même si sur le papier cette invasion n'est pas très originale, comme toujours depuis ce sérial : l'exécution est assez irréprochable et l'épisode est bien écrit. Le chef des Zygons admet lui-même que son plan est un challenge mais qu'il est faisable et qu'ils n'ont pas d'autres choix. C'est une phrase assez "mature" qu'on s'attenderait plutôt à trouver du côté des plans abracabrantesques des gentils... Idem, je crois qu'il s'agit d'une des seules histoires à base de clonage dans la série, qui ne saisit jamais l'occasion de faire un double du Docteur ou des compagnons, parce qu'en soit ça n'a pas de sens dans le plan des Zygons.

Le sérial a toujours, je trouve, conscience de ses spectateurs, et lâche avec précision quelques (mais pas beaucoup) lignes ruptures du quatrième mur. Je pense notamment à ce passage où le vaisseau Zygon est détruit, où le Docteur prononce :

DOCTOR: Was that bang big enough for you, Brigadier?

Comme s'il souhaitait aussi convaincre l'audience que ce climax était suffisant, avant d'enchaîner que l'histoire n'est pas finie, que la créature et son chef sont toujours en liberté, se dirige vers Londres, avant d'ajouter :

DOCTOR: And this time it'll be something really spectacular.

Ce script est vraiment intelligent de bout en bout. Oui, on pourra toujours lui trouver deux ou trois défauts et petites facilités dans un épisode, il est inévitable qu'entre le tournage express, la direction des acteurs ou le montage, des choses se perdent ça-et-là, mais j'ai rarement vu un script, sur le papier pourtant classique, qui aborde son sujet et gère ses personnages et événements d'une façon aussi exemplaire. On ne s'ennuie jamais, chaque scène à sa place. Au début de cette partie par exemple, Sarah et Harry font un retour au château pour découvrir des trucs en apparence inutiles sur le Duc de Forgill, mais cela permet d'expliquer comment ils vont pouvoir accéder à la réunion de la commission écossaise de l'énergie à Londres pour l'acte final. Cela met en valeur l'intelligence de tous les personnages, de Sarah ici, bref c'est vraiment bien joué.

Une chose est certaine, même sous cette version "quatre parties" et non pas six de base, cet épisode aurait fait une meilleure fin à la saison 12 que Revenge of the Cybermen, il n'y a pas photo. C'est déjà un épisode plus épique. Et aussi, un retour sur Terre aurait bouclé la boucle après une saison 12 qui s'est ouverte avec Robot, l'autre histoire de UNIT de Four. Cela aurait parfaitement conclu cette ré-introduction du Docteur, et symbolisé le passage à une nouvelle ère. Et c'est logique, puisque c'est l'une des dernières apparitions du Brigadier et c'est quand même triste sachant qu'il est très très bon dans ce sérial. Dans l'esprit, cet épisode est vraiment le final de la saison 12 et il est très bon comme tel.

Un autre point qui soutient cette idée c'est qu'Harry quitte le Docteur à la fin de l'épisode. C'est traité de façon aussi expéditive que tous les autres départs de compagnon dans la série classique, ce qui est un peu dommage, en gros : "Tu viens Harry ?" "Pas cette fois, merci !" "D'accord. Au revoir Harry !". En même temps, à la base Harry n'a jamais signé pour voyager avec le Docteur et a juste relevé le pari de voir si le TARDIS pouvait aller sur la lune...

Mais qu'importe de la numérotation "officielle", que cet épisode soit saison 12, 12.5 ou 13, il fait clairement partie pour moi d'une saga en six histoires. Il complète une saison 12 qui, avec lui donc, constitue le premier "run" de la nouvelle team de production en place. Philipp Hinchcliffe et Robert Holmes ont ensuite vraiment pu écrire la saison 13 qu'ils voulaient, qui va multiplier les hommages et les références - ce qui a déjà démarré dans cet épisode. Tom Baker et Liz Sladen ont le champ libre, et j'ai hâte de voir le deuxième acte de leurs aventures !

Un très bon épisode, autour du top 10 de Tom Baker, qui ne paie pas de mine en apparence et qui constitue pourtant du fun en barre, un scénario intelligent et des éléments de mise en scène et d'intrigue très modernes. Il n'est pas difficile de voir en quoi avec ce seul épisode, ces ennemis ont durablement marqué l'esprit des fans, au point où David Tennant les qualifie de ses monstres préférés de la série classique, et les a fait revenir dans le New Who... avec je dirais même, MOINS de style que cet épisode de 1975 ! C'est dir. Mais avec panache tout de même et en s'inspirant largement de leurs traits et leur histoire posée dans cet épisode.

C'est avec ce genre de continuité que Doctor Who est vraiment magique, et cela ne fait qu'embellir cette très bonne histoire.

Note moyenne : 15.25/20