BARBARA: Yes, yes, I'll try... You're trying to help me?
DOCTOR: Fear makes companions of all of us.

D’accord cette partie n’est pas fameuse fameuse, mais un épisode avec une telle citation ne peut être autre chose que bon.

On se concentre ici sur la fuite en forêt, une péripétie pas extrêmement créative sur le papier, mais qui a le mérite de nous faire explorer un peu d’autres décors que la caverne répétitive. Les plans sans dialogue sont encore une fois toujours les plus beaux, comme par exemple le plan d’introduction (pour le coup en caverne, mais tout de même). Tu sens que le réal Waris Hussein aime explorer ça, plus que les dialogues nécessitant des allers-retours sans cesse entre les visages des personnages qui se parlent toujours face au quatrième mur, comme une pièce de théâtre. Cela dit, cela a toujours son charme, et le fait d’avoir 4 protagonistes (donc souvent deux groupes de deux) dynamise l’ensemble et permet de profiter du format multi-cam. Cela contribue à donner un charme d'ancienne époque.

L’intrigue n’est en vérité qu’un prétexte. Le concept de la “forêt des peurs” permet surtout de mettre en exergue les caractères des protagonistes en situation de crise. Et c’est assez exemplaire de ce point de vue là.

Les filles ont la fâcheuse tendance à pleurer et crier pour un rien, mais dès qu’il s’agit d’aller aider l’ennemi blessé par le sanglier, ce sont les premières à se dévouer. Barbara notamment fait preuve finalement de beaucoup plus de courage, à travers sa compassion, que ses congénères masculins. Quelques répliques et comportements chauvinistes mis à part, on nous enseigne ici clairement que c’est Barbara qui prend la meilleure décision.

En fait, les personnages sont perdus initialement et le groupe commence à sérieusement voler en éclats. Et c’est seulement après avoir aidé le couple des cavernes que tous retrouvent leur chemin. C’est une jolie morale, surtout pour un épisode qui met en avant la peur qui nous rassemble jusqu’à trouver de l’espoir.

Celui qui dénote le plus dans tout cela, est finalement le Docteur. Il est ici extrêmement méfiant, couard et désagréable. Et génial !

DOCTOR: You're trying to say that everything you do is reasonable, and everything I do is inhuman. Well, I'm afraid your judgement's at fault, Miss Wright, not mine.

Il n’est clairement pas habitué à voyager avec des personnes ayant des divergences d’opinion, et cela porte complètement l’histoire. One est vraiment pour le moment un personnage cohérent et nuancé, loin d’être un héros. Je suis prêt à parier que toute série de l’époque l’aurait clairement érigé en figure paternelle intelligente, comme l’épisode le fait un peu au début, tandis que les filles ne font rien et que Ian a des muscles. Sauf que la réalité est plus contrastée que cela : le Docteur est certes plus malin, mais surtout plus vicieux.

La séquence où Ian le surprend en train de ramasser une pierre, on suppose pour tuer la femme des cavernes, est franchement super violente pour un protagoniste censé être un role-model, ça m'a fait froid dans le dos. L’épisode a d’ailleurs son lot d’imagerie violente : je ne suis pas fan du long plan sur la tête d’animal mort, juste un peu cheap, mais la vision de l’homme des cavernes ensanglanté après une lutte (en hors-champ) contre un sanglier, est assez glauque, et on comprend aisément en quoi Barbara ne peut s'empêcher d'aller les aider.

Bref, je veux bien que les quelques scènes dans les cavernes qui subsistent où on parle de qui est le leader et de quand aller récupérer les prisonniers, soient chiantes. Mais elles sont relativement très peu nombreuses : à la fin, ils rattrapent même le groupe en trois secondes chrono (c'est d'ailleurs un peu mal fait et frustrant alors que le TARDIS était à portée de main, mais c'est un détail).

Cela n’est pas rédhibitoire pour moi, surtout quand à côté, le reste de l’épisode dans la forêt traduit un vrai sentiment de fatigue, de violence, de prise de décision collective difficile (il y a un certain parallèle entre la relation Ian/Docteur et la guerre pour le leadership de la tribu des cavernes, parallèle trop peu exploité à mon goût, mais présent), et pour tous ses rapports de groupe conflictuels, je le trouve très loin d’être ennuyant.

Un épisode plutôt intéressant qui contient toutes les bases nécessaires à une intrigue de Doctor Who. Un cadre « exotique », des opposants et adjuvants, un enjeu important, qui aura des retombées sur une planète ou une époque (l'apparition du feu ici). Le plus surprenant est peut-être dans la description du Docteur, un vieil homme fatigué (lui-même reconnaît qu'il n'est plus tout jeune lorsqu'il doit reprendre sa respiration en pleine course poursuite).

J'avoue que je suis assez surpris que la BBC ait fait de leur personnage principal un vieillard grincheux. Le pari était risqué. Mais la dynamique entre le vieillard et Ian est vraiment intéressante et amusante. C'est dans de tels moments que je prends conscience de l'avantage indéniable d'avoir un Docteur plus âgé. Il n'est pas le super-héros parfait qu'on tentera parfois de nous vendre plus tard, ni même l'humaniste qu'il est par la suite. Dans cet épisode, il n'hésite pas à laisser une pauvre victime souffrir de ses blessures, et seule l'empathie de Barbara et Susan lui feront faire marche arrière.

Je suis assez impressionné par l'intelligence des scénaristes de l'époque, qui cernent très bien le Docteur dans toutes ses failles. Barbara lui reproche déjà son orgueil et son mépris, tandis que celui-ci est persuadé d'agir dans l'intérêt de ses compagnons. Susan et Barbara ne sont pas des potiches au service des hommes, elles sont essentielles à l'histoire par leur humanité. Encore une fois, ces notions seront essentielles par la suite, prouvant que le Docteur ne peut pas voyager seul, au risque d'agir seulement selon ses propres règles.

Pour le reste, l'intrigue n'est pas passionnante mais met suffisamment en valeur les protagonistes et les enjeux pour qu'on suive l'ensemble avec plaisir. Reste à voir comment tout cela va se conclure …