Deux camps, Deux stratégies
Spartacus revient cette semaine avec un épisode beaucoup plus dans la retenue et beaucoup moins dans l’excès, un épisode sans fioritures ni provocation inutile, bref : un épisode comme je les aime. À défaut de nous offrir des passages spectaculaires, les scénaristes préfèrent se focaliser sur la stratégie et l’humanité. Alors certes, on a droit à quelques scènes de nudité mais rien de bien méchant et ces dernières s’avèrent même utiles pour le déroulement de l’histoire. Elles sont là pour illustrer un rapport dominant-dominé, le meilleur exemple étant la scène du bain de César avec les esclaves.
Côté stratégie, le camp de Marcus Crassus et celui de Spartacus s’organisent chacun de leur côté afin de préparer au mieux la bataille qui les attend. Le romain est toujours aussi patient et prend le temps de monter une armée en béton afin de prendre notre ami thrace au dépourvu. En bon chef d’armée, il ne laisse rien au hasard et reste même très lucide sur sa condition vis-à-vis du sénat. Il a en effet bien conscience qu’ils se sont tournés vers lui par dépit et non pas par envie, et cette lutte contre Spartacus représente aussi pour lui l’opportunité de se démarquer aux yeux du sénat, de prouver de quoi il est capable. Pour l'aider dans cette tache, il fait appel à nul autre que Gaius Julius Caesar, futur Jules César. Ensemble, ils comptent bien vaincre les esclaves et rétablir la « paix » sur Rome.
Rien ne vaut une bonne épée
Spartacus de son côté, conscient que son armée ne cesse de grandir au fil des batailles, décide de s’emparer d’une cité entière afin que ses disciples puissent s'y réfugier. Il jette son dévolu sur Sinuessa en Valle, une cité romaine ultra protégée (enfin, si on veut...). Le sac de la ville sera surtout l’occasion pour Spartacus de se retrouver confronté aux conséquences de sa propre révolte. À force de courir partout avec ses hommes, l’ancien gladiateur semble avoir oublié qu’il n’était pas le seul concerné par cette guerre et que cela ne relève plus uniquement de lui. Cet épisode est donc aussi un retour brutal à la réalité pour celui qui jusqu’ici semblait être intouchable.
Personne n’est parfait
Durant cette bataille, j’ai l’impression que c’est la première fois que Spartacus se retrouve confronté à la cruauté de la guerre. Et cela commence dès son entrée dans Sinuessa en Valle où il assiste impuissant à la lapidation de l’un de ses partisans sans pouvoir lui venir en secours. Le faiseur de pluie se rend compte que cette rébellion commence à le dépasser et qu’il ne pourra pas toujours protéger tout le monde. En cela, j’ai trouvé vraiment sympa que cet épisode puisse nous permettre de découvrir aussi comment s’organiser les petites cités face à la rébellion.
Et à ce propos, la scène du couvre-feu est vraiment lourde de sens puisque même si elle permet à Spartacus et ses hommes d’infiltrer la ville, elle est aussi très évocatrice de cette méfiance et de cette peur que le gladiateur évoque pour les simples citoyens. On découvre ici que la révolte des esclaves contre les romains ne se joue plus seulement sur les champs de bataille, mais concerne également les petites cités alentours. Cette rébellion qui devrait permettre d’atteindre un idéal de liberté a une incidence sur la vie de personnes innocentes qui se retrouvent à leur tour privés de liberté. Comme quoi, Spartacus n’est pas si parfait que cela et sa révolte sociale a aussi ses limites.
Mais c'est qu'ils ont vachement l'air sympathiques ces messieurs-dâmes
À la fin de cet épisode, il prend (enfin) conscience de la cruauté de ses hommes et se rend très certainement compte qu’ils sont progressivement devenus aussi monstrueux que leurs ennemis. Et si les esclaves ne valaient finalement pas mieux que les romains ? Adoptent-ils la bonne attitude en massacrant leurs ennemis comme des animaux enragés ? Spartacus commence à se poser des questions sur sa propre stature de chef. La série gagne en complexité et laisse derrière elle un manichéisme qui aurait pu nuire au ton général de l’histoire. Ce qui pouvait paraître une noble cause au départ se transforme petit à petit en un véritable carnage. Cette fois c’est sûr, Spartacus va en baver et ce n’est pas le dernier plan de l’épisode qui nous dira le contraire. Ça fait vraiment du bien de le sentir enfin en difficulté…
Vous les femmes
Cet épisode, c’est aussi l’occasion de revenir plus en détails sur la place des femmes dans la série (petite pensée pour Altair, notre féministe de Série All). Jusqu’ici, ces dernières ont souvent été reléguées aux simples rôles de sous-fifres. Elles étaient soit la femme de telle ou telle personne soit tout simplement des esclaves. Dans tous les cas, elles ont souvent été celles qu’il fallait protéger et mettre en sécurité, toujours jugées comme étant de pauvres créatures fragiles. Certes, il y a eu quelques belles exceptions comme Lucretia ou Ilithyia, mais la plupart du temps les femmes n’ont eu qu’un rôle secondaire et pouvaient même apparaître comme des boulets (Aurelia la femme de Varro par exemple aura connu un destin tragique au début de la saison 2).
Xena, sors de ce corps !
Il est intéressant de constater que depuis le début de cette saison, les femmes semblent avoir repris un peu du poil de la bête. Ainsi Naevia la petite protégée de Crixus n’est plus autant fragile et prend même part au combat. Apparemment le fait de couper des têtes lui a donné des ailes et la jeune femme est devenue une véritable guerrière. Elle devient progressivement une pièce maitresse dans l’armée de Spartacus et déjà dans le premier épisode, elle s’était servie de son ancienne fragilité pour attirer les romains dans un piège. Alors oui, elle avait un peu servi d’instrument pour attirer l’ennemi, mais dans ce deuxième épisode elle prouve qu’elle peut aussi se battre et s’avérer redoutable.
Néanmoins, Spartacus ne fait pas non plus dans la dentelle et reste avant tout une série où la virilité est plus forte que tout. Le machisme est bel et bien toujours présent, au moins du côté des romains. Ainsi, la femme de Marcus Crassus (mais c’est qu’elle ressemble vachement à Ilithyia celle-là) est seulement présentée comme la gentille femme à son mari. Lorsqu’elle décide de le suivre sur le champ de bataille, ce dernier fait en sorte de la faire changer d’avis, arguant qu'il craint pour sa sécurité. Soumise à la volonté de son époux, elle renonce donc à le suivre, tout en ignorant que ce dernier vient de l’évincer au profit de sa maîtresse, une gentille esclave hyper sexy, cette même esclave que César tentera d'utiliser comme objet sexuel. Attention tout de même à bien nuancer mon propos, car Ilithyia et Lucretia étaient un peu comme cette femme (celle de Crassus) au début de la série avant de nous surprendre par la suite. Je doute fort que les scénaristes la laisse tomber ainsi…
Tiens, on a retrouvé la frangine d'Ilithyia
Au final on a donc deux camps, deux stratégies pour deux catégories de femmes : D’un côté le camp de Spartacus où les femmes se battent comme les hommes, avec la même rage et la même détermination que leurs partenaires masculins. De l’autre, le camp des romains où les femmes sont réduites à de simples objets sexuels et où elles doivent rester à la maison… Les rebelles sont clairement du côté du progressisme tandis que leurs ennemis restent assez conservateurs. À mon avis, cette bifurcation féminine est très intéressante puisqu’elle permet de souligner les enjeux de chaque camp.
N’est pas César qui veut…
Malgré toutes ces bonnes critiques, cet épisode n’est pas pour autant exempt de défauts. Et la première déception vient du côté de César lui-même. Depuis le temps que les auteurs de la série parlent de l’arrivée de ce personnage historique, je m’attendais vraiment à autre chose qu’un jeune blondinet aux cheveux longs. Le personnage n’est clairement pas à la hauteur de mes attentes et en décevra plus d’un à mon avis. Certes, on ne pouvait pas faire plus original et surprenant (quoique), mais parfois l’originalité a elle aussi ses limites. Bon au moins, il ne porte pas des lunettes de soleil et un smoking, c’est déjà ça.
Ah oui là c'est sûr, j'ai super peur !
Le personnage ne me déçoit pas seulement à cause de son physique. Après tout, c’est vrai que je m’en contrefiche qu’il soit blond ou roux. Non, ce qui m’a peut-être le plus déçu, c’est le caractère même du personnage. Il est présenté comme étant séducteur, moqueur, vaniteux et il en devient presque agaçant. J’arrive à deviner où les scénaristes veulent en venir avec ce personnage – le fanfaron va devenir le « grand homme » que l’on connait – mais ce n’est pas vraiment ce à quoi je m’attendais. Je pense aussi que ce personnage risque de souffrir de sa comparaison avec Crassus qui de son côté s’est tout de suite montré intéressant. Ici, le futur empereur de Rome se contente seulement de déblatérer, de pendre des bains et de draguer des femmes. Le personnage est un peu trop too much pour qu’on s’y attache véritablement.
Tu ne nous vaincras point
Autre grande déception de cet épisode : la prise de la cité par Spartacus et ses hommes. Comme à leur habitude, les scénaristes manquent une nouvelle fois de subtilité et franchement trop c’est trop. J’en ai vraiment plus qu’assez qu’on nous prenne pour des crétins. Voilà, c’est dit. Les romains sont une nouvelle fois présentés comme incompétents et ils ne savent même pas choisir leurs gardes correctement. Je ne parlerai même pas de celui qui se fait avoir lamentablement par le petit tour de passe-passe de Spartacus à l’entrée de la ville, tant je trouve ce passage déplorable. Les mecs (je parle bien des gardes) sont censés avoir été enrôlés pour défendre une cité et pourtant ils se font enchaîner la tête par deux gaillards en culottes courtes.
Ils sont vraiment sympas ces romains, ils nous servent même de boucliers
La crédibilité et le réalisme ne feront définitivement jamais partie de la série. Si après cet épisode, on n’a toujours pas compris que nos gladiateurs sont super forts et qu’ils sont des dieux vivants, c’est soit qu’on est vraiment des crétins, soit qu’on est tout simplement aussi imbéciles que ces romains…
En même temps, j’avoue être de très mauvaise foi quand je dis cela, car il paraît presque évident qu’il ne peut rien arriver aux personnages principaux à ce stade de la série. De plus, ce manque de réalisme est innérant à la série et en a toujours fait partie, donc ce serait un peu comme cracher dans la soupe si je disais que ça me dérange aujourd’hui. Néanmoins, c’est un aspect qui m’a toujours agacé dans Spartacus et qui je pense continuera de m’agacer jusqu’à la fin. Cela étant dit, je promets ne pas reparler de réalisme ou de crédibilité dans mes prochaines critiques. Juré.
J’ai aimé :
- La mise en avant de la stratégie au détriment des scènes de sexe inutiles
- La prise de conscience de Spartacus vis-à-vis de ses hommes
- La mise en difficulté de Spartacus
- Le personnage de Naevia qui se révèle progressivement
Je n’ai pas aimé :
- Le personnage de César, vraiment mal amené
- Le manque de crédibilité et de réalisme qui continue de parasiter mon plaisir
Ma note : 13/20
Un très bon épisode vraiment riche et qui abandonne enfin certaines scènes inutiles pour se consacrer à l’essentiel : la mise en place d’une stratégie. On retrouve ainsi les ingrédients qui avaient fait le succès de la série, à savoir la manipulation et le mensonge. Les personnages gagnent en complexité et seul le manque de crédibilité vient parasiter mon plaisir. Dommage !!!